Conflits intercommunautaires : La grande menace

Les récents évènements qui ont attristé les populations de Béoumi mettent au grand jour un phénomène potentiellement destructeur, qui mine aujourd’hui la vie de nombreux Ivoiriens. Béoumi n’est pas un cas isolé. L’ouest du pays a, il y a moins d’un an, donné des signaux inquiétants de ce genre. Des morts et des dégâts matériels y avaient été également enregistrés, alors que les protagonistes se côtoyaient depuis des décennies. Ce que beaucoup qualifient de conflits intercommunautaires n’est-il pas en réalité le résultat d’un certain ressentiment, caché derrière le train-train quotidien que l’on observe ici et là ? Les populations sont-elles la cible de manipulateurs ? Le débat reste ouvert.

Du sang, du feu, de la rage…Ceux qui connaissent Béoumi diront certainement que la ville était méconnaissable la semaine dernière. Ils ont vu et entendu des choses qui leur paraissaient jusque-là lointaines, pour l’horreur qu’elles représentent aux yeux de tous. Des voisins qui se tirent dessus, des frères prêts à en découdre, des maisons incendiées, des commerces et des biens partis en fumée. Une banale altercation entre un conducteur de mototaxi et un jeune homme s’est soudain transformée en conflit généralisé entre commerçants allochtones dioulas et autochtones baoulés conducteurs de mototaxis. Gourdins, machettes et fusils de chasse ont servi d’armes. Le bilan est lourd. Dix décès, une centaine de blessés, de nombreux dégâts matériels. Ce qui frappe, c’est la soudaineté ahurissante avec laquelle les évènements se sont enclenchés. « Ce type de conflit entre deux individus qui s’étend ensuite à deux communautés s’explique par le fait que les protagonistes mettent en avant un aspect de leur identité, en l’espèce, l’ethnie baoulé et l’ethnie malinké, pour mobiliser leurs communautés respectives. Concrètement, l’un des deux individus, à l’origine de la rixe, prend le dessus sur l’autre dans le rapport de force qui s’instaure. Par conséquent, voulant renverser la situation, on généralise la situation. Plutôt que de rester dans le cadre d’un conflit entre deux personnes, on dira par exemple qu’un Malinké a battu un Baoulé ou l’inverse. Chacun des membres de ces deux communautés se sentira désormais directement concerné, parce qu’à ses yeux c’est son ethnie qui est attaquée, menacée. Le conflit devient alors communautaire », explique Honoré Kouadio, expert en prévention de conflits à caractère identitaire. Béoumi, c’est l’arbre qui cache la forêt. C’est le deuxième incident du genre dans le département en moins de huit mois. Le 27 octobre dernier, les villages de Blempo et de Marabadiassa s’étaient violemment affrontés autour d’un problème foncier. Les deux peuples voisins, baoulé et malinké, se disputent depuis des décennies des parcelles de terre sans que les autorités ne tranchent clairement la question.

L’arbre qui cache la forêt Un conflit entre Malinkés de Marabadiassa, communément appelés « Diassarakan » et Baoulés de Bodokro. Une personne y a perdu la vie tandis que de nombreuses maisons ont été saccagées et incendiées. Il y a également eu plusieurs déplacés. Si dans le dernier cas le conflit est parti d’une banale rixe entre deux individus, tous deux transporteurs, les violents affrontements d’octobre puisaient leur source dans un conflit foncier. Le dénominateur commun étant toujours la question communautaire, d’où le terme de conflit intercommunautaire utilisé par la suite. C’est une terminologie qui, malheureusement, revient de plus en plus dans le vocabulaire des Ivoiriens ces dernières années. Le cas le plus marquant est sans conteste celui de Bouna, dans le nord-est du pays. Un violent conflit y avait opposé les 24 et 25 mars 2016, Lobis et Koulangos. Tout était parti d’une palabre entre éleveurs et agriculteurs. Au final, le bilan faisait froid dans le dos : 33 personnes avaient perdu la vie dans ces funestes affrontements. Plus 52 blessés et près de 3 000 déplacés vers le Burkina Faso. Une situation qui avait amené le Président de la République à faire un déplacement sur les lieux de l’incident. Le gouvernement avait ensuite initié un séminaire pour réfléchir sur les causes profondes de cette escalade, en impliquant tous les préfets de régions et experts en la matière. « Les conflits ont toujours existé entre les hommes. Mais cela ne doit pas déboucher sur un drame », souligne Joël N’Guessan, cadre du RHDP, qui en appelle à plus de lucidité de la part des populations, tout en saluant au passage les efforts du gouvernement pour traiter avec la plus grande attention possible ces affrontements malencontreux. Toutefois, au regard de la poursuite de ces violences, on peut en déduire que la rencontre n’a pas atteint ses objectifs. En 2017, plusieurs régions, notamment dans l’ouest du pays, ont connu des points chauds. En octobre de cette année-là, notamment, un conflit avait opposé la communauté autochtone Yacouba à celle des allogènes burkinabés dans le village de Daleu, situé dans le canton de Gouroussé, au sein de la région du Tonkpi. Le 31 mars dernier, la ville de Bin-Houyé, dans la région de Man (Ouest) avait également été secouée après les évènements de Bangolo et de Duekoué. La rixe était également partie d’un accident entre un véhicule de transport de marchandises de type Kia et un motocycliste, entrainant malheureusement la mort sur le champ du dernier. La situation avait par la suite entièrement dégénéré et des commerces et le marché étaient partis en fumée, hélas.

Plusieurs morts Ces échauffourées ont fait 7 blessés dans les rangs des autochtones, en minorité dans cette localité. En décembre dernier, un violent affrontement entre communautés de Zouan-hounien est venu grossir le lot des victimes : 5 morts, 137 blessés, 25 maisons incendiées, 4 autres saccagées, 3 domiciles pillés, une pharmacie vandalisée et 1 église mise à feu. Sans oublier le nombre considérable de véhicules incendiés. Du moins, c’est la situation dépeinte par la ministre de la Solidarité, Mariatou Koné, venue consoler les victimes. Le dernier événement en date, celui de Béoumi, vient donc tirer la sonnette d’alarme sur une situation en état larvaire, qui peut à tout moment cracher du feu et tout embraser. « Le Baoulé se retrouve à l’ouest, chez le Bété, et vice-versa. Le Dioula se retrouve partout. Si aujourd’hui on doit en arriver à constater des villes à feu et à sang, il faut reconnaître que notre pays est en train de dégringoler. Les vrais coupables de cette situation qui se dégrade sont les politiques. Il y a un temps on accusait les journalistes d’attiser le feu. Mais, en réalité, ce sont les politiques qui sont les vrais responsables. Ils n’ont pas compris leur mission. Et leurs manières de faire montrent qu’ils ne sont pas construits. On n’attise pas le feu. On doit pouvoir éviter, prévenir le désordre, parce que la paix profite à tout le monde », prévient Ange Dagaret-Dassaud, membre du bureau politique du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). Pour Honoré Kouadio, expert en prévention de conflits, il faut également chercher les causes du phénomène dans l’instrumentalisation de la population en se servant d’aspects tels que l’ethnie ou la région. En gros, l’identité. L’ignorance des populations aidant, selon l’expert, on bascule très vite dans la violence. À l’entendre, il y a lieu de trouver des solutions au problème, et très vite. « Si nous sommes en conflit avec quelqu’un, il faut éviter de l’identifier par un aspect de son identité qui pourrait être son ethnie, sa religion, sa région d’origine, afin d’éviter de généraliser le problème. Ensuite, il faut mettre les entrepreneurs de la haine, qui font l’apologie du discours de la pureté identitaire, hors d’état de nuire. Il faut aussi former les masses à la prévention des conflits à caractère identitaire, ce qui fera ressortir tous les aspects et risques liés à ce type particulier de conflit », énumère-t-il. De son côté, l’Imam Mamadou Dosso, porte-parole du Conseil national islamique (CNI), préconise le vivre ensemble et l’entraide entre fils d’un même pays. Mais surtout la sensibilisation à la cohésion sociale. Encore faut-il que les esprits soient prêts à le faire.

Raphaël TANOH

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