Déguerpissements : 8 ans après, stop ou encore ?

Depuis près de 8 ans, les Ivoiriens se sont familiarisés avec les déguerpissements. Commerces, domiciles, gares routières ou ateliers ont été démolis dans le cadre de divers programmes, avec des buts différents. Même si ce n’est pas toujours pour les mêmes raisons, la plupart du temps l’on retient que les déguerpissements ont pour but d’assainir l’environnement et de libérer la voie publique. Une politique qui ne va pas sans grincements de dents des populations concernées. Qu’à cela ne tienne, l’on ne peut faire des omelettes sans casser des œufs, leur répondent les autorités en charge du sujet. Que garder à l’esprit aujourd’hui de toutes ces opérations ?

Tout a débuté en 2011, au lendemain de la crise postélectorale, avec l’opération « Pays propre », confiée alors à Anne-Désirée Ouloto. Une tâche qui lui vaudra le surnom de « Maman bulldozer ». Ce qui était alors l’une des opérations coups de poing les plus en vue de cette époque, verra la démolition de la très controversée Rue Princesse de Yopougon. Dans le même élan, le Boulevard Nangui Abrogoua connaît l’une de ses plus grandes opérations d’assainissement en 2012, pilotée par le commandant Zakaria Koné. En octobre 2012 suivra le déguerpissement sanglant d’Abobo-gare, qui s’est fait sous les plombs, les pierres et les gaz lacrymogènes. Moustapha Kamagaté, l’un des responsables de syndicats de transporteurs, se rappelle : « depuis 20 ans que nous étions à Abobo, on n’avait jamais vu cela. Les maires sont passés successivement, jamais personne n’avait osé casser le marché du rond-point ».  En 2013 et 2014, le déguerpissement aura pour principal objectif de lutter contre les catastrophes en saison pluvieuse. Les quartiers précaires, comme Wharf, Adjouffou, Gonzagueville, Boribana, seront la cible des machines. On établira une liste noire de quartiers à rayer de la surface de la terre. 52 sites jugés dangereux seront identifiés. Entre autres Koweït, Banco, Mamie Faitai (Yopougon), Gobelet, Danga (Cocody), Sebroko, Agban-Attié, Santé 3 (Attéoubé), Paillet extension, HMA (Adjamé). Pour une ville qui compte 132 quartiers précaires construits sur une superficie de 5 000 hectares, avec 1,2 million de personnes qui habitent les lieux, cette cartographie des zones à risques ne cessera de s’étendre.   En 2015, un nom hante le ministère de la Construction : Gobelet. Dans les annales des quartiers précaires d’Abidjan, ce bled de plusieurs milliers d’âmes n’est plus à présenter. Un lacis immonde de masures étalées le long du talweg qui part des Deux Plateaux jusqu’à la Riviera-Attogban. Son odeur d’égouts et ses pans de terre qui s’affaissent régulièrement en saison pluvieuse font faire des cauchemars aux secouristes. Ils veulent la détruire. Mohamed Konfé, Président des jeunes de « Bougouny », l’un des sous-quartiers de Gobelet, témoigne : « les gens vivent ici depuis des décennies comme dans un quartier normal. Il y a des communautés, des écoles. Si vous leur demandez de partir, ils iront où ?». C’est dans cet état d’esprit que le 21 juillet 2015 ils affrontent les bulldozers. La police gaze. L’affrontement va entraîner un mort et plusieurs blessés. L’année suivante sera du même acabit, avec notamment la destruction de la casse d’Adjamé. En 2017, en plus de l’assainissement de l’espace public, l’occupation anarchique des emprises des ouvrages de drainage et les zones à risques constituent des motifs suffisants pour étendre le déguerpissement. 2018 connaîtra le même traitement. On y verra, par exemple, le déguerpissement de l’abattoir de Port-Bouët et le début de l’opération d’assainissement de Koumassi, initiée par le tout nouveau maire, Ibrahim Bacongo. Mais 2019 restera la plus remarquable. À Yopougon, Abobo, Adjamé, Cocody, les différentes mairies débutent une vaste opération de libération de l’espace public, qui toucheront principalement les commerçants. Avec la crise, Abidjan est devenue une zone surpeuplée. Des zones qui étaient auparavant inhabitables le sont aujourd’hui. Les opérations que chaque mairie initie sont faites pour amener un mieux vivre. Cette année, ce qui a retenu l’attention des Ivoiriens, ce sont principalement les déguerpis du 4ème pont, ainsi que les populations d’Adjouffou, qui occupent de manière anarchique le site de l’aéroport Félix Houphouët-Boigny.

Recolonisés Mais que de murs démolis ! Environ 8 ans après, quel bilan faire de toutes ces opérations ? « Mitigé », résume Jean Boto Roger.  Qui développe : « nous avons salué les initiatives. En 8 ans, on a assisté à plus de déguerpissements que dans n’importe quelle autre période de l’histoire de notre pays. Mais il a manqué une chose capitale à tout ceci : le suivi ». D’après l’adjoint au maire de Treichville, la plupart des sites déguerpis ont été recolonisés. « Très souvent, tout cela n’a servi à rien, puisque les gens sont revenus. Il y a eu des rares moments où les zones déguerpies ont été embellies, comme à Koumassi, à Cocody. Mais, dans la majorité des cas, les zones ont été recolonisées », regrette M. Boto. Une idée partagée par Gaoussou Drabo, chargé de la Communication de la chefferie de Mossikro santé 3 à Attécoubé, où de nombreux éboulements ont obligé les autorités à démolir plusieurs maisons de la zone. « La démolition des maisons situées dans les zones à risques a été saluée ici à Mossikro. Cela a diminué les éboulements. Mais les gens sont revenus se réinstaller », explique-t-il. Le manque de suivi dans s’illustre aisément par le cas du Boulevard Nangui Abrogoua d’Adjamé. Aussitôt assaini, Aussitôt occupé. Selon le maire de la commune, Farikou Soumahoro, le véritable problème n’est pas de chasser les vendeurs, mais de faire ce fameux suivi. Il faut environ 40 millions de francs CFA par mois pour le faire correctement, à l’entendre. Pour l’instant, depuis bientôt six mois, sa politique de déguerpissement déroute les commerçants, même les plus téméraires.   

Suivi En plus du manque de suivi, dans certains cas, ce sont les sites de relocalisation qui manquent. « Les commerçants qu’on a chassés n’ont pas eu de sites appropriés pour se réinstaller », indique Soumahoro Farikou. Une situation vécue à Abobo après le déguerpissement du rond-point. Les places proposées à la Société de gestion des gares routières (SOGEGAR), vers Anyama, étaient hors de prix. De plus, le site était excentré. C’est pour cela que les commerçants sont revenus. « Le projet de construction du supermarché du rond-point tarde, parce qu’il a été confié à un privé », justifie un cadre de la mairie d’Abobo. Si ce supermarché voit le jour, pour lui les squatteurs n’auront nulle part où s’installer. Dans plusieurs cas, faute de revalorisation, les sites dégagés sont recolonisés et réduisent les efforts à néant.  À part Koumassi, avec le Grand carrefour, et Cocody, le suivi laisse à désirer.

Et puis, il y a le dédommagement et le recasement qui n’ont pas été faits comme il se le doit, d’après  Karim Ouédraogo, ancien président des jeunes de « Gobelet » 7ème tranche. « Beaucoup de personnes auxquelles on a promis des dédommagements pour se réinstaller n’ont rien reçu ». Et ceux qui ont reçu de quoi se réinstaller n’avaient d’autre choix que de revenir. « Les dédommagements n’était pas suffisants. Parfois, c’était 90 000 francs CFA. Ce qui ne peut pas couvrir une caution et une avance, même dans un quartier pauvre. Certains avaient leur travail ici. Ils ne pouvaient pas tout abandonner. C’est pour cela qu’ils sont revenus ». Banco, Mossikro, Gobelet sont devenus de vrais réservoirs de personnes déguerpies. Quelquefois, les personnes dédommagées restent sur les lieux pendant des générations, comme à Agban-Attié (Banco1).  Aujourd’hui, pour quitter les lieux, leurs descendants veulent eux aussi être dédommagés.

La raison de toutes ces difficultés ? « Le déguerpissement est une question transversale, qui touche plusieurs entités.  C’est pour cela que, d’une opération à une autre, le problème est différent », explique un proche collaborateur du Directeur général de l’Office national de la protection civile (ONPC), impliqué dans la plupart des opérations de déguerpissement. Ce qu’il faut garder à l’esprit, selon lui, c’est qu’il fallait bien commencer un jour à faire déguerpir, avec la surpopulation et les projets de développement. Les bulldozers reviendront.

Raphaël Tanoh

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