Industrie du livre : Ce que gagnent les écrivains en Côte d'Ivoire

Les auteurs qui vivent de l’argent de leur plume sont rares en Côte d’Ivoire. Peut-être un seul parmi les deux classiques de renom que compte la littérature ivoirienne, Bernard Dadié  (en vie) et Aké Loba (décédé), devenus célèbres l’un pour Climbié et l’autre pour Kocumbo, deux  romans longtemps au programme dans l’enseignement public dans le pays.

Romancier, poète, dramaturge et conteur, Dadié (100 ans) jouit de plus d’un demi-siècle d’écriture littéraire. L’argent que lui verse sa maison d’éditions, il n’en parle pratiquement pas. Or, l’écriture est le seul métier qu’on leur connait.

Au fond, les auteurs ivoiriens sont avant tout des intellectuels connus dans le milieu des enseignants et journalistes. Lorsqu’ils signent un contrat avec un éditeur, c’est beaucoup plus par soucis de notoriété que de faire fortune.

De grandes plumes comme Jean-Marie Adiaffi, enseignant de philosophie (La carte d’identité, 1980), Amadou Koné, professeur à l’université de Georgestown  aux Etats-Unis (Les frasques d’Ebinto, 1970), Régina Yaou, professeur de philosophie à l’université d’Abidjan (Lezou Marie, 1996), Isaïe Biton Koulibaly (Ah, les femmes !), salarié  aux Nouvelles éditions ivoiriennes (NEI), ne figurent pas dans le livre des grosses fortunes ivoiriennes.

Généralement, le contrat porte sur deux ans voire trois ans. Les auteurs sont rémunérés à hauteur de 15 FCFA par exemplaire vendu, sans tenir compte du stock de bouquins imprimés par la maison d’édition qui ne déclare d’ailleurs pas les œuvres au bureau des droits d’auteur, si l’écrivain ne prend pas soin de le faire.

Dans les habitudes, pas d’à-valoir, qui sont des montants que l’éditeur verse par avance à l’auteur  en fonction de la qualité du sujet, des perspectives de vente et de la notoriété de celui-ci.

Tous les trois mois, la maison d’édition fait le point de l’œuvre littéraire vendue et reverse à l’écrivain les royalties. Pour un best-seller (environ un million de vente en un temps record), la part de l’auteur peut se situer autour de 500.000 FCFA par trimestre. L’écrivain dont les livres se vendent mal ne perçoit rien. Ces bouquins lui sont retournés.

« Certains de nos éditeurs vous oublient dès que vous avez fait avec eux la première dédicace. Dans les premiers mois vous vendez quelque peu. Après, vous vous retrouvez tout seul à vous débattre pour ne pas laisser mourir votre livre. Plus aucune pub. Pas de visibilité et donc pas de ventes », déplore  le journaliste écrivain Blan’ko Gbich (Oumar Ndao à l’état-civil) auteur du recueil de poème Corps et âmes publié en 2003 aux Nei.

En France, le contrat-type prévoit que l'auteur touche 8% de droits jusqu'à 10.000 exemplaires vendus, 10% entre 10.001 et 20.000, 12% au-delà. Cela représente donc, pour un livre vendu 20 euros, entre 1,60 et 2,40 euros par exemplaire pour  l’auteur. En Côte d’Ivoire, peu d’auteurs consacrent toute leur vie à l’écriture de manuels ou de livres.

«Je le ferais bien volontiers si j’avais les moyens de ma subsistance. Hélas, ce n’est pas le cas en ce moment…Mon salaire d’enseignant me permet, non seulement de vivre, mais de financer mes livres », déclare Camara Nangala professeur de mathématiques et de sciences physiques dans un lycée à Abidjan.

Tony NAHOUNOUX

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