Alors que le marché du sport dépasse les 800 milliards d’euros dans le monde (2% du PIB mondial), il ne représente que 0,5% du PIB de l’Afrique. Un écart à combler au vu du levier qu’il représente en termes de développement économique et social.
Coupe d’Afrique des Nations, Jeux de la Francophonie, Jeux Africains, Africa Tour, Coupe du monde de la FIFA, Jeux Olympiques de la Jeunesse, lancement de la Basketball Africa League… les grands événements sportifs internationaux se multiplient sur le continent. Synonymes de fortes retombées économiques, ils témoignent de la capacité des pays africains à accueillir des événements de grande envergure et d’une volonté commune de faire émerger un marché du sport plus conforme aux standards internationaux.
La Côte d’Ivoire et le Sénégal, qui accueilleront respectivement la CAN 2023 et les Jeux olympiques de la Jeunesse en 2026, ont ainsi fait du sport un axe de développement majeur. À Abidjan, plusieurs constructions de stades ont été lancées : le stade olympique d’Ebimpé, au nord-Est d’Abidjan, le stade de Korhogo, le stade de San Pedro et le stade de Yamoussoukro auxquels s’ajoutent des réhabilitations de stades à Abidjan et Bouaké. Une dynamique que complète le programme Agora, concrétisé récemment par la construction d’un premier centre sportif pluridisciplinaire urbain à Koumassi, dans le district d’Abidjan.
Vivier de talents Malgré cette effervescence, les revenus engrangés ne permettent pas au continent de rivaliser sur le marché mondial. Alors que l’Afrique concentre un vivier majeur de talents, elle peine encore à tirer profit du dynamisme économique engendré par le sport, pour la simple raison que le business du sport africain est insuffisamment, voire pas du tout structuré, et repose sur l’accompagnement des instances sportives internationales (FIFA, FFF, AFD, qui a lancé en 2019 le programme « Sport et développement » afin de soutenir des partenariats entre des associations françaises et des acteurs africains).
Au-delà de ces partenariats, le développement du sport reste insatisfaisant alors même que, fédérateur par excellence, il occupe une place importante dans la société, où il s’affirme comme un outil majeur de cohésion sociale, un puissant moyen éducatif et un levier de transformation économique susceptible de limiter l’exclusion des jeunes. Cela s’explique notamment par le manque d’accompagnement, le déficit ou la vétusté des infrastructures et des équipements, l’absence de dialogue institutionnalisé et de communication adaptée mais aussi par une gestion publique trop centralisée.
Pourtant, sous l’effet conjugué du volontarisme de l’Etat, de la société civile et du secteur privé, le secteur sportif s’est vu conférer une légitimité nouvelle, devenant progressivement un outil à forte valeur ajoutée dans les politiques de développement, comme en atteste son intégration aux ODD de l’ONU, à horizon 2030.
Programmes spécifiques Faire du sport un outil de développement suppose divers prérequis. Même pour les grandes nations sportives qui se distinguent à l’échelle internationale (Afrique du Sud, Côte d’Ivoire, Ethiopie, Nigeria, Sénégal…), seules des politiques publiques volontaristes permettront de faire du sport un outil de développement. Pour décoller, le business du sport africain aurait besoin d’une véritable structuration, à commencer par l’adoption d’un code du sport permettant d’organiser les missions des acteurs du secteur et de favoriser les investissements privés dans des Etats où, souvent, tout le financement repose sur le pouvoir central.
L’émergence d’un marché du sport passera aussi par son intégration dans la formation et par la création d’emplois sectoriels et, plus globalement, par la mise en place de programmes spécifiques à l’image du service national de la jeunesse (Ghana), de l’enseignement technique et de la formation professionnelle (Maurice), du fonds pour les jeunes entrepreneurs (Sénégal, Zambie). Elle sera aussi favorisée par la multiplication d’initiatives telles que l’incubateur Playlab en Afrique de l’Ouest ou le programme Young Leaders, visant à identifier, rassembler et valoriser les potentiels les plus prometteurs sur la scène franco-africaine. Cette année, le programme phare de la French-African Foundation, dont l’appel à candidatures s’achèvera le 21 mars, sera ouvert aux profils sportifs et comprendra un focus « Sport & Développement ».
Alors que 70 % de la population africaine a moins de 30 ans, donner une véritable impulsion à ce secteur nécessitera de placer la jeunesse au cœur de cette dynamique, aux côtés des experts de la sphère publique, des associations professionnelles, des startups etc. Tous les acteurs de l’écosystème du sport doivent accompagner les performances sportives de haut niveau et la pratique du sport en tant que loisir. Car au-delà des champions, l’enjeu reste le sport de masse et ses débouchés économiques.
Anthony NIAMKE