Interdiction des sachets plastiques : L’échec !

Malgré leur interdiction, les sachets plastiques d’alimenter les tas d’immondices.

Prise en 2013, la mesure d’interdiction de la production, de l’importation, de la commercialisation, de la détention et de l’utilisation des sachets plastiques en Côte d’Ivoire peine à s’imposer. Malgré les campagnes de sensibilisation, les rues d’Abidjan continuent à être envahies d’emballages en polyéthylène. Une situation qui impacte gravement la pollution dans le pays. Zoom sur une pratique à la peau dure.

Des salles de classes faites en plastique recyclé ! Ce n’est pas une vision futuriste, mais le reluisant visage écologique qu’offre aujourd’hui l'Epp Gonzague ville. Ce n’est pas non plus un acte isolé, car 3 salles de classes du même type sont prévues à l'EPP Sakassou. Ce projet de l’UNICEF, selon Aboubacar Kampo, représentant de la structure, touchera également Divo. Au total, l’UNICEF prévoit 450 salles de classe faites en sachets plastiques recyclés. Pour M. Kampo, cette initiative « contribuera à accélérer la construction d'écoles en Côte d'Ivoire tout en contribuant à lutter contre la pollution plastique ». Avant de la fin de l’année 2019, Aboubacar Kampo annonce l'installation d'une usine de transformation de déchets plastiques en matériaux de construction en Côte d'Ivoire. Ces notes d’espoir contrastent, hélas, avec l’environnement actuel des déchets plastiques dans le pays. Non, la Côte d’Ivoire ne les a pas encore vaincus. Et non, la situation ne porte pas encore à l’optimisme. Depuis mai 2013, date d’entrée en vigueur de la mesure d’interdiction de la production, de l’importation, de la commercialisation, de la détention et de l’utilisation des sachets plastiques en Côte d’Ivoire, c’est à un jeu de cache-cache que jouent les autorités et les producteurs. Dans les rues, au sein des gares, sur les étals des commerçants, à l’intérieur des boutiques, on continue de vendre de l’eau dans les sachets plastiques. Les emballages en polyéthylène sont autant utilisés par les femmes au marché qu’avant. Les grandes surfaces ne sont pas en reste. Et les autorités semblent impuissantes.

Rien n’a changé Six ans après, le paysage est identique à celui qui prévalait avant la mise en œuvre de la mesure. D’où proviennent ces sachets plastiques ? Mystère et boule de gomme ! « Aujourd’hui, vous allez dans les cérémonies officielles, où se trouvent des membres du gouvernement, vous trouverez de l’eau dans des sachets en plastique qu’on distribue aux invités », se désole Ben N’Faly Soumahoro, Président de la Fédération ivoirienne des consommateurs le Réveil (FICR). Et M. Soumahoro de soupirer : « c’est un échec ». Il n’est pas le seul à être déçu. « Allez au marché, vous verrez que les femmes continuent d’emballer leurs marchandises dans des sachets plastiques. Regardez dans les poubelles, la première chose que vous verrez ce sont les sachets plastiques », dépeint Boto Jean Roger, adjoint au maire de Treichville, chargé des questions de salubrité. Le principal obstacle à cette politique d’interdiction des sachets plastiques, selon M. Soumahoro, c’est le laxisme. « On sait tous d’où proviennent ces sachets plastiques. La Côte d’Ivoire n’importe pas de sachets plastiques. Ils sont produits ici et vendus au nez et à la barbe de tous », signale le Président de la FICR. En termes d’actions, les autorités ont plus mis l’accent sur la sensibilisation pendant les trois premières années. Comme pour chaque mesure prise, il fallait faire passer le message. Sauf que celui-ci met du temps à être compris. Ou, du moins, on feint de ne pas l’entendre. Une situation qui a conduit à une phase de répression. Selon des sources au sein du ministère des Mines et de l’industrie, ce sont près de 90 000 sachets plastiques et de nombreuses machines qui ont été saisis depuis. De nombreuses entreprises de fabrication de sachets plastiques ont fait l’objet d’inspections et de sanctions, ajoutent nos informateurs.

Contraintes Des commerçants du secteur des sachets plastiques ont également été réprimés. L’Union des grandes entreprises industrielles de Côte d’Ivoire (UGECI), avec laquelle le département travaille, est au cœur de cette politique. Mais les responsables d’entreprises ont des contraintes. L’UGECI exige, par exemple, la signature d’autorisations exceptionnelles d’utilisation ou de production de sachets plastiques pour les entreprises ayant justifié leur demande ou un plan de reconversion accompagné d’un plan de protection environnementale. Toutefois, le principal problème est les alternatives et emballages réutilisables qui doivent accompagner la disparition des sachets plastiques. L’indisponibilité de ces produits de substitution est un véritable frein à la mise en œuvre de l’interdiction. « Si vous allez à la boutique ou au marché et qu’il n’y a rien d’autre dans quoi emballer les produits achetés, vous risquez de changer de vendeur », note le Directeur général de la Fédération nationale des acteurs du commerce de Côte d’Ivoire (FENACACI), Karim Sanogo, qui ne veut pas en dire plus sans l’aval de son Président, Soumahoro Karikou, maire de la commune d’Adjamé. Preuve que la question est sensible au sein de la FENACACI. Pour Jean-Louis Menudier, Président de l’UGECI, il faut vulgariser les alternatives et emballages réutilisables. Il faut aussi procéder au lancement des activités de récupération, de rachat et de valorisation des emballages polluants existant déjà dans le circuit de consommation. Le patron de l’UGECI demande également la distinction des entreprises citoyennes, qui ont parfaitement réussi leur reconversion et respectueuses de l’environnement et le renforcement des activités de police et leur extension à toute l’étendue du territoire national. Bref, le chantier est vaste. Et, trop souvent depuis la prise de la mesure d’interdiction des sachets plastiques, entre ce que dit le gouvernement et ce que font les entreprises, c’est le jour et la nuit. Le 28 février dernier, le comité interministériel mis en place pour traquer les sachets plastiques a effectué une descente à Cocody. Une fabrique d’eau mise en sachets plastiques qui s’y trouvait a été fermée. Mais c’est quasiment la seule action du genre menée depuis près de deux ans. Et quand M. Menudier assure que les zones industrielles ne produisent plus de sachets plastiques, à part des sachets biodégradables, Ben N’Faly Soumahoro rétorque que les autorités en charge de ce dossier savent bien d’où proviennent les sachets mais restent impuissantes.

Mesures « Nous ne parlerons pas de volonté politique, mais plutôt de situer les responsabilités. Il faut qu’on nous dise qui doit faire quoi dans cette équation. L’État a pris une mesure, mais sur le terrain c’est le contraire qui se passe. Ce qui signifie que, quelque part, quelqu’un ne joue pas son rôle », interpelle Jean Roger Boto. Au ministère de la Salubrité, de l’environnement et du développement durable, on ne baisse pas les bras. Cheville ouvrière de la politique de transformation des déchets plastiques, et surtout de la lutte contre la pollution, le département d’Anne-Désirée Ouloto se prépare à lancer une grande offensive dans le secteur. Pour la ministre, ce sont 200 000 tonnes de sachets plastiques qui sont produites chaque année en Côte d’Ivoire. Un gros souci. D’autant que la plus grande partie de ces déchets est abandonnée dans la nature, les rues et les ouvrages d’assainissement. « Il n’y a pas encore eu d’action de terrain. Le bilan concernant la lutte contre les sachets plastiques n’a pas encore été fait. Il est difficile de dire si oui ou non la mesure d’interdiction est respectée. Mais la ministre se prépare cette année à mener des actions d’envergure sur le terrain », note un membre du cabinet d’Anne-Désirée Ouloto. Consciente de l’ampleur de la tâche, Madame Ouloto compte sur l’implication des partenaires techniques et financiers, des ONG et de la société civile pour venir à bout des sachets plastiques dans les rues. Mais le problème est avant tout transversal. Avec le ministère des Mines et de l’industrie et celui de l’Intérieur et de la sécurité, il s’agit d’être impitoyables, tout en proposant des solutions de rechange viables.

Raphaël TANOH

 

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