La question de l’endettement public est cruciale pour les économies africaines. Dans la sous-région, le Sénégal et le Ghana affichent des taux très élevés, et assument leur politique économique.
En février 2018, le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly s’était voulu rassurant sur le taux d’endettement de la Côte d’Ivoire, établi à 42,8% en 2017, et donc en deçà de la norme communautaire de 70% du Produit intérieur brut (PIB). Mais au Sénégal, par contre, on tire la sonnette d’alarme sur le niveau trop élevé de la dette publique, estimée à 60% du PIB. Selon le ministre sénégalais de l’Economie, des Finances et du Plan, Amadou Bâ, la dette du Sénégal s’est très rapidement reconstituée, dix ans après les annulations des initiatives « Pays pauvre très endetté » (PPTE) et d’Allégement de la dette multilatérale (ALDM) de 2006, passant de 3 076 milliards à 5 100 milliards de francs CFA en 2017. Ces annulations ont en effet ouvert d’autres possibilités d’emprunt pour le Sénégal, notamment à l’extérieur, qui ont essentiellement servi, selon certains économistes, à couvrir l’évolution non maîtrisée des effectifs de la fonction publique, certaines dépenses somptuaires et non structurantes pour la construction d’infrastructures, mais aussi à compenser la fraude fiscale. Pour le gouvernement, il n’y a pourtant pas lieu de s’inquiéter, « l’encours de la dette est tout à fait soutenable. Il représente à peu près 30 % de nos recettes, alors qu’en 2011 le service de la dette représentait 34 % de celles-ci », affirme le ministre Bâ. Mais pour l’économiste principal du bureau de la Banque mondiale à Dakar, Julio Ricardo Loayza, le Sénégal devra maintenir son niveau de croissance, 6,8% en 2017, s’il ne veut pas s’enfoncer dans des difficultés économiques. Des avertissements qui n’ont pas empêché Dakar de se tourner vers les marchés financiers internationaux début mars pour récolter 2,2 milliards de dollars.
Indépendance économique ? Voisin de la Côte d’Ivoire, le Ghana connait lui un taux d’endettement estimé à 72,4%. Un surendettement, si l'on se réfère à la norme UEMOA (dont le Ghana n'est pas membre), qui n’empêche pas le pays de Kwame N'krumah d’envisager l'émission d'un emprunt Samouraï, ce qui constituerait une première en Afrique subsaharienne depuis 17 ans, après les 90 milliards de yens (554 milliards de francs CFA) d’obligations émises par l’Afrique du Sud en 2001. Pourtant, en février dernier, le Fonds monétaire international (FMI) avait recommandé au Ghana de « montrer un engagement plus fort pour la réduction de sa dette », notamment en limitant sa prochaine émission d’eurobonds à 500 millions de dollars. Mais les autorités ghanéennes ne semblent pas valider cette politique budgétaire, puisqu’elles s’apprêtent à lever un montant de près de 2,5 milliards de dollars en juin prochain, pour financer le budget 2018. Un pas de plus vers l’indépendance économique vis à vis des bailleurs de fonds classiques ?
Anthony NIAMKE