La piraterie audiovisuelle sous toutes ses formes s’est considérablement développée au cours des deux dernières décennies. Si les CD musicaux la subissent le plus, les productions cinématographiques ne sont pas en reste.
La piraterie des œuvres de l’esprit n’est un secret pour personne. Les flux de produits piratés se matérialisent par la vente de toutes sortes de CD de tubes en vogue ou de films par des commerçants tenant des échoppes ou par des vendeurs à la sauvette, aux feux tricolores des grandes artères du district d’Abidjan. Un business bien entretenu par des réseaux mafieux, qui engrangent parfois plus de revenus illégaux que les auteurs des œuvres.
Aucune solution ? « La piraterie est néfaste, non seulement pour le cinéma mais aussi pour les consommateurs. Déjà, nous avons un déficit en salles en Côte d’Ivoire et cela fait que beaucoup sont obligés de produire des séries, parce qu’elles se vendent plus facilement. Les chaînes de télévision sont présentes et ont besoin de ces séries pour agrémenter leurs contenus. Alors que, pour un long métrage, il faut qu’il passe en salle. Et pour le rentabiliser il faut qu’il y ait assez de salles de cinéma pour accueillir du monde », explique l’acteur et réalisateur ivoirien Mahoula Kane. Selon lui, ces CD de longs métrages, qui sont plus accessibles pour les populations, auraient pu combler ce vide s’il existait encore des circuits de distribution légaux. « Le piratage des productions cinématographiques ivoiriennes constitue un gros manque à gagner pour toute la chaine de production. Et, du coup, on ne pourra plus produire assez de longs métrages et les consommateurs d’ici et d’ailleurs ne pourront pas voir les productions que nous voulons faire », lance-t-il, impuissant. Ce ne sont pourtant ni les textes de lois, ni les sanctions, encore moins la traque des œuvres piratées, qui manquent. En août 2017, les efforts conjugués de la Brigade de lutte contre la fraude et la piraterie (BLFP) et de la Commission permanente de contrôle des œuvres éphémères et la lutte contre le piratage du BURIDA, présidé par le comédien et metteur en scène Gnepa Kouya dit Gbi de Fer, ont permis, en 15 jours d’opération, la saisine d’environ 70 000 CD, DVD et autres supports assimilés, de 50 appareils et la mise à la disposition de la justice de 40 présumés pirates. Des actions qui ont soulagé le secteur sans pour autant endiguer le mal, selon un réalisateur sous couvert d’anonymat. Depuis cette opération d’envergure, c’est le silence radio du côté des « gendarmes » du secteur, qui ne devraient pourtant pas chômer face à la complexité de la lutte.
Anthony NIAMKE