Au milieu de la grisaille ambiante, de la récurrence des mutineries, des évasions de détenus et des invasions de « microbes », la Côte d’Ivoire tient son rang de pays qui plie sans jamais rompre. D’où tire-t-elle les ressources qui en ont fait, non pas un pays de Cocagne, mais de bonne humeur ne se laissant jamais désarçonner par les tragédies ? Les secrets de ses moments de bonheur et de résistance lui viennent de sa culture, c'est-à-dire de ce que l’être humain a de plus profond en lui-même. Le savoir-être et le savoir-faire, qui permettent à l’amour de triompher de la haine, sont les atouts précieux de cette Nation en devenir. Au plus fort des tempêtes, il y a une manière de faire face grâce à un humour à nul autre pareil. Il y a aussi la musique et le théâtre, dont les thèmes obéissent à ce même penchant de dire les choses telles qu’elles sont et d’en rire de manière décapante. Ici, la culture a des vertus de bouée de sauvetage qui soutient lorsque l’horizon semble encombré de nuées hostiles. Elle est ce que nous avons en commun, au-delà de nos régions, de nos croyances et de nos religions. C’est le sentiment qui renforce l’appartenance au même pays, pour ne pas dire à la même Nation. Voilà pourquoi, presqu’inconsciemment, à chaque manifestation culturelle ou sportive, nos cœurs battent à l’unisson. Nous vibrons lorsque nos champions arrachent des victoires et sommes meurtris lorsqu’ils perdent.
Au total, le désordre actuel est de l’ordre du provisoire et l’on comprend de plus en plus le rôle de la culture dans la prévention, la gestion et le règlement des conflits de tous ordres. Cela dit, il ne faut pas prendre l’humour ivoirien pour ce qu’il n’est pas, de l’indifférence. Passé un certain degré de lassitude et de silence, il ne reste plus que la révolte. Les fauteurs de troubles doivent savoir qu’il y a des bornes à ne pas franchir. Le même peuple qui rit peut aussi s’indigner et, dans ce cas, la peur changera de camp.
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