« Le Roi est nu ». Cette expression, tirée d’un célèbre conte d’Andersen, a souvent été utilisée dans la littérature économique pour décrire l’état de décrépitude dans lequel se trouve l’État Providence. Au fil des ans, certains peuples et des littéraires l’ont utilisé pour parler des rois contestés ou dans des situations embarrassantes.
Nanan Désiré Tanoé a perdu sa couronne le temps d’une élection, pourrait-on dire. Le Roi des Nzima de Grand Bassam, Président de la Chambre des rois et chefs traditionnels a le sommeil bien troublé. Si son ingérence dans les élections locales en 2013 était passée sous silence, celle de 2018 trouble la tranquillité de la ville balnéaire de Bassam. Leurs us et coutumes ayant été foulés aux pieds, une cinquantaine de personnes proches d’un candidat déclaré perdant par la Commission électorale guettaient l’arrivée et le départ de la Gouverneure du Canada, Julie Payette, en visite à la cour royale, pour faire entendre des slogans hostiles à leur roi.
Au-delà de cette humiliation, c’est en quelque sorte tout le cœur de la tradition qui s’effondre. L’écrivain nigérian Chinua Achebé décrit bien l’effondrement des valeurs africaines dans son livre « Le monde s’effondre ». Les temps anciens où les rois régulaient la vie politique, administrative, économique et sociale et jouissaient d’un profond respect sont désormais à des années-lumière de nous, même si enfouis encore dans les esprits de quelques nostalgiques. Ils assistent, impuissants, à la désacralisation de ce qui reste de nos pouvoirs traditionnels, de l’essence de l’Afrique. Mille fois hélas ! Les gardiens du temple de nos ancêtres sont désormais à la merci de tous et de n’importe qui. Les repères n’existent plus et, pour une banale affaire de contestation électorale, la voie est désormais ouverte à toutes sortes de dérives. Quand les garants moraux sont pris pour cible, il n’y a plus de repères en cas de crise.
Ouakatio OUATTARA