3 248 morts, des milliers de réfugiés et un traumatisme encore récent. Oui, les traces de la crise postélectorale de 2010 sont fraîches. Et elles ne s’estomperont pas, même avec le temps. L’obligation morale de se souvenir de cet événement tragique, ainsi que de ses victimes, devrait animer chaque Ivoirien, qui qu’il soit. Victime comme bourreau. C’est un devoir de mémoire sacré. Et pourtant, force est de constater qu’en ces temps malins, où les ingrédients semblent réunis pour une crise politique aux portes de la présidentielle de 2020, les esprits sont à la belligérance. D’un côté, on jubile pour une libération et on crie vengeance pour le Woody, d’un autre, puzzle après puzzle, on s’échine à créer la cartographie d’une future élection présidentielle insoluble. Prend-on suffisamment de recul face aux évènements quand on a un passé récent aussi parlant que celui de la Côte d’Ivoire ? Non, hélas. Est-on prêt à nouveau à braver les rues pour un leader politique qui ne souhaite que posséder pignon sur rue ? Oui. Tout porte à croire que les 3 000 victimes de la crise postélectorale auront été vaines. Personne n’entend plus leurs cris du cœur depuis l’au-delà. Elles nous parlent, elles nous mettent en garde. Elles nous disent que le temps de mourir en masse dans les rues pour un homme politique est peut-être révolu. Ne devrions-nous pas cultiver la citoyenneté au lieu de ce militantisme politique exacerbé qui gangrène encore l’électorat ivoirien, nourrir les débats d’idées plutôt que les idéologies sectaires ? Où est-il cet Ivoirien nouveau, assagi par la crise politico-militaire, guidé par la seule volonté de corriger ses erreurs du passé et mû par l’intérêt commun? Peut-être n’a-t-il jamais existé ? L’avenir, proche ou lointain, nous situera.
Raphaël TANOH
JDF TV
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