Il y a peu, la petite ville d’Azaguihé, scindée géographiquement en deux avec d’un côté les autochtones et de l’autre les allogènes, nous offrait un spectacle désolant d’affrontements intercommunautaires. Le samedi 17 février, pour un malentendu entre un Baoulé et un Malinké, le pire a été évité de justesse à quelques kilomètres de Bouaké, avec un bilan de quatre blessés et des biens privés vandalisés ou pillés. Ces conflits interethniques prédisent un avenir peu rassurant pour un pays qui traine encore les séquelles d’une longue crise politico-militaire à relents ethniques. Les murs de méfiance n’ont, en réalité, jamais été brisés. Mieux, plusieurs conflits latents entre communautés ethniques ou religieuses peuvent dégénérer à tout moment. Le pays reste une poudrière identitaire, alimentée parfois par des antennes politiques, rendant presque impossible la cohabitation de certains peuples, pourtant condamnés à vivre ensemble. La réconciliation tant recherchée depuis la mort du père fondateur, Félix Houphouët Boigny, n’est pas pour demain. Elle est tellement instrumentalisée par des mains invisibles que le chapelet des préalables pour réussir est bien long. La confiance entre Ivoiriens est rompue.
Place à une méfiance que ni la Commission dialogue et réconciliation ni les politiques n’ont su vaincre, ouvrant la porte à toutes les dérives. L’heure n’est plus à la spéculation. Aux grands maux, les grands remèdes. Les autorités (administratives, coutumières et religieuses) doivent sortir de leur zone de confort pour panser la plaie que le pays traine depuis l’avènement du multipartisme. Puisque le Forum de la réconciliation de 2000, avec tous les acteurs politiques encore en place, n’a pu obtenir la catharsis espérée, il faut se montrer plus concret avec tous les antagonistes, c’est-à-dire en contact direct avec les populations concernées, afin de vider tous les contentieux, sans calculs politiques. Faute de quoi, pour paraphraser Tiken Jah Fakoly, l’émergence annoncée arrivera avec un pied cassé.