Le 14 juin dernier, au comble de l’exaspération, la Nouvelle pharmacie de la santé publique (NPSP), chargée de la distribution des médicaments dans les établissements sanitaires publics et parapublics, a décidé de mettre les pieds dans le plat en dénonçant l’une des pratiques les plus amphigouriques de notre ère : les médicaments de la rue. Ou doit-on dire les médicaments dans la rue ? Posons-nous ces questions : depuis combien de temps la Côte d’Ivoire abrite-t-elle la plus grande pharmacie à ciel ouvert de l’Afrique de l’ouest, devant le géant nigérian ? Et comment en est-on arrivé là ? Allez à Adjamé Roxy : les vendeuses de médicaments vous expliqueront des notices en anglais et même en chinois si vous le souhaitez. Le 3 mai dernier, suite à un reportage remarquablement fouillé de la chaîne France 24 sur le phénomène, une centaine de policiers, des Ninjas, ont pris d'assaut cette place forte, située dans le fourmillement du boulevard Nangui Abrogoua. Plusieurs étals ont été détruits et 30 tonnes de médicaments saisies, selon les chiffres avancés. La presse en a fait ses choux gras pendant quelques jours. Mais à peine avait-on fini de lire les articles élogieux sur le courage des policiers que les « pharmaciennes de rues » avaient réinvesti les lieux. 30 tonnes de médicaments saisies et pourtant rien ! Cela interpelle sur la gravité de la situation. D’où la réaction de la NPSP, garante de la distribution des médicaments sur notre sol. Au lendemain de ce triste constat, le diagnostic est évident, mais le remède n’est pas le bon. Plutôt que de dénoncer les prix bas des médicaments vendus à Roxy, d’indexer sans cesse la pauvreté des populations et de faire des descentes musclées intermittentes, ne serait-il pas temps de situer les responsabilités des uns et des autres ? Les responsables, les vrais, ne sont pas ces femmes, qui ne possèdent ni manufactures, ni passes douaniers !
Raphaël TANOH