85 morts, 484 blessés, 225 personnes interpellées, 176 inculpées et 45 placées sous mandat de dépôt : c’est le triste bilan des violences survenues avant, pendant et après les élections présidentielles du 31 octobre 2020. Au mois de novembre dernier, ces chiffres parlaient d’eux-mêmes. S’il y a un bilan qui restera à jamais fidèle aux faits, c’est bien le nombre de décès. Les personnes interpellées ? Plusieurs ont été libérés après audition. Les inculpés ? Certains bénéficient encore de cette espèce d’immunité politique indicible. D’un claquement de doigt, ou sous un prétexte d’apaisement et de cohésion sociale, ils sont ou seront de nouveau dans le jeu politique.
C’est la vie…ou pas. Ce mardi, à l’occasion de la cérémonie d’investiture des candidats du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP), le chef de l’Etat a repris ce qu’il ne cesse de dire depuis des semaines : « Nous devons mettre fin à l’impunité. La réconciliation ne peut pas se faire sans justice ».
Avant la liberté conditionnelle de certains leaders politiques arrêtés dans le cadre des mêmes violences électorales, Alassane Ouattara avait déjà fait part de cette préoccupation qui, sans conteste, est aussi celle de millions d’Ivoiriens depuis des décennies, las de compter les morts après chaque scrutin présidentiel. Mais, de quel type de justice parle-t-on au fait ? Lorsque le chef de l’Etat scande dans une salle des fêtes bondée à craquer, que les résultats de l’enquête accablent des personnalités et que les Ivoiriens seront surpris de le savoir, cela signifie-t-il que ces personnalités seront incriminées ? Mieux encore, peut-on les conduire devant les tribunaux pour répondre de leurs actes ? Comme le disent les anglais, ‘‘That is the question’’. Ce n’est qu’à ce prix que la Côte d’Ivoire franchira un pas décisif sur la voie de l’impunité. Il est temps que les enquêtes servent à condamner et à sanctionner et non à dissuader.
Raphaël TANOH