Du 14 au 17 novembre prochains, Abidjan vivra au rythme de la 10ème édition de Ciné droit libre, avec pour thématique « Justice ! Levez-vous ». Dans cet entretien, le coordonnateur du festival, Yacouba Sangaré, présente l’évènement.
Qu’est ce qui a motivé le choix du thème de la justice ?
L’idée est partie d’une interrogation aussi simple que pertinente : y a-t-il vraiment une justice en Afrique ? Selon une enquête d’Afrobaromètre publiée en mars 2017 et réalisée dans 36 pays africains, 43% des Africains n’ont pas confiance en leur justice. Cette étude relève un certain nombre d'obstacles majeurs qui réduisent de façon significative l'accès à la justice. Face à ce constat pour le moins inquiétant, nous avons décidé de mener la sensibilisation sur l’accès à la justice. L’objectif, c’est aussi de s’interroger sur l'importance de la justice pour la paix et surtout sur sa place dans la lutte contre l’insécurité et le terrorisme. Bien entendu, l’épineuse question de la justice transitionnelle sera évoquée, tout comme la justice juvénile.
En Côte d'Ivoire, il y a peu de films qui dénoncent l'injustice. Pensez-vous que les cinéastes ivoiriens soient muselés ?
Je pense plutôt que les cinéastes ivoiriens ne s’intéressent pas beaucoup aux films sur les droits humains, parce que leur réalisation nécessite un volume de travail plus important, notamment plus d’investigations, parce que le sujet doit être bien documenté. S’y ajoute un aspect non négligeable : un film qui dénonce l’injustice est moins rentable sur le plan commercial qu’une fiction de divertissement. Du coup, les cinéastes préfèrent s’orienter vers les séries télé et les longs métrages. Ils sont dans une logique de business et non dans une démarche pour faire bouger qualitativement la société. Il ne faut pas non plus leur jeter la pierre, le cinéma est avant tout une industrie.
Y a-t-il des innovations pour cette édition ?
Oui, bien sûr. La vocation du festival est de faire la promotion des droits humains à travers le cinéma. Il y aura une master class sur le film documentaire, des spectacles et un panel. Cette année, nous aurons deux innovations de taille, un flash mob, du théâtre participatif qui consiste pour une troupe à jouer une pièce de théâtre dans un décor naturel et un concert du poète et parolier Alain Tailly.
Combien de films seront projetés ?
Une dizaine de documentaires engagés aborderont la problématique de la justice, l’homophobie, le business de la malaria, etc. Les projections sont gratuites. Elles se dérouleront du 14 au 17 novembre au Goethe Institut, à l’Institut Français, à Yopougon, à Port-Bouët et dans deux établissements scolaires. Le tout sous les yeux de Samira Daoud, Sous-directrice régionale d’Amnesty International pour l’Afrique de l’ouest et des réalisateurs Lilith Kugler et Janusz Mrozowski.
Propos recueillis par Anthony NIAMKE