Si le coupé décalé occupe la première place dans la musique ivoirienne, il le doit fortement à Internet, qui a contribué à sa promotion. Mais aujourd’hui, les réseaux sociaux sont devenus pour certains de ses ténors un champ de bataille et les dérives ne se comptent plus.
La condamnation par la justice ivoirienne, le 25 mai dernier, du numéro un du coupé décalé, Ange Didier Houon, alias DJ Arafat, à 12 mois de prison, assortis d’une amende de 20 millions de francs CFA, pour coups et blessures sur son ex-danseur Régis Naï, est le voile noir qui recouvre aujourd’hui cette musique urbaine ivoirienne. « L’erreur qu’il a commise est de l’avoir filmé nu et d’avoir publié cela sur les réseaux sociaux », confie à JDA l’un des proches d’Arafat. Aujourd’hui, ces réseaux sont malheureusement devenus le champ de bataille des artistes, qui se livrent sans cesse à des « clashes », où des injures grossières sont proférées au grand dam des internautes.
Mauvaise image Les sorties sur Facebook de Tanguy Digbeu, alias Debordo Leekunfa, tenant des propos injurieux envers son confrère Serge Beynaud ont ému la toile. Un comportement jugé irresponsable par les Ivoiriens, qui n’ont pas manqué de le faire savoir. DJ Arafat, Serge Beynaud, Debordo Leekunfa et bien d’autres occupent Internet à travers des joutes verbales, des rivalités de clocher et des « clashes » d’une bassesse consternante. Pas une semaine sans que les réseaux sociaux ne mettent en lumière leurs échanges conflictuels. « Au départ, lorsque nous avons créé ce mouvement, c’était pour nous entraider, car certains n’avaient pas de logement et de titre de séjour. On se cotisait. C’était l’unité. Aujourd’hui, ces « clashes » conduisent à une division du mouvement », se rappelle l’un des membres fondateurs du coupé décalé, Bédel Patassé. « Leur clashes nous conduisent de plus en plus au ridicule et n’honore pas la musique ivoirienne », déplore un autre membre fondateur, Lino Versace. Pourtant, dans les autres genres musicaux (zouglou, reggae, rap…), on use des réseaux sociaux pour faire la promotion de la musique, pas pour régler des comptes. « Cette musique a fortement contribué à la débauche chez les jeunes. Et les frasques sur les réseaux sociaux ne font rien pour arranger la situation », relève Yvette Oka, sociologue. Contrairement à certains pays, comme le Sénégal, où ces dérives sont sévèrement punies, en Côte d’Ivoire, rien n’avait encore été fait pour réprimer les artistes qui usent mal des réseaux sociaux, même si, selon Geoffroy Ursul, juriste des médias, une loi existe bel et bien pour cela.
Anthony NIAMKE