L’Art Oratoire est un art, en ce sens qu’il propose une dimension esthétique du discours, mais aussi parce qu’il requiert l’apprentissage d’une méthode et donc d’une technique. À juste titre, l’ex directeur du Centre national des arts et de la culture (CNAC), Dr Alain Tailly, initiateur de « L’école des orateurs », nous en donne les raisons.
Qu’est-ce que l’art oratoire ?
Comme l’expression l’indique, c’est cette manière de maitriser le discours oral et de bien s’exprimer oralement. C’est comme cela qu’on le définit généralement mais nous allons au-delà, puisque l’art de bien parler c’est non seulement la capacité que nous avons à bien nous exprimer en public, mais c’est surtout, le bonheur que nous avons à parler avec l’autre, à échanger
avec lui pour lui communiquer des messages, des émotions, des sentiments.
Pourquoi avoir initié l’école des orateurs ?
Je suis moi-même orateur, coach en art oratoire et poète. En observant bien la société ivoirienne, les différents groupes de personne, il se trouve qu’il y a des manques, des faiblesses et des insuffisances au niveau de l’art oratoire, dont le fait de bien parler en public. Et c’est comme ça qu’est née cette idée d’école des orateurs à l’intérieur de laquelle se trouvent des sessions de formation à l’art oratoire.
En tant que professionnel, pensez-vous que les ivoiriens s’expriment bien ?
De façon générale, les gens parlent mais ne savent pas s’exprimer avec tous les indicateurs que j’ai eu à expliquer. Nous savons parler mais nous communiquons peu. Communiquer, c’est se préparer à rencontrer l’autre pour partager quelque chose avec cette personne dans un esprit d’harmonie et c’est cela la grande différence avec l’art oratoire.
En Côte d’Ivoire, nous parlons beaucoup mais nous écoutons peu. Bien parler c’est aussi faire silence pour écouter l’autre. L’art oratoire, ce n’est pas juste l’éloquence, c’est aussi des comportements et certaines valeurs.
Comment cela se passe concrètement ?
Une fois l’inscription réalisée, au cours de la formation, nous faisons une sorte de bilan oratoire à cette personne pour connaitre son niveau et détecter ses difficultés et à partir de ce diagnostic, nous pouvons commencer à préconiser des solutions afin d’éliminer les problèmes et vous donner la pleine capacité de parler et d’être efficace dans votre prise de parole. Les sessions sont prévues pour se dérouler tous les trois mois. Et c’est essentiellement la pratique que nous faisons pour amener à corriger au fur et à mesure, les défauts de leur prise de parole. Pour la première session, nous avons eu 15 participants et nous espérons que pour les prochaines sessions, nous aurons un plus grand nombre.
Il existe déjà des concours d’art oratoire organisés en Côte d’Ivoire par des grands maîtres de la parole, comme Bomou
Mamadou. Quel est le plus que vous apportez à travers cette école des orateurs ?
Retenez que le fait de pratiquer la poésie, est un aspect de l’art oratoire. Il y a plusieurs dimensions dans l’art oratoire. Et le fait d’être poète, ne suffit pas pour dire que nous sommes un grand orateur de talent, parce qu’il y a plusieurs dimensions dans l’art oratoire. Les concours qui sont organisés, il ne faudrait pas les confondre avec les concours de poésie. Il y a l’école des poètes, il y a « Le collectif au nom du slam » et à coté, il y a des concours d’éloquence. Il ne faudrait pas confondre.
Pensez-vous qu’on devrait instaurer l’art oratoire dans le programme scolaire ?
Absolument, il faudrait l’intégrer dans le programme scolaire. L’art oratoire est un élément de leadership et c’est un élément qui pourrait amener nos élèves à avoir confiance en eux-mêmes, dans une société où nous sommes souvent dans la négation de soi. Et à partir de l’estime de soi, la personne peut affirmer son identité et son leadership. Il est donc important
que les enfants soient initiés à l’art oratoire pour avoir les rudiments du leadership qui leur permettra de s’affirmer.
Propos recueillis par Anthony NIAMKE