Le mot « boucantier », né du nouchi, va figurer dans le « Petit Larousse illustré 2020 ». C’est le second terme emprunté à l’argot ivoirien, après « s’enjailler ». Un choix qui fait honneur à la culture ivoirienne.
C’est en 2017, lors des Jeux de la Francophonie organisés à Abidjan, que la nouvelle a été donnée. Le verbe « s’enjailler », emprunté au nouchi, venait d’être inscrit au dictionnaire de la langue française. Deux ans après, c’est au tour de « boucantier », tiré également de l’argot ivoirien, de figurer dès 2020 dans le « Petit Larousse illustré ». Substantif de « boucan », qui signifie « vacarme », ce terme désigne « celui qui aime afficher son aisance matérielle et son style de vie ostentatoire ». Avec cette nouvelle entrée, le nouchi se positionne désormais comme une langue identitaire de Côte d’Ivoire qui influence de la langue française.
Nouchi « en avant! » « Avec plus de 60 ethnies et une diversité de cultures, il nous fallait trouver un moyen de communiquer entre nous, jeunes de la rue, qui nous retrouvions dans les années 80 devant les salles de cinéma. Chacun parlait sa langue et il était difficile de se comprendre », confie Omer Kipré, alias Sahin Polo, figure emblématique du mouvement ziguéhi en Côte d’Ivoire et promoteur du nouchi en Europe. « Le nouchi est un argot spécial. Nous avons utilisé le français, auquel nous avons associé des mots provenant d’ethnies de Côte d’Ivoire ». Utilisé dans la musique même par les hommes politiques, il s’est taillé au fil des ans une place dans le quotidien des Ivoiriens. Cependant, il n'est pas encore considéré comme une langue à part entière. « Le nouchi est avant tout un parler urbain. Loin d’obéir à une quelconque norme, il n’est qu’un moyen d’expression. C’est une manière de parler non ordonnée, n’obéissant à aucun critère », affirme le Pr Jacques Silué Sassongo, sociolinguiste, enseignant à l’Université Félix Houphouët Boigny d’Abidjan. Mais, selon lui, la Côte d’Ivoire pourra se flatter un jour d’avoir un français qui lui est propre et qui nécessitera des interprètes. « Ceux qui ont pronostiqué sa mort ont eu tort. Il faut reconnaître que le nouchi est en pleine expansion. Il est en train de coloniser le français populaire et le français standard », estime M. Sassongo. Phénomène linguistique pour les scientifiques ivoiriens, le nouchi progresse et d’autres mots vont intégrer le dictionnaire et pourquoi pas être classés au patrimoine immatériel de l’Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO).
Anthony NIAMKE