Il flottait dans l’air un parfum des années 1980 ce dimanche 22 mai, au stade Robert Champroux de Marcory (centre d’Abidjan), dont les tribunes semblaient craquer sous le poids des milliers de supporters. Un parfum de « football de Papa », car ce sont deux monstres sacrés du football ivoirien qui se sont affrontés lors du traditionnel derby, ASEC Mimosas - Africa Sports (2-1).
Si le standing des deux clubs légendaires d’Afrique de l’Ouest a baissé, le « clasico » de la Ligue 1 ivoirienne a prouvé une fois de plus qu’il s’agissait d’un match hors du commun. « C’est le match à ne pas perdre, si tu n’as pas battu l’ASEC, tu n’es pas vraiment champion », devise en début de partie Patrick Keuna, qui est « né Africa et mourra Africa ».
Les esprits s’échauffent vite, peu après l’ouverture du score sur penalty par l’Africa (par l’entremise de Blagnon). « On va tuer ces vigiles en jaune et noir », rugit depuis les travées, belliqueux, un supporter de l’Africa Sport en allusion aux couleurs de ses rivaux historiques. « Si on perd, les amis vont se moquer de moi pendant les deux semaines à venir », s’inquiète Yacouba Dosso, peu avant l’égalisation de son équipe, sur un coup franc de l’international togolais Martin Woko.
Dans un tourbillon de hourrah et de lazzis entremêlés, un personnage fend la foule avec autorité : le « Maréchal Bassolé », leader des supporters de l’ASEC, harangue ses troupes, casquette sur la tête, uniforme à fleurs et bâton à la main. « Le troisième est en marche », promet-il après le second but de son équipe, marqué par Dao. Les « Mimo ! » répondent aux « Oyé ! », avec une ferveur qui rappelle les derbys d’anthologie, du temps où ils avaient lieu au grand stade Félix Houphouët Boigny.
Malgré une baisse d’intensité reconnue par tous les supporters, on reconnaît un grand derby aux passions qu’il déchaîne contre l’arbitre. « J’ai payé mille francs pour venir, pourquoi tu agis comme ça ?! » interpelle un supporter des jaune-et-noir, pointant un index accusateur vers l’homme au sifflet.
Une remarque qui rappelle les sacrifices que font quelques spectateurs pour assister au match incontournable, le seul qu’ils vont voir dans l’année pour certains d’entre eux. A l’instar de ce sexagénaire inconditionnel des rouge-et-verts, venu de Bondoukou (Nord-est ivoirien). Ou de cet ultra de l’Africa, qui quitte le terrain avant même le coup de sifflet final, oubliant de dépit sa jeune fille dans les tribunes. L’ASEC finit la partie 5ème et double l’Africa, 7ème. Des rangs indignes de leur histoire, mais qu’importe, une fois de plus la Côte d’Ivoire toute entière a eu les yeux braqués sur le derby.
Noé MICHALON