La sélection nationale locale a été éliminée en quarts de finale du Championnat d’Afrique des Nations (CHAN) 2023 en concédant un but dans les ultimes minutes du match contre le pays hôte, l’Algérie (1-0). Une défaite qui relance le débat sur le niveau de compétitivité actuel du football ivoirien, qui traverse de toute évidence une crise de résultats. Visiblement, le sacre de la Côte d’Ivoire à la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) 2015 n’a pas tenu la promesse des lendemains qui chantent pour le football ivoirien. Depuis ce jour de gloire, les échecs s’enchaînent pour un pays dont le football était encore il y a quelques années l’un des plus représentatifs du continent africain.
Malgré le capital sympathie dont elle continue encore de bénéficier auprès des supporteurs ivoiriens, la sélection A, vitrine de notre sport roi, peine à faire respecter son rang. Elle est sortie au 1er tour de la CAN 2017, a été éliminée en quarts de finale de la CAN 2019 et en huitièmes de finale de celle de 2021. Atteindre le dernier carré de cette compétition semble être devenu désormais pour les Éléphants un objectif hors de portée. Tout comme la qualification pour le Mondial, alors que la génération Drogba y avait habitué les supporters ivoiriens en enchaînant trois participations successives (2006, 2010, 2014). Les deux derniers échecs en éliminatoires des Mondiaux 2018 et 2021 sont symptomatiques du niveau de décrépitude de notre football : une défaite humiliante à Abidjan en novembre 2017, face au Maroc (2-0) et une autre contre-performance à Yaoundé, contre les Lions indomptables (1-0), en novembre 2021. La défaite semble être désormais le principe et la victoire l’exception.
Sans exception Les sélections de jeunes et les féminines ne font pas mieux. Aucune n’a réussi à se qualifier pour la compétition continentale de sa catégorie. Il est loin le temps où les Cadets entraînés par Kamara Ibrahim avaient héroïquement remporté la CAN 2013 au Maroc. Les U23, qui avaient terminé Vice-champions d’Afrique en 2019, n’ont même pas réussi à se qualifier pour la prochaine CAN, prévue au Maroc. Une absence qui les élimine de facto des prochains JO de 2024 à Paris.
Les U17 et les U20 ont doublement subi la loi des Nigérians et été éliminés eux aussi de la CAN de leur catégorie. Chez les féminines, le regain de vitalité qui avait suivi la nomination de Touré Clémentine au poste de sélectionneuse national semble s’être estompé. Les Ivoiriennes sont restées à quai pour la CAN, qui s’est tenue en juillet dernier au Maroc. La troisième fois d’affilée pour les Éléphantes. Elles avaient été éliminées en tour préliminaire face l’Égypte en 2016, contre le Mali en 2018 et face au Nigéria en 2022. Au beach soccer, les Ivoiriens sont aux abonnés absents. Tout le contraire d’un pays comme le Sénégal qui arrive à tutoyer les plus grandes nations de ce monde dans cette discipline. Lors de la dernière CAN, les Éléphants ont été éliminés par le Maroc après avoir quitté le terrain pour contester un penalty accordé dans les ultimes minutes du match par l’arbitre aux Lions de l’Atlas.
Dans cette grisaille, le football des clubs n’est pas mieux loti. Le dernier trophée d’un club ivoirien en compétition africaine remonte à 1999, avec la victoire de l’Asec Mimosas en Supercoupe d’Afrique face à l’Espérance de Tunis. Une éternité. L’incapacité à se qualifier pour les phases de groupes de la Ligue africaine des champions et de la Coupe de la confédération en raison d’éliminations récurrentes lors des tours préliminaires n’inclinent pas à un optimisme et ne présagent pas d’un changement imminent de la situation. Depuis de longues années, saison après saison, c’est presque devenu la norme que de voir les représentants ivoiriens sortir dès les premiers tours des compétitions interclubs continentales. « Après la décennie 90, où les clubs ivoiriens ont tout gagné sur le continent : Asec, Africa, Stella. En 2006, l'Asec joue la demi-finale de la Ligue des champions. La dernière bonne campagne au niveau local est pour le Sewe de San-Pedro, finaliste de la Coupe des confédérations. « Mais depuis 2015 on ne gagne absolument plus rien et c'est inquiétant », analysait le journaliste sportif Roger Stéphane lors de l’émission la Grande Team, diffusée par la RTI (télévision nationale).
Un football local en deçà La faute à un championnat dont le niveau laisse à désirer et est très loin de ce qu’il a été dans le passé. Dans les 80 et 90, l’attractivité du championnat de Côte d’Ivoire attirait les joueurs de la sous-région, notamment les Nigérians, les Ghanéens, les Libériens, les Guinéens, les Maliens et les Burkinabés. Les plus grands clubs du pays, comme l’Asec Mimosas, l’Africa et le Stade d’Abidjan, avaient chacun réussi à entretenir leurs filières nigérianes et ghanéennes, d’où ont émergé de grands noms comme Stephan Keshi, Thomson Oliha, Rashidi Yekini, Gabriel Okolossi, Babalade Ajibadé, Ben Iroha, Henri Nwosu, Ebo Mends, Ayew Maxico, James Smith, Dan Foster Kodjo
Mieux, certains internationaux ivoiriens en perdition en Europe, comme Alain Gouaméné, Abdoulaye Traoré dit Ben Badi et Gadji Celi, étaient revenus relancer leur carrière. D’autres, comme Youssouf Fofana, sont venus achever la leur. Pendant cette période faste, l’Europe était la destination privilégiée des footballeurs ivoiriens, qui ambitionnaient de monnayer leurs talents à l’extérieur. S’exiler dans un championnat exotique comme ceux du Soudan, de la Tanzanie, de Djibouti, aurait été perçu comme une véritable hérésie. Aujourd’hui, comme un symbole du net recul du championnat, les Ivoiriens affluent dans ces pays et dans ceux de l’Afrique du nord, où le traitement salarial et les conditions de travail sont un peu plus conformes aux exigences du football professionnel.
Rêver ? Pour retrouver son lustre d’antan, les défis du football ivoirien sont nombreux. Il faut une bonne politique de développement global de ce sport, en accordant une place prépondérante à la formation de qualité des athlètes et des techniciens. En progrès ces dernières années, des pays comme le Sénégal, le Maroc et l’Algérie récoltent aujourd’hui les fruits de leurs politiques de formation, initiées depuis quelques temps. Au football, comme dans toute chose dans la vie, il n’y a pas de hasard.
Un pays du standing de la Côte d’Ivoire a un rang à tenir et ne devrait plus donner raison au Baron Pierre de Coubertin en se contentant de participer, mais gagner. Pour y arriver, les encadreurs techniques doivent inculquer l’esprit de la gagne aux joueurs. Les dirigeants fédéraux doivent eux aussi se montrer ambitieux dans le discours et les objectifs. « À froid, je pense que le parcours a été honorable (…). A priori, le fait de sortir de la poule est un bon résultat pour moi. En puis cela situe notre Ligue 1 parmi les huit meilleures Ligues d’Afrique. Si vous êtes en quarts, vous êtes parmi les huit meilleurs championnats d’Afrique. Quelque part, pour moi, c’est une satisfaction, une progression », expliquait le Président de la Fédération ivoirienne de football (FIF), Idriss Diallo, dans une interview publiée sur le site de l’instance, au lendemain de l’élimination de la sélection nationale locale en quarts de finale du CHAN 2023. Pour sortir le football ivoirien de cette spirale négative, la nouvelle équipe dirigeante doit travailler à insuffler un souffle nouveau. Pour Roger Stéphane, ce plan de relance devrait passer par des « états généraux »’.
La CAN 2024, prévue pour se tenir en Côte d’Ivoire, arrive à grands pas. Les Éléphants devront inverser la courbe pour éviter que cet autre rendez-vous, après la CAN 84, soit un échec de plus, et peut être de trop.
Serge Alain KOFFI