En RDC, le mandat de Joseph Kabila prend normalement fin le 19 décembre. Mais le président a réussi à faire « glisser » son mandat et à reporter les élections à 2017. Pour Serge Katembera, analyste politique congolais, chercheur et doctorant à l’Université fédérale de Paraïba (Brésil), au vu de la mobilisation continue de l’opposition, tout peut arriver le jour du terme théorique du mandat de Kabila.
Faut-il craindre que le peuple descende dans la rue le 19 décembre pour réclamer le départ de Kabila?
Ce n’est pas possible de prévoir à coup sûr ce qui se passera. L’opposition ellemême est divisée et n’a pas d’agenda commun. Certains appellent au soulève- ment, d’autres non. J’ai l’impression que les diasporas attendent plus ce soulèvement que les Kinois eux-mêmes. J’ai des contacts qui me parlent d’approvisionnement en vivres pour le temps de la crise. Je pense qu’il y aura des mouvements de foule, des affrontements entre les forces de l’ordre et des manifestants dans les quartiers les plus pauvres de la ville, et les centres universitaires. À mon avis l’impasse est consommée. Il faut en prendre acte et préparer les élections pour 2017.
Pensez-vous que le pouvoir pourra réunir les conditions nécessaires pour organiser ces élections?
Tout dépend de la volonté politique. Depuis 2006, le gouvernement était tenu par la Constitution de 2005 de créer les conditions d’autonomie de la CENI. Kabila et son gouvernement ont fait exprès de ne pas autonomiser cette institution. Maintenant, je pense tout à fait possible d’organiser un recensement pour la première moitié de l’année et une élection pour la fin de l’année 2017. Ce n’est pas l’argent qui manque. Ce qui manque, c’est la volonté politique de créer les conditions pour une meilleure dynamique démocratique. Peut-être que le président Kabila est aujourd’hui pris en otage par certaines élites économiques et militaires...
Pensez-vous que les négociations engagées par l’Église ont des chances de recueillir l’adhésion du Rassemblement de l’opposition à l’accord politique?
C’est possible puisqu’il y a des demandes communes. Mais dans une analyse comme celle-ci, il ne faut jamais éliminer le facteur humain. On a déjà vu des leaders qui vont contre les consignes de leurs partis. Tout dépendra de la capacité des membres de l’opposition à résister aux appels du pied du gouvernement Kabila. Ce dernier a toujours procédé de cette façon : fragiliser ses adversaires en achetant leurs proches. En tous cas, il faudra attendre le 19 décembre pour savoir si la voix institutionnelle reste l’option préférentielle.
Boubacar SANGARÉ