Le Kenya glisserait-il vers un nouveau conflit post-électoral ? Si la situation était calme,au lendemain de la proclamation de la victoire d’Uhuru Kenyatta, après un second tour rejoué en l’absence de l’opposition, les craintes de la voir dégénérer ne sont pas écartées.
Raila Odinga l’a d’ailleurs laissé entendre le mardi 31 octobre, lors d’une allocution. Dénonçant une « parodie d’élection », l’opposant est sûr d’avoir avec lui une grande partie des Kényans, si l’on en croit le très faible taux de participation (38,8%), en très forte baisse par rapport au scrutin du 8 août (79%), déjà remporté par Uhuru Kenyatta et annulé par la Cour suprême pour irrégularités, une première en Afrique. Mettant en question la légitimité du pouvoir d’Uhuru Kenyatta, fils du héros de la lutte pour l’indépendance, devenu pour les populations les plus pauvres du pays l’incarnation de l’oligarchie locale. C’est ce clivage sociopolitique qu’exploitent ses opposants pour l’empêcher de gouverner. Une campagne de « désobéissance civile » pour l’organisation d’une nouvelle élection dans les 90 jours a été lancée. Option rejetée par le pouvoir. Va-t-on donc vers un bras de fer, alors que la majorité des Kényans disent espérer la fin de cet épisode mouvementé de leur histoire ?
Désir de changement. Leader de l’ethnie majoritaire kikuyu, Uhuru Kenyatta est vu par les autres ethnies, particulièrement les Luo d’Odinga, comme celui qui les a empêchées d’exprimer leur choix : le vote dans les quatre provinces acquises à son challenger n’a tout simplement pas eu lieu le 26 octobre. « Qu’il aille diriger les Kikuyus », s’exclamait une militante de l’opposition le 30 octobre. Faut-il cependant réduire cette période post-électorale à une gestion de la question politico-ethnique ? Même s’il est vrai que depuis l’avènement du Kenya indépendant, le mode de mobilisation favori des politiciens est ethnique, le pays est l’un des plus stables d’une région où les équilibres fragiles ont souvent basculé. Aujourd’hui, l’ethnie Luo reproche au parti au pouvoir de la discriminer, s’estimant exclue depuis les années 60, lorsque Jaramagi Odinga Odinga, père de Raila Odinga, alors Vice-Président, se faisait écarter du pouvoir par Jomo Kenyatta.
Il y a une autre lecture de ce qui se passe au Kenya. Le combat est surtout entre deux visions : celle de Kenyatta, qui défend un développement basé sur l’industrialisation massive, et le programme d’Odinga, tourné vers des objectifs plus sociaux. La jeunesse, fer de lance de l’opposition, voudrait, quant à elle, vivre l’alternance après les cinq années Kenyatta…
Célia d’Almeida