Les Zimbabwéens sont fatigués du régime du vieux Robert Mugabe. Rien ne le prouve mieux que les manifestations dirigées contre lui, exigeant son départ du pouvoir. Mugabe, dont on dit qu’il est à l’article de la mort, envisage pourtant de briguer un nouveau mandat en 2018.
Depuis plusieurs semaines, le régime de Robert Mugabe est pris dans le maelström des manifesta- tions. Le samedi 17 septembre dernier, les manifestants ont bravé un décret publié vendredi dans The Herald, quotidien d’État, par la police interdisant tout rassemblement à Harare. Une semaine auparavant, la justice avait annulé une mesure de même nature. Situation paradoxale, symptomatique de la déliquescence de ce pays d’Afrique australe, où le président Robert Mugabe, 92 ans, doyen des chefs d’État africains, est au pouvoir depuis bientôt 30 ans. Il a d’ailleurs menacé les manifestants : « que les partis d’opposition et tous ceux qui font le choix du chaos, du désordre et des manifestations violentes soient prévenus que notre patience a des limites ». Selon l’opposition, une centaine de manifestants ont été arrêtés dans le pays, samedi.
Agrégation de mécontents
Ces manifestations sont menées par l’Initiative nationale pour une réforme électorale (Nera), une coalition de partis d’opposition, et des mouvements de la société civile. Interrogé par RFI, Daniel Compagnon, professeur à Sciences Po, estime que cette « bravitude » des adversaires de Mugabe tient au fait que « les gens ayant moins peur qu’avant, les appels aux manifestations sont suivis. Il y a des catégories sociales (vendeurs ambulants, conducteurs de bus), qui étaient moins impliqués au début des années 2000 (…) qui le sont maintenant. » En outre, les partis d’opposition ont explosé, et le Mouvement pour le changement démocratique (MDC) de Morgan Tsvangirai ne représente plus l’avant-garde de l’opposition. Les protestataires dénoncent la corruption, le chômage et la mauvaise gouvernance, et exigent des réformes électorales avant le scrutin de 2018 pour lequel Mugabe est candidat. Ainsi que des réformes pour sauver l’économie déjà à genoux, une sorte de prolongement de la crise de 2000, caractérisée par le chômage, l’inflation et un taux élevé d’infection au VIH-Sida. Mugabe, qui a su faire face aux différentes contes- tations qui se sont succédées depuis son accession au pouvoir, résistera-t-il à cette nouvelle bourrasque ?
Boubacar SANGARÉ