83 attaques ont été perpétrées par l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) depuis le début de l’année 2021 dans la zone dite des trois frontières, selon une infographie de Jeune Afrique publiée le 25 mars. Le groupe terroriste, qui en 2020 a été la principale cible des offensives de la Force Barkhane et des armées des pays du G5 Sahel, semble reprendre du poil de la bête alors même qu’il était considéré comme affaibli.
Le 15 mars, au moins 66 civils ont été tués au Niger dans un raid mené contre des villages dans la commune de Tilia, dans le Tillabéry. Le même jour, l’armée malienne subissait une attaque d’envergure à Tessit, où la relève montante du poste de sécurité tombait dans une embuscade tendue par une centaine d’hommes à bord de pickups et sur des motos. Bilan de cette attaque, revendiquée quelques jours plus tard par le groupe djihadiste État islamique, 33 morts et 14 blessés dans les rangs des FAMa.
Cette zone, relativement exempte de grandes attaques de l’EIGS pendant plusieurs mois, aura connu deux bains de sang en une seule journée et, tel un réveil programmé, le 21 mars ce groupe s’en prenait à nouveau à des populations civiles dans la région de Tahoua au Niger, tuant 137 personnes.
« De mon point de vue, l’objectif est de terroriser les civils, de leur faire fuir les localités où ils se trouvent. De l’autre côté, les militaires sont attaqués parce qu’ils occupent une position stratégique dans une zone frontalière », souligne le journaliste Serge Daniel.
Retour en force ?
« L’objectif militaire, c’est la zone des trois frontières entre le Mali, le Burkina et le Niger, comme cela a été rappelé. La priorité, c’est l’État islamique au Grand Sahara », déclarait le Président français Emmanuel Macron lors du sommet de Pau, le 13 janvier 2020, rencontre à l’issue de laquelle les efforts de Barkhane et des pays du G5 Sahel se sont accentués sur ce groupe, né en 2015 d’une scission avec le groupe jihadiste Al-Mourabitoune.
Plus d’un an plus tard, le 15 février dernier, Emmanuel Macron affirmait à l’ouverture du sommet de N’Djamena, avec les chefs d’États du G5 Sahel, que l’EIGS « avait perdu de son emprise et subi de nombreuses pertes». Mais, alors que l’étau autour de l’EIGS ne s’est pas desserré, comment expliquer ce « retour en force » depuis le début de l’année 2021 ?
« Dire que l’EIGS a été affaibli, dans les faits ce n’est pas totalement la réalité, puisque qu’il montre toujours qu’il est actif sur le terrain. C’est vrai qu’il n’occupe plus certaines zones en totalité, comme par exemple Ansongo, où il était très présent à l’époque. On ne le voit plus là, mais il est quand même présent sur les trois frontières », observe Serge Daniel.
« L’EIGS a été mis sous cloche pendant l’année 2020. Mais il a son vivier de recrutement, qui est plutôt au Niger et au Burkina Faso, et il réussit quand même à recruter. Il ne faut pas oublier que vu la pression militaire qu’il y avait sur lui en 2020, de la part de Barkhane et des armées nationales mais aussi du JNIM, il s’est mis en retrait en attendant de reprendre des forces. Du moment qu’il y a un vivier dans lequel il peut recruter, il reviendra toujours », explique pour sa part Wassim Nasr, journaliste à France 24 et spécialiste des groupes djihadistes.
Selon lui, il y a deux indicateurs qui démontrent que les choses commencent par changer par rapport à l’année 2020. « C’est d’abord l’attaque contre l’armée malienne à Tessit. Monter une opération contre une armée demande des manœuvres et ce n’est pas du tout la même chose que d’attendre que l’armée parte pour attaquer des civils. Ensuite, le deuxième indicateur important, et antérieur, c’était le 4 mars, avec la confrontation qui a eu lieu contre le MSA à la frontière », relève-t-il.
Germain Kenouvi