Barkhane : L’heure du retrait ?

Dans un entretien au Journal du dimanche (JDD), le 30 mai, Emmanuel Macron menaçait de retirer les troupes françaises de l’Opération Barkhane si l’Exécutif malien continuait de rester dénué de toute « légitimité démocratique » ou « de transition » et allait « dans le sens d'un islamisme radical ».

Le 28 mai, la Cour constitutionnelle a fait du Vice-président Assimi Goïta le nouveau Président de la transition malienne, après la démission probablement forcée du Président Bah N’Daw et de son Premier ministre Moctar Ouane. Ce deuxième coup d’État en l’espace de neuf mois irrite Emmanuel Macron, qui n’a pas tardé à le condamner. Le Président français, qui engage plus de 5 100 hommes dans l’Opération Barkhane, dont la mission est d’aider le Mali et les pays du Sahel à lutter contre le terrorisme, ne dort plus que d’un œil. Outre l’instabilité politique, les djihadistes occupent plusieurs localités dans le centre et le nord du pays, où ils imposent la charia. Les opérations militaires ayant démontré leurs limites en termes de résultats, les Maliens avaient exprimé lors du Dialogue national inclusif, en décembre 2019, leur souhait de dialoguer avec les djihadistes. Cela est en cours de réalisation. À Farabougou, au centre du Mali, après un accord de cessez-le-feu signé grâce à l’implication du Haut conseil islamique, les djihadistes de la Katiba Macina ont obtenu le droit de prêcher en armes dans les villages et d’imposer le voile aux femmes dans les zones qu’ils contrôlent. Emmanuel Macron prévient : « l’islamisme radical avec nos soldats sur place ? Jamais de la vie ! Il y a aujourd’hui cette tentation au Mali. Mais, si cela va dans ce sens, je me retirerai (…). Au sommet de Pau, j’ai préparé un chemin de sortie. Je suis resté à la demande des États, parce que je pensais que la sortie était un point de déstabilisation. Mais la question se pose et nous n’avons pas vocation à rester éternellement là-bas », a martelé le Président français dans un entretien au JDD le 30 mai.

Pour certains observateurs, ces déclarations, intervenues quelques heures avant le sommet extraordinaire des chefs d’État de la CEDEAO, avaient uniquement pour but de mettre la pression sur la junte. Le retrait de l’armée française du Mali, selon eux, est peu envisageable maintenant, notamment alors que la France souhaite un meilleur engagement des Européens dans la lutte. Un désengagement mettrait à mal ce plaidoyer. Mais il n’est tout de même pas impossible, à un an de la présidentielle française et au regard de la situation socio-politique et du discours antifrançais souvent entendu au Mali. Un tel scénario pourrait mener le pays vers des lendemains incertains sur les plans sécuritaire et politique. « Ce n'est pas parce que nous n'avons pas d’hommes qui peuvent faire face à ces djihadistes, mais parce que notre armée n'est pas en mesure, en ce moment, de combattre ces groupes, très équipés et très déterminés. L'armée malienne et la MINUSMA, à elles-seules, ne pourront pas faire face à la lutte contre le terrorisme. Ce retrait français encouragerait aussi les groupes indépendantistes à aller plus vite vers l’atteinte de leurs objectifs », explique Yida Diall, spécialiste des questions sécuritaires.

La Russie à la rescousse ?

Des centaines de Maliens ont affiché leur soutien aux FAMa (Forces armées maliennes) lors d’un meeting le 28 mai sur la Place de l’Indépendance à Bamako. Organisé par plusieurs associations de la société civile, ce meeting appelait également la Russie à intervenir militairement au Mali pour lutter contre le terrorisme, en remplacement de la France.

Daouda Mallé, administrateur dans ll’agriculture, faisait partie des manifestants. Un drapeau russe entre les mains, il disait être là pour « sauver la Nation. C’est la géopolitique qui est l’enjeu principal aujourd’hui au Mali. Et je sais que quand nous ferons recours à la Russie elle pourra nous aider. Sinon, la politique française actuelle au Mali n’honore pas notre pays ».

L’intervention de l’armée russe au Mali est-elle envisageable ? « L'arrivée de l'armée russe n'est pas impossible. Mais eux aussi vont venir avec leurs objectifs et leurs visions de la situation sécuritaire du pays. Aujourd'hui, le Mali vit une situation sécuritaire très compliquée, où faire venir plusieurs forces différentes ne fera que rendre le travail plus difficile. La population peut toujours manifester, mais les autorités maliennes ne vont jamais encourager la rupture de leurs relations avec la France. Elles feront tout pour trouver un terrain d'entente», explique Yida Diall.

Boubacar Diallo

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