Adoptée le 6 mars 2024 par l'Assemblée nationale du Sénégal, la loi d'amnistie revient dans le débat neuf mois après l'élection de Bassirou Diomaye Faye à la présidence.
Votée à l'initiative du Président Macky Sall pour contribuer à la décrispation politique, elle est aujourd'hui remise en cause par les nouvelles autorités. Alors qu'elle avait permis à plusieurs militants, dont l'actuel Président, d'être libérés de prison, son abrogation, qui remet en question des droits acquis, violerait ce principe.
« Appel à l'insurrection » était l'une des infractions reprochées à certains Sénégalais lors des manifestations politiques qui ont secoué le pays entre 2021 et 2024. Cette période avait été marquée par une grave crise et des incidents ayant causé une soixantaine de morts et des milliers de blessés. Critiquée par Amnesty International, la loi était présentée comme « un affront aux victimes » et dénoncée comme ouvrant la voie à l'impunité, selon Human Rights Watch.
Promesse de campagne
Près d'un millier de sympathisants du parti des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité (PASTEF) ont bénéficié de cette loi d'amnistie. Censée pacifier l'espace politique, la loi n'avait pas fait l'unanimité, y compris au sein du camp présidentiel, où elle avait été présentée par certains comme « une porte de sortie » pour l'ancien Président.
L'actuel Premier ministre, Ousmane Sonko, également opposé à cette loi, avait promis lors de sa campagne pour l'élection présidentielle de revenir sur cette loi afin de rendre justice aux faits commis durant cette période. Une promesse qu'il a réitérée lors de la récente campagne pour les élections législatives anticipées. « Utiliser les moyens de l'État pour comploter, tirer, tuer des manifestants désarmés, on ne peut pas l'effacer comme si ça n'avait jamais existé », a-t-il déclaré lors d'un meeting de campagne en novembre dernier. Déterminées à faire la lumière sur les événements entre 2021 et 2024, les autorités sénégalaises, par la voix du ministre de la Justice, ont rappelé leur attente de réparations. « Nous allons nous assurer que toute la lumière soit faite sur ces événements », a-t-il déclaré.
Au-delà de la responsabilité des auteurs des actes commis, les victimes réclament justice. Si l'abrogation de la loi d'amnistie rend punissables les faits concernés, il reviendra au Procureur de décider de poursuivre ou non. Une question qui sera davantage politique que juridique, selon certains observateurs.
Massiré Diop