Le Niger a annoncé son retrait de la Force multinationale mixte (FMM), chargée depuis 2015 de coordonner la lutte contre Boko Haram dans la région du lac Tchad. Cette décision relance le débat sur l’avenir des coalitions sécuritaires en Afrique de l’Ouest.
À l’heure où les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) veulent créer leur propre force unifiée, des désengagements successifs affaiblissent les mécanismes de sécurité collective continentaux. L’architecture africaine de paix, déjà fragilisée, risque ainsi de se fragmenter davantage.
Créée en 1994, puis relancée en 2015, la FMM regroupe le Nigeria, le Tchad, le Cameroun, le Niger et le Bénin. Dotée d’un effectif de 8 700 hommes, elle vise à sécuriser le bassin du lac Tchad, un foyer d’instabilité marqué par les incursions répétées de Boko Haram et de l’État Islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP). Des opérations notables, comme Gama Aiki, ont permis des avancées, mais la force est affaiblie par des problèmes logistiques, un manque de coordination et une dépendance aux soutiens extérieurs.
Le gouvernement nigérien justifie son retrait par la volonté de redéployer ses forces vers la zone pétrolière du nord, jugée plus stratégique. Ce choix s’inscrit dans une dynamique régionale. Ainsi, après le G5 Sahel, le Niger tourne le dos à une autre initiative collective. Il privilégie désormais une stratégie souverainiste, aux côtés du Mali et du Burkina Faso, dans le cadre de l’AES, qui ambitionne de mettre sur pied sa propre force antiterroriste.
Mais le prix de cette autonomie pourrait être élevé. Le retrait du Niger laisse un vide opérationnel majeur dans un espace déjà instable. Les autres membres de la FMM devront combler ce déficit sans coordination renforcée. À terme, ces fragmentations risquent de compromettre l’efficacité des réponses régionales face à des menaces transnationales
Pour le Mali, cette évolution soulève une question de fond, à savoir comment lutter collectivement contre des groupes armés mobiles, puissants et enracinés, si chaque État se replie sur lui-même ? L’unité stratégique africaine, déjà affaiblie, pourrait ne pas résister à la multiplication des alliances concurrentes et des priorités nationales divergentes.