LONDRES – La déclaration des dirigeants adoptée à l’issue du récent sommet du G20 en Afrique du Sud réaffirme l’engagement du groupe consistant à relever certains des défis les plus urgents de la planète, qu’il s’agisse des inégalités, des conflits de longue date, de l’intelligence artificielle ou du changement climatique. Cette déclaration marque par ailleurs une étape historique : pour la première fois, le G20 fait figurer l’éducation parmi ses principales priorités mondiales.
La déclaration des dirigeants insiste ensuite sur la nécessité urgente d’investir dans le développement des enfants dès le plus jeune âge, en s’engageant à « promouvoir une approche globale », qui reconnaisse combien l’investissement dans l’éducation et la protection de la petite enfance (EPPE) est « vital […] pour l’avenir social et économique d’un pays ».
Il était grand temps que cette reconnaissance intervienne. Dans un monde marqué par l’instabilité économique, les investissements les plus efficaces sont ceux qui concernent l’être humain, et peu d’investissements portent davantage leurs fruits que l’aide apportée aux enfants durant les cinq à six premières années de leur vie, lorsqu’ils développent les compétences qui sous-tendront la croissance, la cohésion sociale et la paix à long terme.
Nous laissons aujourd’hui beaucoup trop d’enfants sur le bord du chemin, avant même qu’ils n’atteignent l’âge de la scolarité. À travers le monde, plus de 40 % des enfants d’âge préscolaire (environ 350 millions) ne bénéficient pas d’un accompagnement de qualité, avec pour conséquence une immense perte de potentiel humain, qui empêche les communautés, les économies et les sociétés d’avancer.
La petite enfance, durant laquelle s’effectue 90 % du développement du cerveau, constitue une période unique pour établir les bases de l’apprentissage, de la santé et du bien-être tout au long de la vie. Plusieurs décennies de recherche démontrent que chaque dollar investi dans l’éducation et la protection de la petite enfance génère jusqu’à 17 $ de retombées économiques positives, contribuant ainsi à briser la spirale de la pauvreté et à réduire les inégalités. L’amélioration de l’accès aux services de garde d’enfants permet également à un plus grand nombre de femmes d’entrer sur le marché du travail et de s’y maintenir, renforçant ainsi les ménages et les économies nationales.
Les Nations Unies avaient déjà reconnu l’importance d’investir dans l’EPPE au moment de l’adoption des Objectifs de développement durable (ODD) en 2015. Cette nécessité a été réaffirmée dans la Déclaration de Tachkent 2022 de l’UNESCO, en vertu de laquelle plus de 150 pays se sont engagés à dispenser au moins une année d’enseignement pré-primaire gratuit et obligatoire pour tous les enfants, ainsi qu’à allouer au moins 10 % de leur budget de l’éducation à des programmes préscolaires.
Malgré ces engagements, le financement de l’éducation préscolaire demeure très insuffisant. Dans les pays à revenu faible et intermédiaire, 180 millions d’enfants de trois à quatre ans n’ont toujours pas accès aux services essentiels de la petite enfance.
L’aide internationale aux programmes préscolaires représente moins de 2 % de l’aide totale à l’éducation, et de nombreux pays à revenu faible consacrent moins de 2 % de leur budget de l’éducation à l’EPPE.
Dans ce contexte décourageant, une dynamique de changement se met actuellement en place, portée en grande partie par les principales économies émergentes au sein et au-delà du G20. Le soutien à la petite enfance s’est inscrit au cœur du programme d’inclusion sociale du Brésil durant sa présidence du G20, de même que la création de l’Alliance mondiale contre la faim et la pauvreté, fin 2024, a marqué un élan plus large dans la lutte contre les inégalités intergénérationnelles.
Le Brésil a également adopté d’ambitieuses mesures nationales. Début 2025, le pays a lancé sa politique nationale intégrée pour la petite enfance, qui a établi une base de données nationale unique permettant de suivre les besoins des enfants, et de soutenir une stratégie unifiée dans l’ensemble des 5 568 municipalités brésiliennes, incluant une importante plateforme de données relatives à la disponibilité en garderie, aux registres de vaccination et aux étapes de développement.
Le récent sommet du G20 à Johannesburg – le premier à avoir eu lieu en Afrique – a mis en lumière l’ampleur et l’urgence du problème. Les taux de mortalité infantile sur le continent demeurent 14 fois plus élevés que dans les pays riches, et seul un enfant sur quatre en Afrique subsaharienne fréquente un établissement préscolaire. L’Afrique du Sud, qui considère l’investissement dans l’EPPE comme une priorité nationale, a récemment lancé le plus vaste programme d’éducation préscolaire de son histoire. Le président Cyril Ramaphosa a également profité de la présidence sud-africaine du G20 pour présenter l’éducation de la petite enfance comme un impératif mondial, et pour appeler les gouvernements du monde entier à investir dans leurs citoyens dès le plus jeune âge.
La mobilisation de la volonté politique et des financements nécessaires à la transformation de l’EPPE exigera un effort multilatéral soutenu et coordonné. Ces deux dernières années, Theirworld n’a cessé de promouvoir cet agenda au travers de sa campagne Act for Early Years, et l’annonce récente du premier rassemblement international consacré spécifiquement au financement de l’éducation pré-primaire – initié par une coalition de parties prenantes des pays du Sud et du Nord – signale que la petite enfance recueille enfin l’attention qu’elle mérite.
Pour ce qui est de l’avenir, le Sommet international 2027 pour le financement de la petite enfance offre une rare opportunité de lever de nouveaux fonds, de réorienter les investissements nationaux, et de débloquer des capitaux privés. Ce sommet pourrait par-dessus tout démontrer que l’investissement dans l’éducation préscolaire ne constitue pas une considération secondaire, mais une condition préalable à la réalisation des ODD. Les débats politiques qui s’ensuivront inévitablement devront être guidés par un principe clair : veiller avant tout aux intérêts des enfants, c’est choisir le chemin le plus sûr vers un monde de prospérité, de paix et de stabilité.
Par Justin van Fleet et Pia Rebello Britto


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