Mariatou Koné : « Il faut contraindre les partis politiques »

Le ministre de la Solidarité, de la femme et de la Protection de l’enfant, Mariatou Koné, sera confronté à plusieurs défis

Le 8 mars prochain, sera commémorée, pour la 40ème fois, la journée internationale de la femme. En Côte d’Ivoire cet événement intervient dans un contexte où le pourcentage des femmes au parlement a légèrement baissé, passant de 12% à un peu plus de 11% avec des institutions et un gouvernement dominés par les hommes et de nombreux défis auxquels elles demeurent confrontées. Le Journal d’Abidjan (JDA) a décidé de donner la parole à l’une d’elles. Le Professeur Mariatou Koné, sociologue et anthropologue, première et, pour l’instant, seule femme ivoirienne professeur titulaire anthropologie. Ministre de la Solidarité, de la Femme et de la Protection de l’enfant depuis le 10 janvier, elle espère apporter un plus à cette lutte permanente pour améliorer la condition des femmes.

Madame le ministre, quel est le thème de la Journée internationale de la femme cette année ? Quelles seront les touches particulières et les grandes innovations de cette édition ?

Je vous remercie pour l’occasion que vous m’offrez de parler de la 40è édition de la journée internationale de la femme (JIF). Le thème mondial de la JIF de cette année est « L’autonomisation économique de la femme dans un monde du travail en pleine évolution». En Côte d’Ivoire, le thème retenu est « l’autonomisation économique de la femme pour un monde plus juste et plus équitable ». Cette édition est toute particulière parce qu’elle marque le 40è anniversaire de la JIF. C’est le lieu de parler de la représentativité des femmes au sein des organes de décision. Plusieurs innovations sont prévues aussi bien dans l’approche que dans les thé- matiques. Notamment des actions de grande envergure ainsi que la mobilisation et la sensibilisation des femmes pour leur permettre de prendre leur destin en main. Vous avez hérité du ministère de la Femme il y a près de deux mois.

Quels sont déjà les grands axes de votre politique pour l’autonomisation de la femme ?

Je voudrais saisir l’opportunité qui m’est offerte pour saluer le travail abattu par mes prédécesseurs qui ont mis en place des politiques et programmes d’autonomisation de la femme. Il s’agira pour nous de poursuivre ce processus et d’ouvrir de nouveaux chantiers tels que continuer le combat pour l’amélioration du taux de représentativité des femmes dans les instances de prises de décision et intensifier la lutte contre les violences basées sur le genre (VBG), à travers le développement du programme national de lutte contre les VBG. Nous devons également relever le défi de l’analphabétisme de la femme, renforcer les capacités techniques et professionnelles des femmes, pour les rendre plus performantes dans leurs différents domaines d’activité, promouvoir et vulgariser les droits des femmes pour une meilleure appropriation. Enfin, il s’agira de développer des programmes de formation qualifiante et diplômante pour les jeunes filles en quête d’emploi, notamment les filles déscolarisées ou non scolarisées et renforcer l’appui pour le financement des activités économiques des femmes. La question de l’autonomisation de la femme est un défi mondial et un enjeu pour l’émergence de notre pays. Ensemble, nous remporterons cette bataille à travers une synergie d’actions. C’est pourquoi j’en appelle à tous, notamment aux partenaires au développement et au secteur privé. J’invite les femmes de Côte d’Ivoire à se mobiliser et à prendre leur destin en main car c’est ensemble que nous trouverons des solutions à nos problèmes.

Récemment, vous avez révélé que le taux de prévalence d’excision était de 38 %. Prendrez-vous des mesures coercitives afin de faire baisser ce chiffre ?

Les mutilations génitales féminines constituent des actes de violation des droits humains et une grave menace pour la santé des femmes et des filles, notamment sur les plans psychologique, sexuel et procréatif. Elles ont, entre autres conséquences, d’accroitre leur vulnérabilité face au VIH/sida. L’État mène des campagnes de sensibilisation pour lutter contre les mutilations génitales féminines. Des dispositions juridiques ont été prises MARIATOU KONÉ : « IL FAUT CONTRA INDRE LES PARTIS POLITIQUES » à travers la loi n°98-757 du 23 décembre 1998, relative à la lutte contre l’excision. Il s’agit d’une mesure coercitive et répressive pour éradiquer le phénomène. Toutefois, c’est par l’engagement de tous c’est-à-dire hommes, femmes, leaders religieux, leaders communautaires, leaders politiques ou d’opinion que nous arriverons à mettre fin à cette pratique qui est encore ancrée dans certaines de nos cultures. Le gouvernement encourage toute la communauté nationale à mutualiser les efforts et à poursuivre la lutte avec détermination.

Quelle lecture faites-vous de la place des femmes dans les partis politiques?

Les femmes sont sous-représentées dans les partis politiques. Elles sont des militantes engagées, mais lorsqu’il s’agit d’occuper les postes de responsabilité, le constat est qu’elles sont reléguées au second rang. Des mesures doivent être prises pour contraindre les partis politiques à valoriser les femmes. La nouvelle constitution ivoirienne créée les conditions d’une meilleure implication de la femme dans la vie nationale, économique et politique. Des activités de sensibilisation et des formations seront organisées pour outiller les femmes et les encourager à faire de la politique. Mais il faudrait, avant tout, que les femmes décident de s’assumer pleinement sur le plan politique en ayant confiance en elles-mêmes. Même si l’on n’est pas encore arrivé à un niveau de représentativité satisfaisant dans les instances de responsabilité et de prise de décisions au sein des partis politiques, il y a tout de même des progrès. Nous sommes sur la voie d’un changement irréversible de comportements qui permettra à la femme de faire valoir toutes ses potentialités.

Envisagez-vous une approche plus dynamique et plus concrète avec les femmes rurales ?

Le Président Félix Houphouët-Boigny affirmait que la prospérité de ce pays reposait sur l’agriculture. Les femmes, par le rôle important qu’elles jouent dans la production agricole, sont des maillons essentiels du développement économique et social de notre pays. Pour leur créer de meilleures conditions de production, il existe au sein du ministère une direction de l’autonomisation des femmes, qui apporte un appui aux femmes rurales en termes d’activités génératrices de revenus.

L’accès de la femme à la terre a été l’objet de vos études en tant que so - ciologue. Désormais en charge des questions de la femme au sein du gou - vernement, à quoi peut-on s’attendre pour la suite de ce combat ?

La terre est un moyen de production très important pour les femmes qui sont en majorité agricultrices. Le travail à faire consiste à sensibiliser les popula - tions afin de lever les barrières socio - culturelles qui empêchent la femme d’avoir accès à la terre. Le fait d’avoir des femmes dans la production de cultures pérennes (cacao, anacarde) est un signe de l’évolution des conditions d’accès de la femme à la terre. En milieu rural, nous assistons progressivement à une mutation du mode de dévolution de l’héritage. Dans les sociétés marquées par le système matrilinéaire, progres - sivement, la transmission des biens se fait au profit des enfants, y compris les filles, au détriment des neveux. Dans cette mutation, la femme gagne au change, même si les choses évoluent lentement.

Quelle lecture faites-vous du taux de représentativité des femmes qui est de 12% au niveau du parlement ?

Les résultats des élections traduisent l’état, l’environnement de la société à un moment donné. Il y a eu une légère régression au niveau des candida - tures même si nous sommes restées au même niveau de taux de repré - sentativité. Nous avons les exemples de pays, comme le Rwanda, où les femmes sont plus nombreuses que les hommes au Parlement. La Côte d’Ivoire doit prendre des mesures coercitives pour amener les partis politiques à intégrer les femmes sur leurs listes de candidatures. L’imposition de la parité homme/femme au niveau des listes des partis politiques lors des élections peut apporter le changement souhaité pour une plus grande représentativité des femmes au parlement.si les choses évoluent lentement.

 

Propos recueillis par Ouakaltio OUATTARA

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