BURIDA : D’une crise à une autre

À quand le retour au calme au sein du BURIDA ?

Le Bureau ivoirien des droits d’auteurs (BURIDA) est en feu. La Maison des artistes de Côte d’Ivoire traverse depuis environ une année une crise qui peine à trouver une solution. D’ailleurs, depuis sa création, cette maison ne s’est jamais bien portée, allant de crise en crise, avec à chaque fois la remise en cause des membres du Conseil d’administration et de la Direction générale. Le tout sur fond de suspicion, avec des accusations parfois fantaisistes. La suspension en juillet dernier de Irène Assa Viera (DG) et de Séry Sylvain (PCA) n’a permis de faire avancer les choses.

À ce jour, ce sont plus de 8 000 auteurs, producteurs et artistes interprètes qui ont confié au Bureau ivoirien des droits d’auteurs (BURIDA), la gestion de leurs droits. Ce qui lui confère la gouvernance d’un répertoire de plus 72 000 œuvres. Le droit d’auteur représente le « salaire » de l’artiste, ce qui lui est dû. Celui-ci doit déclarer ses œuvres au BURIDA afin de bénéficier de la répartition des fonds disponibles. Placé sous la tutelle du ministère de la Culture et de la Francophonie, le bureau a connu bien des soubresauts tout au long de son existence et continue d’en connaître. Pour preuve, selon les chiffres de la tutelle, au lendemain de la crise post-électorale, cette maison des artistes était endettée et en faillite, avec un déficit de plus de 5 milliards de francs CFA, dont 4,35 milliards de droits d’auteurs, alors que la gestion était menée par les artistes eux-mêmes de 2000 à 2010. De 2011 à 2018, le BURIDA est passé de 600 millions de francs CFA de recettes, dont la moitié reversée aux ayants droits, à 3,5 milliards de francs CFA de recettes, dont plus d’un milliard reversé aux artistes, selon le ministre de la culture et de la Francophonie, M. Maurice Kouakou Bandaman. Vues de l’extérieur, les choses semblent marcher comme sur des roulettes, mais lorsqu’on y la réalité est tout autre, tant les dissensions sont nombreuses.

Une crise qui perdure Tout a démarré lorsque l’artiste ivoirien Fadal Dey, à la tête du Collectif des artistes pour le changement du Burida (CACB) a engagé un bras de fer avec le ministère de tutelle pour réclamer le départ des dirigeants de cette structure, notamment la Directrice générale, Mme Irène Assa Viera, à l’issue de quelques dysfonctionnements constatés dans sa gestion. Un combat qui portera ses fruits, puisque le mercredi 17 juillet dernier seront suspendus de leurs fonctions respectives, le Président du conseil d’administration, Sylvain Séry (réintégré plus tard pour vice de forme) et la Directrice générale, Mme Irène Viera, après un audit, qui malheureusement n’a pas été rendu public. Une décision néanmoins saluée par l’ensemble des sociétaires de la structure. Le 28 septembre dernier, une Assemblée générale du BURIDA devait se tenir afin d’élire les membres du nouveau Conseil d’administration. Elle a été reportée à une date ultérieure, du fait du Comité « Légalité et Transparence », mené par l’artiste David Tayorault, qui réclamait la publication de l’audit et dénonçait l’élection des membres des collèges de la nouvelle assemblée générale, qui s’est déroulée le mercredi 21 août 2019. « Les élections ont eu lieu dans des conditions exécrables. Nous avons tout fait constater par huissier et ce dossier est à l'intérieur d'un dossier plus général, aux mains de nos avocats, qui comptent donner une suite judiciaire à ces manigances d'un autre âge », disait-il. Aujourd’hui, l’artiste rappeur Steve Orphôss, alias Steezo, sociétaire du BURIDA confie à JDA qu’une décision de justice exige la reprise de ces élections et donne quatre mois pour le faire. « Le Conseil d’administration est reconduit et donc son Président, Séry Sylvain, est reconduit dans ses fonctions. Nous avons quatre mois pour organiser de nouvelles élections », se réjouit-il. Entre temps, toujours selon Steezo, le directeur par intérim du BURIDA, M. Serge Akpatou, a décidé d’attaquer cette décision de justice. « Il y a donc un gros problème qui se pose », s’interroge-t-il, avant d’ajouter : « nous avons découvert que sur ce fameux document se trouve la signature d’un des responsables du ministère de la Culture ». Pire, le Directeur intérimaire du BURIDA, M. Serge Akpatou, dont l’intérim courait sur trois mois, a pris l’engagement il y a quelques semaines de changer les serrures du bureau de M. Sylvain Sery, l’empêchant ainsi d’y accéder. « Le bureau du PCA étant fermé, il est impossible pour lui d’y entrer et de convoquer le Conseil d’administration, comme le disent nos textes. Le Conseil d’administration ne peut pas être convoqué n’importe où. Du coup, il est impossible d’organiser ces élections », explique M. Hassan David, membre du Conseil d’administration du BURIDA. Pour l’auteur-compositeur et sociétaire du BURIDA Boklay, l’acte posé par le directeur intérimaire a tout son sens. « Il a été demandé au PCA de déposer les clefs de son bureau et celles de sa voiture, car son mandat avait pris fin. Nos textes ne disent pas qu'un PCA reste en poste jusqu'à ce qu'un autre vienne. On parle de mandat de 4 ans et d'élection. S'il y a blocage, le ministre prend des dispositions pour gérer la transition. Soit par une prorogation de mandat, soit par un comité de gestion provisoire. Actuellement, certains sont dans une logique qui veut que le PCA sortant soit toujours aux commandes, mais rien dans nos textes ne le dit. Qu'ils apprennent à respecter les règles. Qu'ils arrêtent leur forcing », estime-t-il. Pour l’actrice - réalisatrice Suzanne Singo, alias Dent de Man, le mutisme de la tutelle dans cette affaire est déplorable. La bataille est donc engagée entre ceux qui soutiennent le Directeur intérimaire et ceux qui estiment que le PCA élu par les artistes est légitime et dans la légalité.

Solution Pour Steezo, il y a au sein du BURIDA et à l’extérieur une mafia très bien organisée pour y faire entrer des personnes qui empêchent le bon fonctionnement de la structure. Et, selon lui, il faut mettre fin à la tricherie. « Nous sommes sur le terrain pour annuler la tricherie. La première chose que nous allons faire, c’est de faire annuler la grosse du tribunal, parce que c’est une décision exécutoire. Sinion, nous ne pouvons rien faire, nous devons l’exécuter. Nous avons quatre mois pour préparer les élections, les organiser. Le deuxième acte que nous allons poser est que nous ne voulons plus que notre « CEI » soit à l’intérieur du BURIDA. Nous ne voulons plus que les élections soient organisées par un groupe de personnes au BURIDA. Il faut que nous puissions organiser une commission à extérieure, sinon il y aura toujours des tricheries ». Un avis totalement partagé par Suzanne Singo. Mais d’autres artistes estiment que les décisions prises par les autorités, qui doivent être respectées, s'imposent à tous. Pour eux, le comité de gestion provisoire doit s’atteler à poser les bases d'un toilettage des textes et faire des propositions concrètes pour changer les choses pour le bonheur des artistes. « On ne peut pas toujours rester dans une position de belligérance et de défiance face à l'autorité », soutient Armel Kouakou Yao, dit Boklay.

Tutelle provisoire ? Si cette crise ne trouve pas de solution, l’État pourrait placer le BURIDA sous administration provisoire. Une solution qui pourrait permettre de ramener le calme au sein de cette structure. « Il n’y a pas de crise au BURIDA », lance Steezo. Qui ajoute : « le fait qu’il y ait un manque de communication entre les dirigeants du BURIDA et les sociétaires crée un semblant de crise. Nous sommes en train de régler le problème et le ministre de la Culture n’aura pas à mettre le BURIDA sous administration provisoire ».

Anthony NIAMKE

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