Beaucoup de pays d’Afrique noire partagent les mêmes pratiques dans de nombreux domaines. Les dépenses lors des funérailles ne font pas exception à la règle et chaque pays croule sous le poids de ses traditions en la matière.
Comme beaucoup s’en doutaient déjà, les dépenses pharaoniques après un décès ne sont pas l’apanage des Ivoiriens. La question touche toute l’Afrique noire en général, et l’Afrique de l’Ouest en particulier. Un constat établi par le rapport du chercheur Benoît Libali, sociologue – démographe et expert en stratégie de population et développement à l’UNFPA. Dans son travail « Impact des funérailles sur le cycle de la pauvreté et de la faim à Brazzaville, en République du Congo », Benoît Libali démontre comment les deuils familiaux contribuent à appauvrir les populations dans ce pays. « Les populations associent en permanence la vie à la mort et définissent l’essentiel de leurs activités autour de l’idée de l’au-delà, vers l’organisation permanente de funérailles et des différents échanges post - funéraires entre les survivants et les morts », explique l’expert. En somme, poursuit-il, l’organisation des funérailles implique de nombreuses dépenses, de la réunion pour la veillée mortuaire jusqu’à la levée du corps et à son inhumation.
Habitudes « Alors que les coûts y afférents vont croissant, les conditions de vie des populations se dégradent sans cesse. À l’exception des mort-nés, généralement incinérés, et des personnes enterrées sous étiquettes anonymes (….), l’inhumation d’un corps à Brazzaville, y compris les charges funéraires connexes, coûte largement au-dessus de 263 000 FCFA, avec un maximum qui pourrait également dépasser les trois millions de francs CFA », explique Bénoît Libali. Avant de soupirer : « il n’est donc pas étonnant qu’une famille pauvre s’endette pour cela ». Au Bénin également le phénomène n’est pas rare. Les dépenses faramineuses lors des funérailles ont même fini par énerver un membre de l’Hémicycle. Excédé par cette pratique, le député béninois Nazaire Sado a interpellé ses compatriotes, les appelant à proposer à l’Assemblée nationale un projet de loi qui vise à encadrer ces dépenses. « Aujourd’hui, on parle de 40% de taux de pauvreté au Bénin. Dans un tel contexte, on ne peut pas tolérer que des gens investissent 50 millions de francs CFA (75 000 euros) dans des funérailles parce qu’ils sont riches. Il s’agit d’une loi qui soutient les pauvres. Il faut qu’on cesse l’exhibitionnisme dans notre pays », s’est plaint le parlementaire. Ce qui indique clairement que les dépenses lors des funérailles sont avant tout une question africaine. Des habitudes nées sûrement de la tradition, mais entretenues aujourd’hui par le « bling - bling » qui accompagne ces cérémonies.
Raphaël TANOH