Permis de conduire: Permis de tuer

Depuis plusieurs années, les experts n’ont pas arrêté de tirer la sonnette d’alarme, au vu de l’incivisme notoire qui a cours dans le milieu du transport. Les chiffres du Groupement des sapeurs-pompiers militaires (GSPM) sont parlants. C’est au comble de l’exaspération que les autorités ivoiriennes ont décidé, le 25 avril dernier, de poser un acte fort dans ce sens, en annonçant la suspension des inspecteurs des examens théoriques et pratiques du permis de conduire. Si pour les autorités, l’indiscipline sur les routes provient de la fraude dans la délivrance du permis, les acteurs, eux, ont un regard plus acerbe sur la question. Le permis de conduire en Côte d’Ivoire est-il devenu un permis de tuer ?

Jeudi 22 avril, autour de 6h. À la hauteur de la forêt du Banco, entre la Cité ADO et le carrefour N’Dotré, quatre véhicules sont impliqués dans un carambolage. Le choc est terrible. On dénombre 10 tués sur le coup, 11 blessés dont 5 cas graves. Il faut des heures à l’équipe du groupement des sapeurs-pompiers militaires (GSPM) prévenus autour de 6h 6mn, pour déboiter les calandres des véhicules encastrés et sortir des corps des épaves. C’est la fausse manœuvre de trop ! Les autorités ivoiriennes sont écœurées. D’autant qu’en 2020, le nombre d’accidents de la circulation a connu une hausse de plus de 20% par rapport à 2019, avec notamment 31 361 interventions du GSPM, pour 1097 décès. En 2019, les chiffres n’étaient pas non plus fameux : 23 010 interventions, 537 décès. Soit une hausse de 15,23% par rapport à 2018. Les victimes de la route ne font que s’empiler au fil des ans. Pour stopper la spirale négative, le ministère des Transports est monté au créneau, samedi 24 avril dernier, pour annoncer la suspension des inspecteurs des examens théoriques et pratiques du permis de conduire, ce, depuis le 26 avril 2021. Cette mesure vise, selon les services dudit ministère, à « lutter efficacement contre la corruption et la fraude dans l’obtention du permis de conduire » tout en assainissant, par ricochet, « le parcours d’obtention du permis de conduire ».

Fraude Première question : La fraude dans le secteur est-elle à la base de la hausse des accidents ? « Oui, confirme Drissa Diaby, président de l’Association des détenteurs de taxi-compteurs de Côte d’Ivoire. Et tout le monde le sait ». Dans le milieu du transport notamment, selon Drissa Diaby, la pratique est courante et très étendue. « Nous voyons comment les accidents arrivent. Les gens à qui on a donné le permis de conduire ne savent souvent pas ce que c’est que le code de la route. On se demande comment il ont eu leurs permis », note Adama Touré, président de la Coordination nationale des gares routières de Côte d’Ivoire (CNGR-CI). Tous s’accordent avec les autorités sur la question.

Deuxième question : comment cette fraude est-elle organisée ?  D’après Adama Touré, le phénomène s’est incrusté à tous les niveaux. Dès que l’usager arrive à l'auto-école, selon lui, la corruption débute. « Vous êtes censé faire des cours à l'auto-école pour le code de la route. Mais vous pouvez leur donner de l’argent sans assister à un seul cours. Ils mettent leurs cachets sur votre document, en faisant croire que vous avez passé le code de la route avec succès », explique-t il. L’usager va ensuite voir l’inspecteur des examens théoriques et pratiques du permis de conduire. Ce dernier doit vous faire passer le concours de code et aussi celui de la conduite, avant que le permis ne soit délivré. Mais, en général il se doute que les apprenants n’ont pas suivi de cours à l'auto-école. « Alors, il vous demande de l’argent pour vous donner l’aptitude, alors qu’il sait que vous ne connaissez aucun panneau de signalisation, ni aucune conduite », ajoute M. Touré.

Devoir de contrôle Dépeint ainsi, le paysage dans le processus de délivrance des permis fait froid dans le dos. Mais, ce n’est que la face visible de l’iceberg. De nombreuses auto-écoles n’ont pas de voiture. « Imaginez un individu qui acquiert son permis dans ces conditions. C’est une menace pour lui et pour les autres. Mais, la faute à qui ? », s’interroge Marius Comoé, président du Conseil national des organisations de consommateurs de Côte d'Ivoire (CNOC-CI).

« Pour moi, ce sont les autorités. Elles ont un devoir de contrôle au niveau des auto-écoles afin de voir si ces dernières sont en règle. Elles doivent s’assurer que les inspecteurs envoyés pour faire passer le test du code de la route et celui de la conduite sont intègres. Nous pensons que le gouvernement lui-même a reconnu sa faute en suspendant les inspecteurs chargés des examens théoriques et pratiques », ajoute Adama Touré.

Que faut-il faire ? Pointés de l’index, les auto écoles ont été conviées à une rencontre ce lundi 26 avril avec le ministère des Transports.Pour le vice-président de l’Union nationale des auto-écoles de Côte d’Ivoire, Lamine Cissé, l’assainissement au sein de ces établissements est certes une réalité, mais, le problème est à plusieurs paliers. Tout en montrant la coopération de son organisation pour extirper les brebis galeuses du groupe, il mise sur la sensibilisation. Il n’est pas le seul. « Il faut agir sur le comportement des Ivoiriens. Cela ne sert à rien de faire une réforme du permis de conduire sans prendre en compte cet aspect », renchérit Drissa Diaby. Qui ajoute : « Je vois des gens qui viennent d’Europe, mais qui conduisent très mal une fois ici en Côte d’Ivoire. Tout ça, pour dire que la mauvaise conduite n’est pas seulement liée à la fraude dans le secteur du permis de conduire. Ce qu’il faut, c’est sanctionner à tous les niveaux », fait-il remarquer. L’autre solution d’après Raymond Soumahoro président des taxis communaux de Cocody, c’est d’améliorer les conditions de vie des chauffeurs dans le transport public. « S’il y a beaucoup d’accidents, c’est parce que les gens vivent dans la précarité. Les chauffeurs de la SOTRA ne font pas assez d’accident, car ils sont bien traités. La réforme du permis n’est pas la solution », explique-t-il.

Réactivation Au niveau du ministère des Transports, on tente d’y aller avec la manière. Si en amont, les failles sont visibles, en aval, le département essaie de rattraper les choses. Près de 500 permis de conduire ont été retirés depuis la réactivation, en décembre 2018, de la Commission spéciale de suspension et de retrait du permis de conduire. Certains conducteurs ont vu leur permis suspendu pour une période de 20 ans. Des séances de formations ont lieu en faveur des moniteurs d'auto écoles. Des séances relatives au programme national de formation à la conduite automobile et qui s’inscrivent dans le programme de réforme globale du permis de conduire. Mais ces actions sont loin de suffire.

D’où la suspension des inspecteurs des examens théoriques et pratiques. Mais, le ministère essaye dans le même temps de rassurer les responsables d’auto-écoles qu’ils n’ont pas d’inquiétudes à se faire. « L’objectif pour nous, ce n’est pas de créer des problèmes aux auto-écoles ou de mettre des gens à la rue. C’est de faire en sorte que les auto- écoles soient mises à un niveau qui est nécessaire pour la protection de nos concitoyens », signale le ministre des Transports.  En même temps, Amadou Koné ne cache pas sa ferme volonté d’en finir avec la corruption. « Avec le temps, beaucoup de nos compatriotes sont tombés dans la facilité. Et cela commence à devenir un fléau. Il faut que tout cela s’arrête et qu’on mette de l’ordre », fait savoir le ministre. Avant d’annoncer la mise en place d’une commission qui sera chargée de faire des propositions en vue d’un accompagnement des acteurs de la formation des conducteurs et chauffeurs. Par ailleurs, d’après Amadou Koné, les examens de permis de conduire vont reprendre à compter du 3 mai. Rien n’est encore garanti. Toutefois, l’indicateur pour vérifier si les mesures de l’Etat vont porter sera naturellement les prochains chiffres relatifs aux accidents de la circulation dans le pays.

Raphaël TANOH

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