Côte d’Ivoire - Ghana : Un voisinage aux accents de rivalité

À la fois concurrents, adversaires et partenaires, la Côte d’Ivoire et le Ghana se bousculent aux premiers rangs des pays qui tirent le développement de l’Afrique de l’Ouest. Après le litige maritime gagné par la Ghana en 2017, les deux pays, qui représentent plus de 60% de la production mondiale de cacao, se battent côte à côte depuis 2018 pour ne plus subir le diktat des chocolatiers. Après avoir décidé d’un commun accord de suspendre la vente de leurs fèves en juin dernier, les deux pays ont fixé des prix bord champs différents pour la campagne cacaoyère 2019 - 2020. Pourtant, fin 2018, ils s’étaient engagés à fixer un prix commun aux producteurs. En attendant la mise en place de cette politique, que ce soit pour le cacao ou la noix de cajou, le Ghana continue de faire son marché en terre ivoirienne.

Gagner le conflit maritime face à la Côte d’Ivoire, en 2017, fut une sorte de consolation pour le Ghana, qui avait perdu deux finales de Coupe d’Afrique (1992 et 2015) face à son voisin. Depuis les indépendances, ces deux pays d’Afrique de l’Ouest, qui ne partagent pas la même langue (Anglais pour le Ghana et français pour la Côte d’Ivoire) se positionnent toujours comme concurrents. Points communs : ils partagent une longue façade maritime et un sol et un sous-sol riches. Côté développement, chacun essaie de prendre le leadership dans la sous-région, mais ils suivent des trajectoires bien différentes. À y regarder de près, la montée en puissance de l’une semble se faire au détriment de celle de l’autre. À partir de 1970, l’économie du Ghana a connu un effondrement durable, au point qu’en 1983 le niveau du PIB réel par habitant du pays avait chuté d’environ 40 %. Sa monnaie ne valait plus rien et sa troisième tentative de gouvernement démocratique s’était soldée par un quatrième coup d’État en quinze ans. À l’inverse, la Côte d’Ivoire avait joui d’une croissance plus ou moins ininterrompue et en 1980 son PIB réel par habitant était deux fois supérieur à celui des années 1960. L’on a assisté à un remarquable renversement de la situation à partir du milieu des années 1980. En effet, dès 1983, le Ghana a connu une reprise durable tandis que la Côte d’Ivoire subissait d’importantes pertes de revenus et connaissait son premier coup d’État en 1999, suivi d’une rébellion entre 2002 et 2010. Pourtant l’un des pays africains les moins florissants en son temps, le Ghana est ensuite devenu l’un des plus prospères, échangeant sa place avec la Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, les deux pays, au coude à coude avec une légère avance pour le Ghana, s’observent.

Bataille de matières premières Les deux Nations présentent une économie essentiellement basée sur l’agriculture et ce n’est pas demain qu’un changement interviendra dans ce domaine. Premier producteur du cacao, loin devant son voisin et concurrent, la Côte d’ivoire a franchi la barre de deux millions de tonnes, loin devant le Ghana avec moins de 800 000 tonnes. Pendant longtemps, ce pays a pratiqué  des prix bord champs nettement supérieurs à ceux de la Côte d’Ivoire, facilitant ainsi une ruée de la production ivoirienne vers ses frontières. Très proches, les deux chefs d’État, Alassane Ouattara et Nana Akufo-Addo, s’étaient concertés en vue de faire d’une pierre deux coups : mettre fin à la fuite illégale du cacao ivoirien vers le Ghana et, par la même occasion, constituer un bloc solide en ayant un prix commun bord champs afin d’impacter le marché international. Mais à l’épreuve ce fut un pari difficile à tenir. Là où la Côte d’Ivoire avait fixé son prix bord champs à 825 francs CFA, le Ghana offrait 905 francs CFA, soit une différence de 80 francs. Nettement en deçà des 100 à 200 FCFA de différence comparativement aux années précédentes, mais assez suffisant pour inciter des planteurs à aller vers les frontières ghanéennes.  En outre, le coût élevé des frais de transport entre les zones de production en Côte d’Ivoire et le port d’Abidjan incite les producteurs ivoiriens à vendre d’importants volumes, frauduleusement, au Ghana. « Le paysan qui achemine sa production vers le port d’Abidjan dépense 600 000 francs au titre du transport, contre 150 000 francs pour le paysan qui vend sa production au Ghana, où le kilo de noix de cajou varie entre 400 et 500 francs contre 250 à 350 à Abidjan », explique un spécialiste de la noix de cajou. En 2016, par exemple, 100 000 tonnes, soit le quart de la production nationale, aurait quitté frauduleusement la Côte d’Ivoire vers le Ghana. Rappelons que le Ghana ne produit que quelque 50 000 t de noix par an mais en exporte (brutes ou transformées) 150 000 à 200 000 par an. Une situation qui fait dire à Nogues Kouadio, spécialiste des matières premières agricoles, que « le cacao est devenu l’objet d’une confrontation informationnelle entre les deux pays et les acteurs impliqués dans cette confrontation du cacao et de la noix de cajou en Côte d’Ivoire et au Ghana sont les producteurs, les acheteurs, les exportateurs et les transformateurs, car tous ont un intérêt dans la chaine de valeurs de ces produits ».  Ces deux pays, qui se tournent de plus en plus vers leurs sous-sols, riches en ressources minières, ou vers les hydrocarbures, espèrent diversifier les piliers de leur économie afin de les rendre plus dynamiques. Là encore, pour ce qui est de l’or, il n’est pas rare de le voir traverser les frontières clandestinement, de part et d’autre.

Course au développement Lancés dans une politique globale de relance de leur économie, les deux pays semblent s’observer et aiment désormais se comparer. Plus aucun classement sur la corruption, la stabilité, l’environnement des affaires ou encore le PIB par habitant ne parait sans que l’un des deux pays n’analyse son rang en fonction de celui de l’autre. Même au coude à coude au niveau du taux de croissance (8% en moyenne pour les deux), le voisin anglo-saxon de la Côte d’Ivoire semble avoir pris de l’avance sur bien d’autres points face à son rival. Plus stable et avec une croissance plus inclusive que la Côte d’Ivoire, le Ghana a tout de même une dette de plus de 70% de son PIB, au-delà de la norme au sein de la CEDEAO, alors que la Côte d’Ivoire, qui a connu un endettement rapide, stagne autour de 43%. Et le Ghana peut se targuer d’avoir un environnement des affaires plus flexible que la Côte d’Ivoire. Contrairement à son voisin ghanéen qui parvient plus ou moins à déconcentrer son développement hors d’Accra, la Côte d’Ivoire mise presque tout sur sa capitale économique, Abidjan. Les rôles respectifs des institutions et des politiques dans la détermination des résultats de chacun des deux pays pèsent largement dans la balance.

Échecs communs Plus de 50 ans après leurs indépendances, en termes généraux, les revenus actuels tant du Ghana que de la Côte d’Ivoire ne sont pas supérieurs à leur niveau des années 1960. Les populations des deux pays, tout en reconnaissant des avancées au niveau infrastructurel, sont manifestement peu satisfaites de la faible ampleur des progrès réalisés par les différents gouvernements post indépendance. Les pouvoirs publics ne parviennent toujours pas à transformer l’économie de leur pays, basée sur une agriculture à petite échelle et peu productive, en une économie soutenue par des entreprises très productives. Les deux pays ont également en commun une trentaine d’années d’instabilité, marquée par l’intrusion des militaires sur le terrain politique, des putschs et des difficiles successions entre les différents dirigeants. Le Ghana a tout de même l’avantage d’avoir connu plus tôt ces moments de trouble et semble avoir définitivement tourné la page. Et la Côte d’Ivoire, qui sort peu à peu de sa crise, en garde encore des séquelles. L’évocation des élections suffit d’ailleurs à susciter une certaine peur chez certaines de ses populations.

Ouakaltio OUATTARA

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