L’ex capitaine des Éléphants de Côte d’Ivoire Didier Drogba est résolument engagé à redonner une nouvelle image au football ivoirien. Il a annoncé sa candidature au poste de Président de la Fédération ivoirienne de football (FIF). Hier présent sur les pelouses des stades du monde entier pour faire vibrer les supporters, aujourd’hui le fils d’Albert Drogba veut panser les blessures du football de son pays en initiant un plan de secours d’urgence. Ses adversaires ne sont pas encore connus et Didier multiplie les campagnes de charme à l’intention des clubs qui constituent l’essentiel des électeurs. Parviendra-t-il a gagner leur assentiment ?
La plupart des anciennes gloires de football décident de se reconvertir comme entraineurs, consultants sportifs pour des chaînes de télévision ou encore agents de joueurs. L’ex international sénégalais Habib Bèye en est le parfait exemple. Consultant sur la chaîne cryptée Canal+, il ne cache pas son envie d’embrasser un jour une carrière d’entraineur. Pareil pour l’international camerounais Patrick Mboma, qui officie également en tant que consultant sportif pour le Groupe Canal. En Côte d’Ivoire, même son de cloche pour des anciens joueurs comme Basile Kouamé Aka, Alain Gouaméné, reconverti comme entraineur, ou encore Aimé Tchétché, consultant sportif à la Radiodiffusion télévision ivoirienne (RTI). D’autres, par contre, ont décidé de se reconvertir dans la politique, comme l’ex attaquant du Paris Saint-Germain (PSG) Bonaventure Kalou, qui depuis 2018 est aux commandes de la mairie de Vavoua (région du haut Sassandra). Didier Drogba, ancien attaquant des Blues de Chelsea, retraité des terrains depuis près d’une année, a décidé de se lancer dans un combat pour, selon lui, redynamiser et redorer le blason du football ivoirien. Ses ambitions dévoilées, l’attaquant, devenu une légende vivante, se positionne désormais comme un candidat de taille et de poids dans la conquête de la Maison de verre.
Parcours héroïque À 41 ans, Didier Drogba était loin de s’imaginer un tel destin. Il a réussi à se créer une place dans le cœur des Ivoiriens et à se faire un nom dans le football mondial. Ses premiers pas, il les fait au club du Mans (France) et, très vite, passe par Guingamp et Marseille avant d’atterrir à Chelsea, où il écrira les meilleures pages de sa carrière. Entre temps, en sélection nationale, son aventure va démarrer en juillet 2002, sous l’ère Robert Nouzaret. Leader d’une nouvelle génération de footballeurs, il va permettre à la Côte d’Ivoire de se qualifier pour son premier Mondial. Il fait vibrer toute une Nation et maintient la flamme dans le cœur des Ivoiriens, même si, avec les Éléphants, il ne remportera pas de trophée et rencontrera quelques difficultés avec ses coéquipiers, notamment ceux formés à l’académie Mimos Sifcom.
Nouveau challenge Désormais loin des terrains, Didier Drogba lorgne la présidence de la FIF, la grande faîtière du football ivoirien. Il est clair. « Être entraîneur ne m’intéresse pas. Je suis un leader, ma vision est plus grande que le rôle d’entraîneur. Un entraîneur a un impact sur un club et je veux avoir un impact sur un pays. Je veux repenser le football au niveau national, pour le développer », déclare-t-il. Pour cela, l’ex-pensionnaire de l’Olympique de Marseille a entrepris une série de rencontres avec les dirigeants des clubs de Côte d’Ivoire. Elles consistent pour Didier à exposer son projet, « Renaissance du football ivoirien », qui comprend la construction d’infrastructures de proximité, la formation des cadres, un meilleur traitement pour les joueurs, l’augmentation des subventions, l’arrivée de nouveaux sponsors, etc. « Avec beaucoup de maturité et d’humilité, il nous a présenté son projet, qui est alléchant et prometteur. Je pense qu’il serait intéressant pour nous d’avoir ce jeune leader comme Président de la Fédération. Il nous a vraiment surpris par sa maturité au niveau de la gestion du football », estime le Président du club Séraphins FC de D3, Albert Anzoua Kacou. Qui ajoute, « c’est une icône qui a une image qui est utilisée par nos politiques et qui a permis de lever des fonds pour le tourisme ivoirien. Pourquoi nous, les sportifs, n’utilisons pas cette image pour redorer le blason du football ivoirien ? », s’interroge-t-il. Pour Didier Drogba, le football ivoirien a un potentiel qu’il faut exploiter pour briller sur le continent et revenir encore plus grand et fort dans le concert des Nations. « Je suis là pour enclencher le changement et non m’enrichir à la FIF. Je pouvais rester à Chelsea, où toutes les conditions sont réunies. Mais j’ai décidé de venir m’investir dans le football local, parce que j’aime mon pays, la Côte d’Ivoire », déclare l’ex buteur des Éléphants. Cependant, les choses risquent de ne pas du tout être faciles pour le candidat Didier, qui au plan local ne fait encore l’unanimité. La preuve, le week-end dernier, sa rencontre avec les dirigeants de clubs de première et deuxième division pour leur exposer son projet a été boycottée par certains. « Est-ce que je suis obligé de le rencontrer. Est-ce que Drogba nous a aidé une seule fois ? », lance le Président du bureau exécutif de l’Africa Sport, Alexis Vagba. Devant les anciennes gloires du football ivoirien venues l’écouter le week-end dernier, notamment Alain Gouaméné, Bakary Koné, Marc Zoro et Ahmed Ouattara, l’ancien champion d’Europe s’est dit prêt à rencontrer individuellement les présidents des clubs afin de les faire adhérer à sa vision. « Je sais que des gens ont demandé à certains dirigeants de club de ne pas venir à ma réunion. Qu’ils sachent que je viendrai les voir individuellement pour que nous parlions. Je suis convaincu qu’ils apprécieront mon projet, qui prône le développement intégral du football ivoirien ».
Novice ? Pour certaines anciennes gloires du football, sa méconnaissance du contexte local pourrait être un frein pour lui au cours de cette campagne. « Concernant Didier Drogba, je suis plutôt sceptique. Pour être président, il faut être sur le terrain. Il a fait une grande carrière, on ne peut pas le nier. Mais, pour l’instant, il ne s’est pas impliqué dans le football national. Il n’a encore rien fait jusqu’à présent », soutient son ex-coéquipier en équipe nationale Né Marco. Une position que partagent plusieurs acteurs du football ivoirien. Selon ces derniers, qui le comparent par moment à son rival de tous les temps, le Camerounais Samuel Eto’o Fils, Didier Drogba ne se serait pas véritablement investit au plan national après sa retraite internationale. Mais sa longue expérience pourrait, sinon devrait, jouer en sa faveur.
Des soutiens Mais Didier Drogba ne se présente pas comme une victime résignée. Des soutiens, il en compte dans presque tous les milieux. Pas seulement au sein du football national. Icône de toute une génération, il peut déjà compter sur son capital sympathie auprès de nombreux supporters, qui multiplient les sorties afin de lui apporter leur soutien. Mais, au-delà, Didier a des amis dans toutes les sphères de décisions du pays. « Des amis, il en compte, et de hauts placés » confie l’un de ses proches, faisant allusion au couple présidentiel et à certains membres influents du gouvernement, auxquels il a déjà présenté ses ambitions. Mais il n’est pas le seul à rencontrer ses derniers. « Le contexte est tel que tous ceux qui aspirent à diriger la FIF ont des atomes crochus avec les mêmes hommes influents du pays. Il faudra plus, et surtout il faudra convaincre la centaine d’électeurs qui est pour l’instant assez divisée concernant le bilan de comité exécutif sortant. Mais Didier Drogba peut encore compter sur des soutiens à l’extérieur, notamment dans les milieux du football anglais et français, où il a gardé de solides contacts ».
Anthony NIAMKE