À un an mois pour mois des élections locales (régionales et municipales) couplées, les velléités de candidatures dans chaque parti se manifestent, donnant ainsi une ambiance de ce que seront ces élections après les élections locales de 2001, qui avaient vu la participation de toutes les sensibilités politiques. Écarté de la présidentielle et des législatives en 2000, le parti d’Alassane Ouattara, alors le RDR, avait raflé la mise avec une percée dans les grandes villes du sud et de l’ouest. Après les législatives de mars 2021, ouvertes à tous, le même décor se plante avec celles d’octobre ou novembre 2023. L’enjeu principal de ces joutes électorales est la présidentielle de 2025. Le RHDP, le PDCI et le PPA-CI auront l’occasion de connaître leurs forces et faiblesses, leurs bastions et les zones qui échappent à leur contrôle. Des élections tests.
Les dernières élections locales ouvertes à toutes les sensibilités politiques datent de 2001. Elles avaient vu la victoire du Rassemblement des républicains (RDR). Depuis, tant en 2011 qu’en 2018, ce parti, devenu le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) d’Alassane Ouattara conserve jalousement sa majorité. Le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDC) y voit l’occasion de jauger ses bases, longtemps restées dans le giron du RHDP, avec une certaine confusion lors des élections de 2018. Pour la première fois depuis 2011, les partisans de Laurent Gbagbo participeront à ces deux élections, qui permettront de donner un aperçu de la nouvelle scène politique ivoirienne. Le Parti des peuples africains (PPA-CI), fondé par l’ancien Président, veut occuper une place de choix. Après sa création, les élections locales de 2023 seront le premier test de ce parti et les résultats qu’il obtiendra permettront de le situer dans l'écosystème politique. Quelque peu affaibli, le Front populaire ivoirien (FPI), dirigé par Pascal Affi Nguessan, veut en profiter pour se refaire une santé, à monnayer sûrement dans le débat politique à la veille de l’élection présidentielle. Ces scrutins permettront à chaque parti de faire les ajustements nécessaires avant la présidentielle de 2025.
Des chocs attendus Pour les 201 postes en jeu au niveau des communes, certains seront âprement disputés. Premier choc, la commune de Cocody. Le maire actuel, Jean-Marc Yacé, issu du PDCI, est challengé en interne par Yasmina Ouégnin. Les yeux seront tournés vers l’arbitrage du Président Henri Konan Bédié et la disposition de chacun des candidats à accepter l’arbitrage interne. Le RHDP compte aligner Éric Taba, le chargé de protocole du Président de la République, Alassane Ouattara, et les regards sont aussi tournés vers une éventuelle candidature d’un membre du PPA-CI. À Port Bouët, Katinan Justin Koné, Porte-parole du PPA-CI, perturbe déjà le sommeil du maire Sylvestre Emmou, du PDCI, alors que le RHDP, battu lors des législatives, crie vengeance. À Yopougon, en attendant, Michel Gbagbo du PPA-CI et Dja Houphouët du PDCI font campagne séparément après leur victoire aux législatives dernières. Mais cela n’est pas à l’avantage du RHDP, car le maire adjoint Yssoouf Coulibaly et le ministre Adama Diawara mènent une bataille pour la mobilisation des militants de leur parti. La commune de Yamoussoukro n’échappe pas à ces chocs en perspective. Bastion naturel du PDCI, elle a basculé au RHDP lors des élections législatives précédentes. Une victoire qui donne de la voix aux militants du RHDP et rend ceux du PDCI plus méfiants, tout en les incitant à redoubler d’ardeur afin de conserver cette ville symbole pour le plus ancien parti du pays. Autres zones qui seront scrutées de très près, les communes du Plateau, de Bingerville, de Bouaké, de Gagnoa (ville natale de Laurent Gbagbo) et de San Pedro. En dehors de celle du Plateau, les autres sont contrôlées depuis des lustres par le parti d’Alassane Ouattara. Mais aucune surprise n’est à écarter, même si le RHDP y avait rasé au poteau les candidats du PDCI et du PPA-CI.
Au niveau des conseils régionaux, la bataille pourrait être rude dans la région du Gbêkê entre le RHDP et le PDCI. Élu en 2018, Jacques Mangoua (PDCI) avait connu des déboires avec la justice et n’a pas pu gérer le conseil régional. Depuis, il rumine sa vengeance. Mais ses ardeurs ont été douchées lors des élections législatives partielles organisées en août dernier, où il a mordu la poussière face à un candidat du RHDP. Les regards seront également tournés vers la région de la Mé, région d’origine du Premier ministre Patrick Achi. Si son parti, le RHDP, se vante d’avoir obtenu 6 sièges de députés sur les 7 en jeu en 2021, les observateurs de la scène politique attendent de voir ce qu’il en sera en octobre 2023. Un enjeu personnel pour Patrick Achi dans la lutte pour la candidature au sein du RHDP au cas où le Président Ouattara n’y irait pas. La région du Sud Comoé, qui a totalement basculé vers le RHDP lors des législatives dernières, alors qu’elle était plus favorable au PDCI, sera également âprement disputée. En plus de celle-ci, les régions du Gontougo (nord-est), du Cavally (ouest) et du Tonkpi (ouest) sont des enjeux majeurs pour ces élections locales.
PPACI - PDCI : À l’épreuve de l’alliance Au-delà de ces différentes batailles, le PPACI et le PDCI seront face à un dilemme. Faut-il sauver l’alliance ou mesurer véritablement la capacité de mobilisation de ses propres militants, avec en perspective 2025 ? Aller en alliance sur toutes les candidatures ne donnera pas à chaque parti sa véritable identité et son véritable poids. Ce qui laissera une grande marge de doute pour l’élection présidentielle. Or le PPACI veut bien savoir, après deux ans d’existence, ce qu’il pèse réellement. Privilégier l’alliance dans quelques cas serait aussi un aveu de faiblesse du parti dans ces zones. Le PDCI, qui compte 50 maires, veut améliorer son score dans le but de la reconquête du pouvoir en 2025. Qui laissera quoi, à qui et pour obtenir quoi ? Voici la question que l’on se pose au sein de ces deux partis. Mais ils ne perdent pas de vue que l’objet de leur alliance est de battre le RHDP dans l’ensemble des circonscriptions électorales. Et cela pourrait tenir bon dans le but de réduire le nombre d’élus du RHDP.
Le RHDP favori ? Avec une centaine de maires au compteur, le parti au pouvoir, grand vainqueur des élections législatives de 2021, a une occasion de confirmer sa majorité. Déjà, sur les 201 communes en jeu, il part avec une avance d’un peu plus que les 50 communes que compte le nord du pays, où il règne en maître absolu. Sur les 31 régions, le bastion du RHDP en compte 10. Malgré plusieurs campagnes sur cet espace, le PDCI et le PPACI peinent à y recruter des militants. Pour preuve, lors des législatives précédentes, ces deux partis n’avaient presque pas aligné de candidat au nord du pays. La moisson avait été bien maigre pour ceux qui avaient osé défier le RHDP sur ses terres. « L’opposition a carrément abandonné le nord de la Côte d’Ivoire aux mains du RHDP », estime Sylvain N'Guessan, Directeur de l’Institut de stratégie d’Abidjan. Elle a encore une année devant elle pour trouver des cadres et des militants dans cette partie du pays si elle veut titiller le RHDP, au pouvoir depuis 2011. Mais, comme à chaque élection, il faudra compter avec des trouble-fêtes. C’est-à-dire des candidats indépendants. En 2018, 56 d’entre eux avaient été élus et aux législatives 2021 26 autres avaient fait mordre la poussière aux candidats des partis politiques. Généralement issus du parti au pouvoir, ces indépendants profitent de l’absence des opposants dans certaines zones pour s’imposer. Les jeux s’annoncent ainsi très ouverts et chaque partie sortira les calculatrices.