La rupture consommée avec le PDCI, son ex principal allié, le RDR ne veut plus perdre de temps dans sa volonté de consolider ses alliances. Le 26 janvier prochain, le RHDP invite donc tous ses partis membres à un congrès ordinaire qui devrait le consolider et entériner également l’arrivée de nouvelles formations politiques et de nouveaux cadres. Mais l’avant et l’après congrès suscitent beaucoup d’interrogations chez les militants et les ex alliés, de même que chez certains anciens cadres du RDR, qui ont décidé de rompre les liens avec ce parti. Entre test grandeur nature, clarification des positions, usage ou non d’un nouveau logo et positionnement politique, une nouvelle version du RHDP est attendue. Le regroupement, qui se présente comme la principale force politique du pays, au vu des résultats des dernières élections, sortira-t-il encore plus fort de ce congrès ?
L'Assemblée générale constitutive du Rassemblent des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), qui s'est tenue mi-juillet 2018, a confié les rênes de ce nouveau groupement politique au Président Alassane Ouattara. Le congrès ordinaire du RHDP unifié est prévu pour le 26 janvier prochain à Abidjan, dans une ambiance politique de plus en plus tendue entre le Président Ouattara et ses ex-alliés. À cette date, le RHDP espère faire monter la température en mobilisant plus de 100 000 militants au stade Félix Houphouët-Boigny. Si la mobilisation est un enjeu crucial pour les organisateurs, c’est bien parce que ces derniers veulent montrer leur poids à leurs adversaires. Le défi est grand et un échec pourrait refroidir les ardeurs du RHDP. Autre enjeu, la présence ou non de certaines figures lors de ce rassemblement politique, le premier du genre de l’année 2019. « Après le départ du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), nous voulons savoir qui fait chemin avec nous ou qui d’autre nous a abandonnés en cours de route », laisse entendre un cadre du RHDP. Les regards seront aussi tournés intensément vers les élus et cadres pour s’assurer du soutien ou non de ces derniers. En attendant, le RHDP continue de « piocher » ses élus dans d’autres partis, notamment au PDCI. Qui sera absent ? Les partis qui ont fondé le RHDP vont-ils disparaitre au lendemain du congrès ? Quel sera le visage du rassemblement après le 26 janvier ? La guéguerre politique va-t-elle s’inviter dans les débats parlementaires et dans la formation des groupes au Parlement ? Le congrès consacrera-t-il la rupture définitive entre les alliés d’hier ? Le RHDP réussira-t-il le pari de la mobilisation ? Autant de questions que se posent les observateurs et analystes de la scène politique ivoirienne.
Clarifications ? Pour le RHDP, ce congrès permettra de « clarifier les positions de tous et de chacun », surtout avant la bataille de 2020. Mais les clarifications tant attendues ne se feront certainement pas, à en croire certains cadres de la coalition. « Les partis ne disparaitront pas », confie un cadre issu de l’Union pour la démocratie et la paix (UDPCI), emboitant le pas à son Président Albert Mabri Toikeuse. « Le 26 janvier, il n’y aura pas de RHDP unifié. Dans un tel contexte, le Président Ouattara ne peut que susciter une majorité présidentielle, dans laquelle chaque parti conservera une relative autonomie. Il ne lui restera plus qu’à discuter avec les leaders des autres partis pour ce qui est du choix du futur candidat à la présidentielle : le projet de société et la répartition des postes stratégiques », pense Sylvain N’Guessan, analyste politique. À moins de vingt jours de l’évènement, « la clarification » semble ne pas être nécessaire pour tous. Les discours au sein des partis se contredisent au fil du temps. Alors que certains sont engagés à se dire « militants du RHDP », d’autres tiennent encore à la vie de leur parti d’origine. « L’un des point d’achoppement entre Ouattara et Bédié réside dans la dissolution des partis. Ne pas le faire après le 26 janvier, c’est effectuer une sorte de rétropédalage et conforter le PDCI dans sa position », indique le politologue Firmin Kouakou.
Passes d’armes La tension est montée d’un cran au sein du principal parti de cette alliance, le RDR. Si le RHDP peut se vanter d’avoir débauché plusieurs élus et cadres du PDCI et du Front populaire ivoirien (FPI), le RDR compte aussi en son sein des défections. Une dizaines d’élus ont décidé de ne pas suivre leur parti au sein du parti unifié. Ils se déclarent tous proches du Président du Parlement, Guillaume Soro, qui en appelle à un RHDP « uni avec le PDCI ». L’ambigüité de sa position a fini par irriter le Président du comité d’organisation, Adama Bictogo, suscitant une véritable passe d’armes entre ces deux cadres et leurs partisans. Mais pas seulement. D’un côté, le Rassemblement des amis de la Côte d’Ivoire (RACI), piloté par le député Mamadou Kanigui Soro, s’est lancé dans une opération de débauchage de cadres du RDR et, de l’autre, certains cadres, comme Alain Lobognon, ont décidé de militer dans un nouveau parti, créé en 2018, le Mouvement pour la promotion des valeurs nouvelles en Côte d’Ivoire (MVCI). Deux structures pilotées essentiellement par d’ex cadres du RDR qui ne manquent aucune occasion pour tancer leur ancien parti et prédire des jours sombres au RHDP. « La plupart de ces cadres ne participent plus depuis longtemps aux activités du parti, y compris les réunions du bureau politique et le dernier congrès, et leurs sorties, ces derniers temps, sont sans surprise », confie un cadre du RDR. Pour le PDCI, c’est du pain béni. En plus d’ouvrir grandement ses portes à ces frondeurs, pour former une autre coalition, le Secrétaire exécutif de ce parti, Maurice Kacou Guikahué, qui voit en la démarche du RHDP un « forcing », estime que cela « a galvanisé les militants de base du PDCI ». « La restructuration programmée de la base, nonobstant les louvoiements de quelques cadres du parti à l'avènement du RHDP parti unifié, et les leçons tirées des élections locales ont abouti à 243 délégations départementales et communales, 4 600 sections et 31 500 comités de base », assure Guikahué. Une position que ne partage pas Sylvain N’Guessan, pour qui, « à vrai dire, le PDCI n’a pas fait grand chose pour mieux peser sur le champ politique. Des choix impopulaires aux législatives, où les candidats de Bédié, de Tiassalé à Botro, ont (presque tous) perdu; le retrait des candidats PDCI (au moins 2 Secrétaires exécutifs) dans le Nord du pays; un Secrétaire exécutif soutenant de (prétendus) candidats indépendants contre ceux dont la candidature a été validée par Bédié, la gouvernance interne, etc. ».
Choc des ambitions ? Ce congrès ouvre ainsi la porte de la recomposition du jeu politique avant la bataille de 2020. Selon des indiscrétions, avant la fin du premier trimestre, l’alliance pilotée par le PDCI devrait voir le jour. Si plusieurs partis et groupements politiques se sont montrés réceptifs au message, reste à franchir le pas. Pour l’analyste Sylvain N’Guessan, « les coalitions, alliances, plateformes, etc., sont des convergences opportunistes, aucunement des fusions affectives ». C’est pourquoi il estime que trois hypothèses majeures pourraient être posées. « Le FPI ne reviendra pas dans le jeu politique uniquement pour grossir les rangs du PDCI. Le RACI ne se jettera pas dans les bras de Bédié parce qu’il a « dansé avec Soro » et troisièmement, affaibli, critiqué, le Président Ouattara reste l’homme fort du RDR ». Sauf que, face aux ambitions des différents camps, chacun jouera à fond sa propre carte et les alliances, fussent-elles momentanées et non idéologiques, pourraient faire fléchir l’un des camps ou, à défaut, faire pencher différemment la balance lors de l’élection présidentielle d’octobre 2020.
Ouakaltio OUATTARA