Éléphants : l'héritage sacrifié de la nouvelle génération

La victoire à la CAN 2015 a sonné la retraite de la génération dorée.

Ils ont fait la gloire du football ivoirien à partir de 2006. Baptisés « Génération dorée », Didier Drogba et ses co-équipiers ont permis aux Ivoiriens d’inscrire leur pays au rang des participants à la Coupe du monde de football cette année-là. Peu chanceux lors des éditions de la Coupe d’Afrique des nations (CAN), 2015 a finalement sonné pour eux l’heure de la réussite. Mais ce fut aussi l’année de la retraite collective pour de nombreux cadres. Deux ans après, la génération qui a suivi n’a pas encore réussi à faire aussi bien, et donne régulièrement des sueurs froides à chacune de ses sorties. Résultat : les Eléphants s’éloignent de la Coupe du monde 2018, pour la première fois depuis trois éditions. Envisagée par certains, l’option de rappeler des anciens de la campagne 2015 pour sauver les meubles est difficile à mettre en oeuvre, ces derniers ayant décidé de se reconvertir ou de poursuivre leur aventure loin de l’équipe nationale.

C’est peu de dire que la sélection nationale de football ne fait plus rêver. Après la débâcle à la Coupe d’Afrique des nations 2017 (CAN), où elle a été sortie au premier tour, la fin de la série noire ne semble pas être pour demain. Pour la première fois depuis 2006, les Éléphants pourraient ne pas participer à une Coupe du monde. La dernière journée des éliminatoires, qui opposera l’équipe ivoirienne à celle du Maroc, le 6 novembre, s’annonce difficile, d’autant que l’équipe ivoirienne sera privée de son gardien de but Sylvain Gbohouo et de son défenseur Eric Bailly. Un handicap qui devrait jouer en faveur du Maroc, qui a juste besoin d’un match nul pour décrocher son ticket pour le Mondial 2018 qui se tiendra en Russie.         

Difficile passage de flambeau Jamais deux sans trois, dit le jargon. Après la Zambie et le Nigeria, qui ont respectivement remporté la CAN en 2012 et en 2013 avant d’être éliminés au premier tour de la campagne qui a suivi leur sacre, la Côte d’Ivoire n’a pas fait exception à la règle. Éliminée dès le premier tour de la CAN 2017, l’équipe ivoirienne continue de chercher ses marques. Sans véritable leader et avec un entraîneur qui n’en est qu’à sa première expérience africaine, l’avenir s’assombrit après chaque sortie dans le cadre des éliminatoires pour le Mondial 2018 et la CAN 2019. L’équipe a du mal à faire sa mue alors qu’elle compte encore dans ses rangs certains joueurs de la campagne 2015. Sylvain Gbohouo, Geoffrroy Serey Dié, Serge Aurier, Salomon Kalou, Gervais Yao Kouassi,

Eric Bailly et Wilfred Kanon semblent méconnaissables parmi les nouveaux sélectionnés, qui ont eux aussi du mal à s’intégrer. Didier Drogba, Yaya Touré, Kolo Touré, Copa Barry, Tiéné Siaka, Didier Zokora, pourtant poussés à la retraite par la montée des premiers et par une carrière professionnelle où les échecs se sont succédé, voit ainsi leur héritage voler en éclats. Dix ans en arrière, la montée en puissance de cette génération avait pourtant faire rêver les Ivoiriens. Même si le succès n’était pas toujours au rendez-vous, ils ont su tenir en haleine tout un peuple, qui a cru en eux jusqu’à la fin de leur carrière internationale. La génération actuelle est loin du compte et la reconstruction annoncée tarde à voir le jour. Comme le dit le consultant sportif Aimé Brière, « notre sélection ne nous inspire plus confiance. C’est le moins qu’on puisse dire. Et nos joueurs eux-mêmes ne sont plus en confiance. Il n’y a qu’à voir les gestes techniques approximatifs et la nervosité du groupe ». Il doute de la confiance que placent les joueurs en leur entraîneur après toutes ces contreperformances et pense qu’il faut « aider le coach et les joueurs à retrouver leur niveau de jeu en sélection ».         

Come back ? Allons-nous assister au rappel de certains joueurs de la génération dorée pour sauver les meubles ? Le sélectionneur belge Marc Wilmots n’a jamais écarté cette option. Il a même a bataillé pour le retour de Salomon Kalou, le joueur ivoirien le plus capé, avec 101 sélections, et pourrait prendre langue avec certains anciens en vue de sauver son contrat avec l’équipe nationale. En 2006, la sélection française, alors en ballotage défavorable après une débâcle à l’Euro 2004, avait fait appel à certains champions du monde 1998. Le coaching avait été gagnant. Même si la France n’avait pas remporté la Coupe d’Europe, leur appui (Zinedine Zidane, Claude Makélélé, etc.) avait néanmoins permis à l’équipe de jouer la finale de l’Euro 2006 face à l’Italie, avant qu’ils ne prennent définitivement leur retraite. Même si cette idée prospère chez certains Ivoiriens, le consultant sportif Patrick Guitey pense qu’il ne s’agit pas d’un problème de « joueurs », mais plutôt « d’environnement et de management. » Toutefois, il estime que le retour de certains, comme Didier Drogba ou Yaya Touré, « pourrait booster le men tal des joueurs ». Mais il rappelle qu’ils ne jouent presque plus et que leur retour pourrait plutôt créer l’effet contraire, parce qu’ils ne sont pas en bonne condition physique. « Face à la crise militaire que nous vivons, les politiques ont fait appel aux généraux à la retraite pour bénéficier de leur expérience. Les officiels du football ivoirien peuvent s’en inspirer pour l’équipe nationale ! », lance un journaliste sportif. Pour lui, il n’y a rien à perdre à essayer toutes les cartes dans une situation où « nous n’avons plus notre destin en main. »         

Reconversion Mais pour les footballeurs de la génération dorée, l’avenir se joue ailleurs. De sources proches de Yaya Touré et de Didier Drogba, ces derniers n’envisagent pas de marche arrière. Même s’ils continuent d’évoluer dans les championnats européens et américains, ils pensent plutôt prendre bientôt leur retraite et s’investir dans les affaires. Certains ont déjà rangé les crampons et se sont fondus dans des staffs techniques. Il s’agit entre autres d’Emerse Faé (33 ans), entraineur des U17 de l’OGC Nice depuis 2015. Ce joueur, qui a brutalement arrêté sa carrière en 2012 pour des problèmes cardiaques, est aujourd’hui titulaire d’un diplôme d’entraîneur, révèle Adam Khalil, journaliste et consultant sportif. Un exemple qu’a suivi Bakary Koné dit Baky (36 ans) qui, de retour en Côte d’Ivoire depuis deux ans, a déposé ses valises à l’ASEC Mimosas, le club qui l’a formé. Il vient d’être rejoint par Romaric Koffi N’Dri au sein du staff technique. Une expérience qui a sûrement inspiré l’ex-défenseur Habib Kolo Touré, qui mène une reconversion très rapide. En plus d’être entraîneur adjoint du Celtic Glasgow, son dernier club employeur, il vient d’être nommé adjoint de Marc Wilmots. Une fonction qu’il cumule avec celle de sélectionneur adjoint des U17 ivoiriens. Ceux qui arrivent à se reconvertir devraient pouvoir à l’avenir apporter leur expérience à la sélection nationale. D’autres, comme Bonaventure Kalou, ont plutôt opté pour le marketing sportif. Kalou est à la tête de la structure Dream Sport Management et bénéficie d’un statut de consultant sportif pour le compte de Canal+. Des fonctions qu’il combine avec celle de coordonnateur de la fédération ivoirienne de minifoot. À 33 ans, son cadet, Salomon Kalou, envisage de suivre une trajectoire identique, selon ses proches, qui pensent que dans les prochaines années, libérées de tout contrat, il se consacrera dans un premier temps à sa fondation, engagée dans la lutte contre l’insuffisance rénale, avant de se lancer vers d’autres activités. Les autres membres de leur génération connaissent des fortunes diverses. Au rang de ceux-ci, Arouna Dindané, qui après plusieurs blessures, a dû s’orienter vers le monde des affaires. À date, Didier Zokora, dit Maestro, et Siaka Tiéné, sans club, cherchent un point de chute. S’ils connaissent une fin de carrière comme Kader Keita, sans club depuis bientôt deux ans, ces deux-là n’envisagent pourtant pas de s’effacer du monde du football et espèrent rebondir bientôt, confient leurs proches.

Ouakaltio OUATTARA

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