Réouverture des salles de spectacles : Difficultés et espoirs

Avec trois mois de fermeture pour cause de Covid-19, le secteur culturel ivoirien a été l’un des plus touchés par les restrictions émises aux premières heures de la crise par le gouvernement, à travers son Conseil national de sécurité (CNS). Conséquence, les lieux de spectacles, de concerts, les musées, les bars et boîtes de nuit, les galeries d’art et d’expositions, etc., ont baissé les rideaux. Une situation très difficile à vivre pour l’ensemble des acteurs. Finalement, le 31 juillet dernier, les autorités ont décidé d’alléger les mesures en redonnant vie au secteur culturel, mais dans le respect des mesures barrières. Deux mois après, comment se déroulent les choses sur le terrain ? Les activités ont-elles réellement repris ?

Ça a été un ouf de soulagement lorsque le jeudi 30 juillet 2020, le ministre de la Santé et de l’hygiène publique, le Dr Eugène Aka Aouélé, annonçait la décision du Conseil national de sécurité (CNS) de réouverture des bars, boîtes de nuit, cinémas et lieux de spectacles à compter du 31 juillet 2020, dans le strict respect des mesures barrières, port du masque, lavage des mains et distanciation physique. Pour les artistes de Côte d’Ivoire, cette décision à été salutaire, car elle est le fruit d’une bataille avec les autorités qui a porté. Plusieurs d’entre eux, notamment le groupe Zouglou, Magic System, le reggaeman Kajeem ou encore l’humoriste Le Magnifik avait mené un plaidoyer auprès des autorités pour la réouverture des salles. Aujourd’hui, tout semble avoir repris de plus belle. Même si la pandémie est encore présente en terre ivoirienne, le secteur culturel essaie de se remettre peu à peu en marche.

On se cherche encore Si des activités ont été fortement impactées par la Covid-19, ce sont bel et bien les activités nocturnes, les bars et boites de nuit. Selon le porte-parole de la police nationale, le commissaire principal Charlemagne Bleu, ce sont en tout 577 bars et boîtes de nuit qui ont été fermés dans le district d’Abidjan. Pour le promoteur de spectacles et manager d’espace de divertissement Ibrahim Fofana, alias « IB Cacao », la reprise des activités est difficile pour ceux qui y exercent. « Beaucoup ne se sont apprêtés, puisque la pandémie en a surpris plus d’un, et beaucoup étaient loin de s’imaginer que le gouvernement irait jusqu’à fermer toutes les salles de spectacles et les bars et boîtes de nuit », confie-t-il. « Malgré la reprise des activités, beaucoup n’arrivent pas à s’en sortir. Certains continuaient de payer leur personnel durant la cessation des activités pour maintenir en bon état leurs espaces. Du coup, toutes leurs économies ont été épuisées. En plus de cela, il faut le reconnaitre, ce ne sont pas tous les acteurs qui ont bénéficié du fonds d’aide que le gouvernement a mis en place », explique-t-il. Avant d’ajouter « la véritable difficulté pour ces derniers est le manque de moyens pour relancer leurs activités. Pour les tenanciers de bars et boîtes de nuit, il faut un fonds pour s’approvisionner en boissons et autres, en plus du personnel, dont il faut pouvoir assurer le salaire, et les charges fixes». Certains espaces tirent leur épingle du jeu et arrivent à sortir peu à peu la tête de l’eau. Toutefois, cette pandémie aura contribué à faire baisser l’affluence. « Les clients ne fréquentent plus beaucoup les bars et boîtes de nuit. Le coronavirus a contribué à changer les habitudes. Et c’est aussi une réalité à laquelle est confronté le milieu », poursuit Fofana.

La carte de la prudence Pour ce qui est des espaces de spectacles et de concerts, la reprise est timide. Les promoteurs préfèrent jouer la carte de la prudence. En témoigne d’ailleurs le Palais de la culture de Treichville, qui, malgré la réouverture de ses salles, n’enregistre aucun concert ou spectacle culturel à date. « Avec cette situation, quel promoteur de spectacle voudrait organiser un concert ? Ce serait un investissement à perte pour lui. Personne ne veut prendre le risque. Présentement, ce ne sont que les activités politiques qui ont lieu au Palais de la culture de Treichville et, le weekend dernier, le Festival des grillades d’Abidjan, qui s’est tenu dans ce contexte particulier», explique l’attachés de presse du Palais de la culture, Mme Gisèle Konan. Pour l’organisateur de spectacles et acteur du showbiz Jeff le Béninois, les choses sont très compliquées quant à l’organisation de grands spectacles. « Avec le respect des mesures barrières, et même malgré l’autorisation des autorités, il est difficile pour un promoteur en ce moment d’organiser des spectacles ou concerts de grande envergure, à cause de la foule que cela pourrait attirer. On préfère se limiter à de petits spectacles, dans des clubs qui peuvent réunir au plus 200 personnes. Du coup, les sponsors refusent de nous accompagner, parce qu’il n’y a pas assez de monde », estime-t-il.

Retour progressif Le cinéma n’a pas été épargné par la décision gouvernementale de fermer les espaces culturels. Résultat, toutes les salles de cinéma présentes sur le territoire ivoirien ont été obligées de suivre les instructions. Les salles de cinéma Majestic, habilitées à exercer en Côte d’Ivoire, sont donc restées fermées près de cinq mois. Mais la reprise semble se passer comme sur des roulettes, comme en témoigne la directrice commerciale et marketing des cinémas Majestic, Nancy Aka. « Le retour dans les salles de cinéma Majestic se fait progressivement. Nous avions pris la décision de ne pas rouvrir tous les jours dans un premier temps, histoire de constater que le retour en salles des cinéphiles était effectif, avant d’ouvrir les autres jours », explique-t-elle. Puis d’ajouter que « depuis le week-end du 7 août 2020, nous avons ouvert vendredi, samedi et dimanche pendant quelques semaines et nous sommes satisfaits du taux de remplissage du week-end. Du coup, nous avons décidé d’ouvrir les séances du jeudi. Nous allons fonctionner à ce rythme parce que nous avons subi la crise de plein fouet. Nous sommes toujours en crise, mais nous sommes obligés de nous adapter. C’est une mesure restrictive qui nous permet de pouvoir gérer le flux des personnes et de modérer nos charges ». Selon Nancy Aka, si la reprise de leurs activités était timide au départ, cela était dû au fait que toutes les sorties internationales de films avaient été reportées ou annulées. Mais avec la réouverture de l’ensemble de ses salles de cinéma (Majestic Sococé - 2Plateaux, Majestic Hôtel Ivoire Cocody, Majestic Prima Center Marcory et Majestic Yopougon), dans le respect des gestes barrières, l’entreprise a désormais de nouvelles productions à offrir à sa clientèle. « Depuis quelques semaines, nous recevons de bons films, des nouveautés en termes de films d’action, d’horreur, tout ce qu’adorent les Ivoiriens. L’on ressent un engouement chez eux et nous le constatons avec leur retour dans nos différentes salles de projection », se réjouit la directrice commerciale et marketing.

Mais les musées et salles d’exposition vivent au rythme d’une reprise difficile. M. Ange Nohonin, chargé de communication du Musée des costumes de Grand-Bassam, le dit bien : « la reprise est très timide au niveau des visites du Musée des costumes. Le taux a totalement baissé et c’est également à l’image même de la ville de Grand-Bassam, qui enregistre de moins en moins de touristes. Car ce sont eux qui visitent le plus ce musée », reconnaît-t-il. Même son de cloche du côté du Musée des cultures contemporaines Adama Toungara d’Abobo, qui a ouvert ses portes il y a quelques semaines de cela. Du côté du Musée des civilisations de Côte d’Ivoire, au Plateau, si l’administration reprend tout doucement, la salle d’exposition des objets d’art reste quant à elle fermée, aux dires de sa directrice générale, Mme Silvie Mémel-Kassi, qui annonce une réouverture au public d’ici quelques jours.

Anthony NIAMKE

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