Bouaké: L'éternelle rebelle?

Hier acclamés, les militaires sont de moins en moins désirés dans les rues de Bouaké.

Bouaké la belle, devenue Bouaké la rebelle ou Bouaké la coquette, devenue Bouaké la roquette ? Ces jeux de mots en disent long sur ce qu’est devenue la deuxième plus grande ville du pays, capitale de la rébellion de 2002 à 2010. Epicentre de la contestation des mutins en janvier 2017, puis au mois de juillet de la même année, Bouaké s’est à nouveau illustrée de mauvaise manière en ce début d’année. Un manque de confiance entre soldats, ceux du 3ème bataillon soupçonnant ceux du Centre de commandement des décisions opérationnelles (CCDO) de les espionner au profit du gouvernement, a entrainé de violents combats entre ces deux unités. Des sorties qui prennent en otages les populations et les commerces, effraient les potentiels investisseurs et maintiennent dans le retard une ville qui tente de se relever.

La deuxième plus grande ville de la Côte d’Ivoire retrouvera-t-elle son lustre d’antan ? Après une décennie de crise, Bouaké peine à se relever. Pire, Bouaké s’enfonce de plus en plus au gré des humeurs des militaires. Ces derniers, censés protéger les populations et veiller à la sécurité de la ville, semblent, en l’absence de conflit, représenter eux-mêmes le danger. Ignorant sûrement que là où crépitent les armes, le progrès s’éloigne, laissant place à l’amertume et à la désolation. Ni le gouvernement, ni la hiérarchie militaire n’arrivent à faire passer de message, donnant l’impression de marcher sur des œufs. La crainte de voir le pays sombrer à nouveau dans la violence obstrue-t-elle toute volonté de prise de mesures draconiennes envers les soldats indisciplinés ? « La question est délicate. Il faut beaucoup de discernement avant de sanctionner et de régler, non pas définitivement mais pour longtemps, ce genre de malaises au sein des hommes en armes », conseille un spécialiste des questions militaires. Ville prospère avant 2002, Bouaké, aujourd’hui méconnaissable et en quête de stabilité, regrette ses années de gloire.

Passé glorieux Alors que la Côte d’Ivoire amorce son développement, au lendemain des indépendances, Bouaké, ville carrefour, se transforme rapidement en une zone commerciale. L’activité dominante est le négoce, dans toute sa diversité. Le marché de gros de vivriers et les marchés périphériques existants le démontrent bien et les affaires prospèrent. L’activité industrielle reste encore importante dans cette ville, malgré la longue crise militaro-politique qui l’a éprouvée. Les unités industrielles se développent en parallèle, avec en tête l’établissement Robert Gonfreville, spécialisé dans le textile, la  Société ivoirienne des tabacs (SITAB), spécialisée dans le tabac, la Compagnie ivoirienne du développement des textiles (CIDT), spécialisée dans le traitement de coton, et OLAM Côte d’Ivoire, spécialisée dans le traitement des noix de cajou (anacarde).  Dans cette ambiance de promotion des activités économiques, la fierté de Bouaké résidait aussi dans sa semaine commerciale, qui était clôturée par un grand carnaval. « Il y avait également la piscine municipale, l’Orchestre de la fraternité ivoirienne,  les belles rues, bien tracées et bien éclairées, l’Alliance sportive de Bouaké et, au niveau scolaire, le lycée de jeunes filles et le lycée Saint Viateur. Cela faisait de Bouaké l’une des villes les plus animées et les plus coquettes de l’époque », se souvient Benoit Tanoh, fonctionnaire à la retraite et nostalgique de cette période, dont il garde encore de précieux souvenirs.  Mais nous sommes bien loin de cette ère paisible et propice aux affaires, à la réflexion et à la distraction. Tous ces atouts sont désormais un lointain souvenir et le visiteur ne peut que contempler les ruines, ou ce qui en reste.  « L’établissement Robert Gonfreville tourne au tiers de sa capacité, Oléhol Industrie SA (Ex-TRITURAF), spécialisé dans l’huilerie, bat de l’aile, la SITAB, la CIDT tournent au ralenti. Seule OLAM fonctionne bien aujourd’hui, surtout lors de la campagne de la noix de cajou », nous a confié un correspondant de presse en poste à Bouaké depuis sept ans. La ville essaie régulièrement de se relever mais son horizon est de manière récurrente obstrué par les sorties intempestives des militaires, qui rappellent les premières heures de la rébellion. Climat politique oblige, les populations pensent toujours que des volontés de renversement de l’ordre constitutionnel actuel peuvent germer à tout moment et que Bouaké pourrait en être le point de départ.

Plan Marshall Souhaité par les populations lors de la visite d’État du Président de la République Alassane Ouattara à Bouaké, en 2015, ce plan tarde à voir le jour. « Bouaké est totalement sinistrée par les années de crises militaro-politiques qu’a traversées notre pays. Presque tout y est à refaire », poursuit un agent de la mairie, pour qui la tâche s’annonce difficile « dans ce climat de circulation d’armes, surtout quand on sait qu’elles peuvent crépiter à tout moment, même pour des banalités », se désole-t-il. Il précise que les activités économiques de la ville de Bouaké se concentrent désormais en un seul endroit. « Le quartier Commerce regroupe les banques, le marché et autres boites de nuit. En dehors, il n’y a presque plus d’activités », lance-t-il.  « Demander un plan Marshall, c’est bien, mais il faut d’abord stabiliser la ville et créer un cadre propice pour les investisseurs », pense Mathieu Kra, employé de banque à Bouaké, qui indique que des investisseurs potentiels ayant visité la ville après 2015 sont devenus de plus en plus méfiants et souhaitent plus de garanties sécuritaires avant de s’installer. Il pointe également du doigt le grand banditisme qui va galopant, et, à chaque sortie de militaires, les armes qui disparaissent. Déplorant cette situation, un commissaire en poste dans la ville note que les cambriolages à mains armées, les trafics d’armes de petits calibres et les attaques des coupeurs de routes sont devenus presque quotidiens. « Plus que d’un plan Marshall, Bouaké a besoin d’une thérapie de choc. Les populations se croient encore à l’ère de la rébellion. Elles refusent le changement. Voyez-vous, même les feux tricolores ne sont pas respectés par les motocyclistes. On enregistre une moyenne de dix accidents par jour, avec le plus souvent mort d’homme », ajoute, presque désarmé, ce commissaire. Le rapport de l’ONU publié en 2013 et faisant état de plusieurs caches d’armes dans la ville, confirmé par la découverte d’armes dans un domicile en juillet 2017, n’est guère rassurant. « Tout peut arriver d’un moment à un autre et nul n’est à l’abri dans cette ville », selon notre commissaire.

Otage Agacées par les dérives des militaires, les populations ne cessent de crier leur ras le bol.  Si la dernière sortie n’a causé aucune perte en vie humaine, elle a obligé les populations à vider les rues avant la tombée de la nuit. « Les activités avaient repris le lendemain comme si de rien n’était, mais les populations ruminent leur colère. Elles ne supportent plus les méthodes brutales des militaires, qui, à la limite, les narguent », commente un autre journaliste en poste à Bouaké. Dans l’ensemble, explique-t-il, les populations ont le sentiment d’avoir été abandonnées par les élus locaux et par le sommet, le gouvernement.  Livrées à elles-mêmes comme pendant la rébellion (2002 - 2010), elles perdent de plus en plus l’espoir de voir leur ville renaitre de ses cendres.  « Depuis la fin de la crise, rien n’est fait pour la jeunesse. Aucune action n’est posée pour relancer les activités économiques et nous continuons de subir les affres de la guerre sept ans après », confie l’un des habitants. Avec ces conflits internes qui éclatent au grand jour, c’est tout le système sécuritaire qui est remis en cause, avec des militaires, des gendarmes et des policiers qui se méfient les uns des autres et une population apeurée, qui sait que la ville peut basculer à tout moment dans la violence.

Ouakaltio OUATTARA

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