C’est un débat sensible. Après chaque épisode sanglant en Côte d’Ivoire, le plus souvent les coupables parviennent à s’extirper des filets de la justice et continuent de mener une existence paisible.
« La construction progressive d'une politique nationale de respect et de promotion des droits de l'Homme est confrontée au défi de l'impunité et de l'équité de la justice ». Tel étaient les mots de Doudou Diène, expert indépendant, lors de la 22ème session du Conseil des droits de l'Homme, à Genève. Même si cela remonte à quelques années, l’expert avait mis le doit sur un fait patent en Côte d’Ivoire. Il avait d’ailleurs ajouté : « la lutte contre l'impunité reste la dynamique majeure pour conduire la Côte d'Ivoire sur le chemin de la paix ».
Avec la crise militaro-politique de 2002 à 2010 et la crise postélectorale qui s’en est suivie, les Ivoiriens ont eu beaucoup de linge sale à laver en famille. Le problème, c’est que ce linge continue de s’accumuler.
Justice Plusieurs associations de victimes se sont constituées ces dernières années dans le pays, plus qu’à toute autre période dans la vie de la Côte d’Ivoire, pour réclamer justice. Entre des procès taxés de « justice des vainqueurs », des grâces présidentielles et un contexte sociopolitique permanemment tendu, difficile de faire de la lutte contre l’impunité une réalité.
Récemment, un auteur ivoirien a décidé de mettre la question sur la table, avec un adage très interpellateur : l’impunité d'aujourd'hui est le crime de demain. « L'impunité est un encouragement à la récidive pour les bourreaux et un encouragement à la vengeance pour les victimes. Seule la justice peut mettre fin à l'impunité. Œuvrons donc ensemble à lutter contre l'impunité», a exhorté récemment Ali Ouattara, dans un ouvrage intitulé « Côte d'Ivoire - Cour pénale internationale (CPI): Mariage d'amour ou de raison ? ».
Un signe que le sujet n’arrêtera pas de hanter les Ivoiriens. Depuis maintenant plusieurs décennies, de nombreux innocents n’ont pas pu obtenir justice. Ils crient encore dans leurs tombes, pendant que leurs bourreaux préparent d’autres méfaits. Mieux, plusieurs appels ont été lancés afin que toutes les personnes détenues soient libérées, sans conditions et sans procès. Et comme si personne ne retenait les leçons, les bourreaux semblent de plus en plus nombreux et les victimes d’hier sont susceptibles de devenir les coupables de demain. Abandonner la justice, la sacrifier pour la réconciliation tant recherchée depuis une trentaine d’années, a montré ses limites. Il faut une véritable justice pour toutes les victimes et surtout que cette justice soit juste.
Raphaël Tanoh