7ème art : Sous les projecteurs

Avec le film « Interprète » et la série « Invisible », les rares salles de cinéma encore ouvertes à Abidjan essayent de soutenir le cinéma ivoirien. À coups de promotions et de financements, l’État intervient de manière intermittente. Mais le secteur bat de l’aile. Les productions cherchent des cinéphiles et des salles de projection. Et le public, de plus en plus exigeant, se tourne vers d’autres films.

« Le cinéma ivoirien a eu ses années de gloire, avec de nombreux cinémas, mais, hélas, la crise les a tous fait fermer ». Ces mots sont du ministre de la Culture et de la francophonie, Maurice Bandama. Ce 3 juin 2015, lors de la cérémonie d’ouverture de la première salle de cinéma 3 D, le « Majestic Ivoire », le ministre croit en une renaissance du 7ème art au bord de la lagune Ébrié. Mais Maurice Bandama sait aussi qu’il est loin le temps où les salles obscures étaient bondées. Les années 80 ont été pour les Ivoiriens l’âge d’or du grand écran. Lanciné Kramo Fadika, directeur général de l’Office national du cinéma de Côte d'Ivoire (ONAC - CI) de 2013 à 2016, décroche le premier Étalon d’or ivoirien, en cette année glorieuse 1981, au Fespaco, grâce à son long métrage Djeli. En 1993, son film Wariko le confirme au sommet de son art. Fadika décroche notamment le prix d'interprétation masculine au Festival africain de Khouribga et celui de la meilleure comédie au Fespaco 1995, avec Allassane Touré, Abiba Kaboré, Aissatou Traoré, Adama Dahico et Adrienne Koutouan. Et qui peut oublier le magnétique Sidiki Bakaba, acteur, réalisateur, cinéaste et metteur en scène : Prix d'interprétation en 1979 pour le film Bako (Festival de la Francophonie, Nice), Grand prix d'interprétation en 1985 (Tunisie), etc. Et puis il y a Roger Gnoan M'Bala, Kitia Touré… La liste est longue. Ces créateurs ont grandement influencé le 7ème art ivoirien, à cette époque, en lui donnant ses lettres de noblesse.

Chute Des moments que l’on voudrait revivre aujourd’hui, parce que le cinéma a bien changé en terre d’Éburnie. On ne le reconnaît plus. Il est devenu si inconstant et si corrompu… Depuis « Sur les dunes de la solitude » (32 mn), le premier film ivoirien réalisé en 1964 en noir et blanc par Timité Bassory, les fans du grand écran ont connu des hauts et des bas. Mais jamais ils n’ont été si déboussolés par un nouveau paysage. La crise de 2002 a emporté avec elle les derniers vestiges de ce qui était le « vrai cinéma » pour beaucoup. 50 ans après Timité Bassory, la technologie a fait son apparition à vitesse grand V sur les ruines d’un passé glorieux. Et les salles ont toutes fermé les unes après les autres : Kabadougou, Boissy, Dialogue, Saguidiba, etc. C’est un monde mitigé, aujourd’hui, qui cherche ses marques. Si bien que lorsqu’on demande à l’ex-directeur général de l’ONACI comment il voit le monde du cinéma actuel en Côte d’Ivoire, Kramo Fadiga préfère rester prudent : « avec l’arrivée massive des chaînes de télé et d’autres moyens d’exploitation des œuvres, telles que les VOD, Internet et autres à venir, notre cinéma se portera certainement mieux. Le tout est que l’on puisse continuer à produire ». L’acteur, producteur et réalisateur Guy Kalou est pourtant optimiste : « Quand on regarde de 2010 à aujourd’hui, nous sommes à une moyenne de 10 films produits chaque année. Les séries, on les compte par vingtaines. Je peux donc dire qu’il y a une amélioration. Elle est aussi perceptible au niveau des jeunes, qui sont de plus en plus dédiés aux métiers d’acteur et de réalisateur. C’est donc un secteur de plus en plus dynamique. Certaines entreprises ont commencé à en faire un axe de communication. Lorsque ce ne sont pas des films qu’elles produisent, elles utilisent les visages des acteurs pour des campagnes publicitaires. Il y a aussi l’apport du Fonds de soutien à l’industrie du cinéma, géré par le ministère de la Culture et de la francophonie ».

Mais tout ceci n’est qu’une façade, en réalité. Kramo Fadiga parle de manque de profondeur dans les productions. Car le tout n’est pas de faire de la quantité, il faut surtout de la qualité.

Communion impossible ? « Il ne faut surtout pas oublier que le cinéma est avant tout un spectacle qui doit captiver et intéresser. Même si vous avez des choses graves à dire ou des positions à défendre, le spectateur ne vient pas écouter un professeur, mais partager les sentiments ou les émotions ressenties par quelqu’un d’autre que lui et communier avec lui. Et puis, quand quelqu’un vous accorde 90 minutes ou davantage de son temps et de l’argent pour vous écouter dans une salle obscure, il faut qu’il sorte enrichi ou au moins amusé par ce que vous lui avez raconté », explique l’Étalon d’or ivoirien, qui s’est vu ériger une statue en bronze à son nom à Ouagadougou. C’est dans ce sens, pour lui, que le cinéma ivoirien doit évoluer. L’accent doit être mis sur la formation à tous les niveaux, souline Fadika. Mieux encore, selon Ibrahima Ben, il faut miser sur l’organisation du secteur. Selon l’acteur ivoirien, qui a joué dans les séries « Destinée » en 2013, « National Security » et « Sans regret », le cinéma pourrait nourrir son homme s’il y avait un minimum d’organisation autour. « Il n’y a aucune subvention et les acteurs ne touchent pas des cachets assez importants », insiste-t-il, avant d’ajouter « nos devanciers essaient de nous tendre la main à travers des masters class et des séances de travail. On en a vraiment besoin ».

Manque de salles Outre ces blocages qui minent le 7ème art se pose la question des salles de cinéma. Avec plus de 100 qui sont hors service, l’industrie cinématographique a beaucoup à faire en termes de rénovation et de réouverture. Le Majestic Ivoire, première salle 3 D d’Afrique de l’ouest, essaie de combler le vide. Mais la tâche n’est pas aisée car il ne compte que trois salles, deux dans la commune résidentielle de Cocody et une dans la très chic commune de Marcory. Difficile de faire salle comble. Pourquoi ? La réponse, pour le réalisateur Guy Kalou, saute aux yeux : le manque de proximité. « Le cinéma doit entrer dans les habitudes quotidiennes de l’Ivoirien. Rapprocher les salles des populations est un moyen de réduire cet effet de luxe qu’il y a à aller au cinéma. Aujourd’hui, quelqu’un qui est à Abobo ou à Anyama se dit qu’il ne peut pas payer le coût du transport pour venir voir un film au cinéma. Il faut donc réduire cette distance en construisant des salles dans les quartiers populaires. Les médias d’État devraient pouvoir accompagner les films lorsqu’ils sortent, avec le soutien du ministère». C’est dire qu’il y a du pain sur la planche. Le film « L’interprète » d’Olivier Koné, en 2016, a eu un nombre d’entrées décevant. « Nous n’étions qu’à 10 000 entrées pour « Kamissa », malgré toutes les campagnes publicitaires. Nous sommes encore très loin des chiffres d’avant », se désole M. Kalou. Le plus dur, à l’entendre, c’est qu’il y a en général de l’affluence lorsqu’il y a des films étrangers. Un facteur, d’après les acteurs, qui empêche la Côte d’Ivoire de rivaliser avec des pays comme le Nigéria. L’industrie du cinéma existe bel et bien ici, mais elle n’est rien sans un véritable marché de consommateurs. D’où le rôle de l’État, à travers des subventions, que les acteurs demandent. Le ministre Maurice Bandama a promis un soutien. Peut-être, mais jusqu’à preuve du contraire, le cinéma n’a jamais été une question d’État. Ce n’est que du business.

Raphaël TANOH

Mise en exergue

« Les fans du grand écran ont connu des hauts et des bas. Mais jamais ils n’ont été si déboussolés par un nouveau paysage ».

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