Guillaume Soro: Ange ou démon?

La grande absence de Guillaume Soro n’est pas passée inaperçue au 3è congrès du Rassemblement des républicains (RDR), dont il s’est toujours réclamé. Officiellement pour n’avoir pas été associé à son organisation, mais officieusement, pour se donner une porte de sortie qu’il pourrait utiliser afin de justifier ses prochaines décisions pour la suite de sa carrière politique. En froid avec l’ex-direction de son parti et certains de ses cadres, Soro ne s’est jamais senti aussi loin d’un parti politique dont il aura été l’un des piliers dans l’accession au pouvoir. Le statut d’opposant qui renforçait l’idylle entre lui et le RDR a laissé place progressivement à une animosité née du choc des ambitions pour la succession du Président Ouattara. Les rideaux ont du moins été tirés sur le congrès sans qu’une réponse ne soit trouvée à l’énigme qu’il constitue.

Guillaume Soro a longtemps laissé planer le doute sur sa participation ou non au congrès du Rassemblement des républicains (RDR), à dessein d’ailleurs. La tension entre lui et la direction de son parti étant montée d’un cran.

D’abord opposé entre 2012 et 2016 à Ahmed Bakayoko, ministre d’État, ministre de la Défense, puis à Amadou Gon Coulibaly, Premier ministre, le Président de l’Assemblée nationale a vu l’appareil du parti se déployer contre lui et ses hommes fin 2016, à la veille des élections législatives. Les mouvements militaires nés en début d’année 2017 dans un contexte d’élection du Président de l’Assemblée nationale, de désignation du Vice-président et du Premier ministre et de nomination d’un nouveau gouvernement auront contribué à renforcer davantage le fossé, déjà grand, entre d’un côté ceux qui se réclament de la ligne du parti, conduits par Amadou Gon Coulibaly, et ceux qui se reconnaissent en Guillaume Soro, dont la plupart issus des Forces nouvelles (FN).

Ostracisme ? C’est en tout cas le sentiment qui se développe au sein de la «  galaxie soroïste », qui estime avoir été mise sur la touche par le Président Alassane Ouattara. L’expression « père injuste », longtemps murmurée sous cape,  lancée à la cantonade par Zié Konaté lors de la rentrée politique de l’Union des Soroïstes (UDS), le 8 juillet 2017, confirme en effet le sentiment de ras le bol. Affoussiata Bamba Lamine et Sidiki Konaté, qui ont fait des déclarations après cette cérémonie, expriment cette impression de « parias ». « Quand la confiance n’y est plus, il faut savoir se quitter », laisse entendre le député de Man. Eux qui, avec Alain Lobognon, fondateur de l’Alliance du 3 avril, ont été limogés du gouvernement, n’ont pas encore avalé leur colère. Une chose reste cependant évidente : le gouvernement Amadou Gon ne compte aucun ministre proche des ex Forces nouvelles et certains députés de la législature précédente n’ont pas retrouvéla confiance du RDR aux élections législatives de décembre 2016.

 La rentrée politique de l’UDS, sonnant comme les prémices d’une rupture, a occasionné le limogeage de cinq autres cadres présents à cette cérémonie ((Mamadou Traoré, Alphonse Soro, Zié Konaté, Sindou Meité et Issiaka Fofana).  « On ne peut pas être à table et se plaindre du plat qui est servi tout en continuant à le manger » ironisait-on au siège du RDR, rue Lepic. «  Ce n’est qu’une question de temps »  répondaient certains cadres des FN, comme Marc Ouattara, qui milite pour un divorce officiel. S’ils étaient tous absents ce dimanche, « c’est bien parce que nous ne nous reconnaissons plus en Alassane Ouattara. Qu’il finisse son mandat, qu’il parte et en 2020 nous allons démontrer notre force », confie un homme d’affaires autrefois prospère qui accuse le « système Amadou Gon » d’être à la base de ses contreperformances. « Dès qu’on sait que tu es proche de Soro, on te coupe les vivres» accuse,pour sa part l’ex cadre du Conseil café cacao Zié Konaté.

Mamadou Traoré, l’un des proches de Soro à avoir été limogé à deux reprises, se veut plutôt catégorique. « Nous sommes marginalisés et nous n’avons jamais été acceptés, alors que c’est notre militantisme au sein du RDR qui nous a conduits au sein des Forces nouvelles », se plaint-il, avant d’ajouter que ceux d’entre eux qui étaient fréquents au siège du RDR ont dû se faire discrets, car « mal acceptés. » Pourtant, c’est un secret de polichinelle de dire que Guillaume Soro a toujours pris soin d’éviter la rue Lepic depuis 2011, alors qu’il est membre du Haut conseil politique du RDR, leur rétorque-t-on.

 Embarras Dans un discours où il annoncçait presque sa retraite politique et passait la main au Pr Henriette Dagri Diabaté, Alassane Ouattara, qui avait sûrement encore en mémoire la découverte de la cache d’armes chez Souleymane Kamaraté, qui a fait pencher le rapport de forces au profit des mutins en mai dernier, a pris soin de ne pas citer Guillaume Soro. Là où des figures de la lutte du RDR loin du monde des vivants, ont reçu des hommages, avec un clin d’œil à certains de leurs compagnons encore en vie, point d’hommage à Guillaume Soro. En ne le « nommant » pas, il refile sans nul doute la patate chaude à Dagri Diabaté. Cette dernière, qui aura la lourde charge de nommer une vingtaine de Vice-présidents, reste ainsi sous pression, entre les deux bords. Le nommer au sein des Vices présidents, serait rallier les camps, mais ce serait aussi accentuer une bataille interne déjà ouverte et qui pourrait pourrir son mandat. L’écarter accentuerait davantage les clivages et apporterait de l’eau au moulin de  ceux qui militent pour une rupture officielle.

Double face L’homme lui-même demeure presqu’insaisissable, tant le fossé parait grand entre ses envolées lyriques et les piques que ses partisans lancent à ses détracteurs. Quand Guillaume Soro parle de réconciliation, de pardon et de paix, il faut s’attendre à une saillie de l’un de ses conseillers ou de ses nombreux internautes ramant à contre-courant de ces valeurs. « A chaque sortie de Guillaume où il parle de paix, ses conseillers ou ses proches trouvent la parade pour lancer des pierres dans le jardin des voisins », commente un observateur politique pour qui ce double langage est le fruit d’une parfaite intelligence entre Soro et ses hommes de main. « Fine tactique » pour ses proches, «  manque de sincérité » pour ses contempteurs, qui l’accusent de ne pas avoir le courage d’assumer publiquement ses positions dans les débats, laissant ce soin à ses affidés, comme son conseiller Franklin Nyamsi ou encore Moussa Touré, son conseiller en communication, autour duquel gravitent plusieurs internautes acquis à sa cause. Est-il machiavélique ? « Oui, comme tous les hommes politiques », répond sans détour l’un de ses conseillers, selon qui Guillaume Soro leur aurait demandé de lire « Le prince », de Machiavel, afin de se « tenir prêts pour un combat très pénible. Celui de l’espace politique, plus difficile que la bataille armée. » Un jeu  loin de rassurer ses adversaires potentiels au sein du parti, qui voient en lui la fin de leur carrière politique. « La rivalité date de l’époque de la rébellion, à un moment où les cadres des Forces nouvelles avaient le sentiment que le RDR voulait récupérer la rébellion ou que la rébellion tournait dos au combat du RDR » croit savoir un cadre des Forces nouvelles, qui rappelle que cette tension a été à l’origine de la distance entre Guillaume Soro et Amadou Koné, alors son Directeur cabinet, proche d’Amadou Gon Coulibaly, à qui l’on reproche de n’avoir pas vu d’un bon œil la nomination de Guillaume Soro comme Premier ministre en 2007. Des tensions attisées par la volonté de deux hommes forts proches de Ouattara de lui succéder. « Guillaume Soro a tenté de se rapprocher de la Première dame, Dominique Ouattara, depuis 2011. Elle lui a préféré Ahmed Bakayoko, son filleul. Depuis, Soro est convaincu que rien ne lui sera  offert sur un plateau » reconnait-on dans son sillage.

Partira, partira pas Le congrès, qui n’a pas statué sur son cas, permet aux  les spéculations de continuer quant à son avenir au sein du RDR. « Guillaume est conscient qu’il existe déjà trop de partis politiques. Il nous l’a dit » assure Mamadou Traoré. Il est aussi convaincu que la bataille en interne, « si elle devait arriver, serait farouche.» Pour l’heure, ses partisans sont divisés. Car il ne faut pas se voiler la face, la plupart sont des militants du RDR qui seraient dans l’embarras . Soro, qui revendique toujours son adhésion à ce parti, entretient à souhait le flou, laissant partenaires et adversaires scruter le moindre de ses faits et gestes, ou certaines publications, pour espérer y déceler des signes.

 

 

Ouakaltio OUATTARA

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