Circulation : Guerre ouverte aux motos

Sur le terrain, il n’est pas rare de voir certains motocyclistes crier à l’abus des policiers.

Alerté du danger que constituent les engins à deux et à trois roues sur les routes, le gouvernement a fini par réagir. Depuis début mai, la police et la gendarmerie traquent et confisquent les motos et les triporteurs sur les grandes artères. L’opération est saluée, mais des abus sont également dénoncés par les usagers et certaines entreprises spécialisées dans la distribution de colis via des motos. Mais, pour les forces de l’ordre, il s’agit d’appliquer strictement les mesures prises.

Près de 400 motos et environ 300 triporteurs. C’est le nombre d’engins à deux ou à trois roues saisis et mis en fourrière par la police nationale à ce jour. Débutée la semaine dernière, l’opération de traque des motos et triporteurs semble avoir atteint sa vitesse de croisière. Selon une source à la préfecture de police, les services sont régulièrement assaillis par les propriétaires de ces engins motorisés, déclarés illégaux pour la plupart faute des papiers afférents. Le commissaire principal de police chargé de la police spéciale de la sécurité routière au ministère des Transports, Abdul Kader Touré, qui conduit cette action avec vigueur et détermination, a déployé ses hommes dans toutes les communes de la capitale économique. Et ils ne font pas de quartier. Cette opération est censée prendre fin début juin, c'est-à-dire après 30 jours de traque non stop.

Indésirables ? Mais qu’on se détrompe, précise notre source à la préfecture de police, il ne s’agit pas d’interdire les motos ou même les triporteurs dans la ville d’Abidjan. Dans le premier cas, rappelle notre interlocuteur, toutes les motos saisies par la police l’ont été parce qu’il y avait soit un non port de casque de la part du conducteur, soit parce que ce dernier n’avait pas les papiers de son engin en règle. « Leurs motos leurs seront remises lorsqu’ils se seront mis en règle vis-à-vis de la loi », explique notre informateur. Qui souligne que des motos continuent de circuler dans la ville et que leur présence à Abidjan n’est absolument pas interdite. Cette action est par ailleurs consécutive à un communiqué du ministère des Transports. « Saisi de manière récurrente par  les populations abidjanaises du développement   depuis plusieurs semaines du transport de passagers et de marchandises par des engins à deux roues », les services du ministre Amadou Koné affirment avoir mené  des investigations « qui ont mis en évidence que les propriétaires de ces engins communément appelés mototaxis ne disposent d’aucune autorisation émanant de l’État ». Dans la même veine, il a été constaté au niveau du ministère des  Transports que les triporteurs se livraient au transport de marchandises en violation des textes. « Les  activités de transport de personnes ou de marchandises sont soumises à une autorisation préalable et à un régime particulier d’assurance », mentionne une note du ministre Amadou Koné. Qui insiste sur l’arrêt « immédiat » de ces pratiques « sous peine de voir leurs moyens de transport être mis en fourrière, sans préjudice des amendes et sanctions pénales prévues par les textes en vigueur ».

Concurrence déloyale Pour ce qui concerne l’intérieur du pays, le gouvernement, en relation avec les communes qui ont déjà donné des autorisations aux propriétaires de mototaxis, examinera la situation aux fins de prendre les mesures appropriées, selon le ministre Amadou Koné. À travers ces précisions, la nature de l’opération, encouragée par le ministre lui-même, est assez explicite. « C’est une pratique que nous avons commencé à dénoncer. Nous avons écrit au ministre plusieurs fois pour signaler les activités auxquelles se livrent aujourd’hui les triporteurs, mais aussi les motos », se réjouit Adama Touré, Président de la Coordination nationale des gares routières de Côte d’Ivoire. Pour le transporteur, ils étaient face à un phénomène jusque-là peu connu de la population, mais qui les dérangeait déjà sur le plan concurrentiel. Les triporteurs, selon lui, s’étaient substitués aux véhicules de transport public. « Il ne sont pas autorisés à transporter des bagages. Mais c’est ce que nous voyons sur nos routes. Avec le nombre sans cesse croissant de ces engins, malheureusement on assistait à des accidents de circulation. Ce genre de choses n’est pas convenable dans une grande capitale comme Abidjan. Il fallait que cela cesse. C’est pour cela que nous remercions les autorités pour ce qu’elles font sur le terrain. Elles ont tous nos encouragements », poursuit Adama Touré. Pour ce qui est des triporteurs, leur présence n’est pas complément interdite dans la ville, mais seulement au niveau des artères principales d’Abidjan, selon les services du ministère des Transports. C’est une mesure qui prend en compte le respect de la loi et qui intègre également intègre un volet assainissement. Personne ne voudrait voir des mototaxis dans une grande capitale. « Ce n’est pas bien pour un pays comme la Côte d’Ivoire. Les endroits où ce genre de pratique se développe sont les zones enclavées, où les véhicules ne peuvent pas accéder. Mais si vous laissez les gens faire, peu à peu vous verrez que cela va se répandre et devenir une habitude », regrette Ibrahim Diaby, le Secrétaire général du Syndicat national des conducteurs de taxis-compteurs de Côte d’Ivoire. Pour lui, le souci du gouvernement est beaucoup plus à ce niveau. Aujourd’hui, la forte répression lancée contre les engins à deux et trois roues est juste une occasion pour faire le grand ménage. « Je ne vous dirai pas, en tant que responsable de syndicats de taxis-compteurs, que ces personnes nous faisaient de la concurrence, c’est simplement une question de sécurité. Nous avons assisté à plusieurs cas de braquages où les individus se servent de motos. C’est d’ailleurs une pratique qui a cours de plus en plus dans la capitale. Il est donc essentiel que le gouvernement jette un regard sur ce secteur, où le laisser-aller était devenu palpable », ajoute le leader syndical. Ce n’est pas d’aujourd’hui que le gouvernement songe au problème.

Insécurité Début février 2017, la question des engins à deux roues et des triporteurs en Côte d’Ivoire avait été au cœur des échanges du Conseil des ministres. Ce jour-là, il avait été plus question de contrôles et de sécurité routière, les accidents impliquant ces engins étant devenus légion. Le gouvernement avait notamment insisté sur le renforcement des sanctions en cas de défaillance. « Je dois dire (…) que le gouvernement a longuement évoqué la question des deux roues et des triporteurs, qui se développent dans nos grandes villes, y compris à Abidjan », avait alors expliqué le porte-parole. C’est donc un souci qui est monté crescendo. Et il était inévitable, d’après notre source à la préfecture de police, que la guerre soit déclarée. C’est une habitude, à l’entendre, qui rime avec insécurité. « Il suffit d’être deux hommes sur une moto pour que déjà vous attiriez l’attention de la police. C’est un modus operandi couramment utilisé de nos jours pour voler et disparaître», note la source policière. Ajoutez à cela les accidents de circulation impliquant les motos, ainsi que les cas de décès pour non port de casque, et vous avez un motif valable pour lancer la traque aux motos. « Je crois que l’activité de taxi-moto ne peut pas prospérer à Abidjan. Les seules zones où cela a été remarqué, ce sont les quartiers où les taxis et les wôrô-wôrô ne vont pas. Les autorités savent où trouver ces individus. C’est un ensemble de constats qui a motivé cette opération de saisie et de mise en fourrière des engins à deux et à trois roues jugés illégaux. D’abord, le fait que certains font du mototaxi, ensuite à cause de l’insécurité et des accidents impliquant ces engins et enfin les triporteurs qui se sont mis à embarquer des bagages et à créer des embouteillages sur nos artères », énumère notre informateur à la préfecture de police.

Raphaël Tanoh

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