Peu de gens contestent qu'il est légitime de s'opposer à un gouvernement non démocratique par la désobéissance civile, puisqu'il ne s'agit pas d'un État de droit. Mais la légitimité de la désobéissance civile dans un régime démocratique est un point très controversé.
Les actes de désobéissance civile posent un très délicat problème à la justice. C’est que, bien que la légitimité de la résistance à l’oppression figure parmi les droits de l’Homme reconnus par les déclarations de 1789 et de 1948 et qu’elle inspire les constitutions qui en ont intégré les principes, la justice a le plus grand mal à admettre la justification d’un acte délictueux lorsqu’il est accompli au titre de la désobéissance civile.
« Usage sauvage » du droit Le problème peut se résumer ainsi : est-il envisageable qu’un tribunal juge un acte de désobéissance civile en tant que tel ? Ce problème peut être examiné sous deux angles : le premier est l’analyse des manières dont le droit traite le refus délibéré de se plier à une obligation légale ou réglementaire et les délits commis dans l’intention affichée de faire valoir l’illégitimité de cette obligation, explique le juriste Ismaël Coulibaly. « Le second angle tient en une interrogation : la désobéissance civile, en tant que forme d’action politique qui consiste à refuser de se plier à une prescription légale, peut-elle devenir une manière de se comporter pleinement reconnue en droit ? », s’interroge-t-il. Dans son remarquable essai sur la désobéissance civile (Essai sur la révolution, 1963), Hannah Arendt demande : est-il possible de « faire une place à la désobéissance civile dans le fonctionnement de nos institutions publiques » ? Elle répond par l'affirmative, de même que Rawls, Habermas et la plupart des auteurs qui ont abordé cette question. Certes, ils n'admettent la désobéissance civile qu'à titre d'exception. Mais de telles exceptions existent. D'abord parce que la démocratie suppose que soient respectés quelques principes fondamentaux. Même une majorité régulièrement élue ne saurait être obéie si elle adopte une disposition contraire à la Déclaration des droits de l'Homme, aux grands principes constitutionnels, aux conventions internationales signées par un pays, etc, poursuit Coulibaly. On est alors, selon l’opposition ivoirienne, dans le cadre d’une désobéissance civile entreprise dans un esprit plus juridique qu'éthique : une sorte de procédure d'appel contre la décision prise par le Conseil constitutionnel. Mais, une autre faiblesse de la désobéissance civile tient au principe qui la fonde : la non violence. Le respect de ce principe n’est cependant pas absolu. Pour donner une plus grande visibilité à leurs actes, certains décident de faire un usage modéré de la violence, en veillant attentivement à ne jamais faire de victimes.
Yvann AFDAL