Malgré la mesure du gouvernement interdisant toute activité de mendicité aux carrefours des grandes rues du District d’Abidjan, le phénomène perdure, avec parfois de vastes réseaux clandestins.
Pour les Abidjanais obligés de sortir très tôt le matin ou de rentrer très tard, le spectacle est presque quotidien. Des véhicules, appartenant sûrement à un ou des « gourous de la mendicité » font la ronde des grandes artères, afin d’y déposer « leurs travailleurs ». Il s’agit entre autres de personnes handicapées, d’aveugles ou d’enfants qui devront, au cours de la journée, implorer des passants en mettant en exergue leur handicap. Nous sommes bien loin de 2013, quand le ministère de l’Intérieur et de la Sécurité interdisait la présence de mendiants aux différents carrefours de la capitale économique.
Un réseau organisé Les réseaux mafieux, il en existe dans tous les secteurs pourvoyeurs de gains. Et la mendicité n’y n’échappe point. Mais le silence est d’or et la méfiance le code de conduite, surtout face aux inconnus. Rien n’est écrit mais tout est codifié. « Les parkings sont partagés », comme on le dit à Abidjan, et un nouveau mendiant est vite repéré et écarté quand il n’est pas « du réseau », prévient sous cape un des leurs, « en service » au carrefour du groupement des Sapeurs-pompiers d’Adjamé. Venu d’un pays limitrophe de la Côte d’Ivoire, s’exprimant dans un français approximatif, il soutient qu’un ami de ses parents a convaincu ces derniers qu’il n’était pas inutile à la société, malgré son handicap. « Nous étions nombreux à venir en Côte d’Ivoire. Une partie de l’argent nous revient, mais la plus grande part est versée à nos tuteurs ». Des rondes sont parfois effectuées pour s’assurer qu’ils sont « bien à leurs postes ». Dans ces réseaux s’est développé également la « location de jumeaux ou d’enfants ». « Les parents mendiants se passent des enfants entre eux. Ceux qui n’en ont pas, les non-voyants ou encore les vieilles personnes utilisent ceux des autres. Mais en contrepartie, l’argent revient aux deux parties », ajoute une autre source. Pis, un autre réseau de mendiants se prête quant à lui, au jeu des faux jumeaux. Il consiste à prendre l’enfant d’un autre, qui a presque le même teint ou l’âge que le sien, pour faire croire aux généreux donateurs que ce sont des binômes. Les enfants albinos sont malheureusement ceux qui paient le plus lourd tribut à ce cynique commerce. Ils sont les plus exploités, car, selon notre source, ils génèrent plus de revenus que les autres enfants. « Ils sont toujours accompagnés d’une personne âgée non albinos, qui s’assoit quelque part aux alentours pour surveiller les enfants dans leur tâche ».
Anthony NIAMKE