Coronavirus : Les Ivoiriens se confinent

Alertés fin janvier par un prétendu cas du nouveau coronavirus, les Ivoiriens ont fini par être touchés par cette pandémie mondiale après qu’un voyageur ait ramené cette maladie sur leur sol. Aujourd’hui, le nombre de cas augmente de jour en jour et tout porte à croire qu’il pourrait exploser dans les prochaines semaines. La seule riposte contre le Covid-19, qui touche désormais plus de 160 pays, avec près de 200 000 personnes contaminées et plus de 7 000 décédées, c’est le confinement. Avec 6 cas déclarés à date, la peur a gagné les cœurs et la panique est devenu le lot quotidien.

Hypermarché Sococé, Deux-Plateaux. Les véhicules avancent pare-choc contre pare-choc. Dans les deux sens du Boulevard Latrille, les files de voitures sont bloquées par les gens venus faire leurs achats. Ceux qui sortent et ceux qui entrent dans l’hypermarché se livrent à un concert de klaxons angoissant. Dans les rayons, les marchandises sont assaillies par des clients en panique. Des denrées de grande consommation aux produits de nettoyage, tout y passe. Ali Bamba est venu acheter du gel désinfectant, mais l’hypermarché est en rupture de stock. « Cela fait cinq supermarchés que je sillonne sans résultat. Certaines personnes sont venues dévaliser les rayons pour elles seules. Il n’y a plus nulle part où trouver du gel », se plaint-il. Autre produit en manque : les masques de protection. Et, lorsqu’enfin vous parvenez à trouver ces deux articles dans un coin de rue, il faut se préparer à dégarnir le portefeuille. De 1 000 francs CFA, le flacon est passé à 2 000, voire 3 000 francs. « Mais, même là, difficile d’en trouver. Les savons aussi sont en train de quitter les grandes surfaces », ajoute Albertine Konan, employée de bureau à Cocody, qui est à la recherche d’un masque de protection contre le nouveau coronavirus. « Ça, ce n’est qu’un début. Imaginez ce qui va se passer dans les semaines à venir », craint la dame. Alertées, les associations de consommateurs sont montées au créneau. « Nous sommes sur le terrain pour trois jours. Il s’agit de vérifier ce qui nous revient. S’il est vrai que les gens font de la surenchère, nous allons le dénoncer au gouvernement. C’est à l’État de veiller à ce que les prix restent uniformes et inchangés dans cette situation. Nous ne comprenons pas que des gens viennent vider les supermarchés alors que la situation ne l’exige pas. Vous allez stocker toutes ces marchandises à la maison pour quelle raison ? Cela peut créer une pénurie et pousser à une flambée des prix », proteste Ben N’Faly Soumahoro, Président de la Fédération ivoirienne des consommateurs le Réveil (FICR).

Psychose La psychose a commencé le lundi 16 mars au soir, après la confirmation de 6 cas de Covid-19 en Côte d’Ivoire. À la suite d’une réunion extraordinaire du Conseil national de sécurité (CNS), à laquelle a pris part le Comité des experts du ministère de la Santé et de l’hygiène publique, il a été décidé de la suspension, pour une période de 15 jours renouvelable, de l’entrée en Côte d’Ivoire des voyageurs non ivoiriens en provenance des pays ayant plus de 100 cas confirmés de maladie à coronavirus.

Selon le communiqué du CNS, les ressortissants ivoiriens et les résidents permanents non ivoiriens seront soumis à une mise en quarantaine obligatoire de 14 jours dès leur entrée sur le territoire ivoirien, dans des centres réquisitionnés par l’État. Le conseil a également décidé du renforcement du contrôle sanitaire aux frontières aériennes, maritimes et terrestres, de la mise en quarantaine des  cas  suspects  et  des  contacts  des  malades, de la fermeture de tous les établissements d’enseignement préscolaire, primaire, secondaire et supérieur pour une période de 30 jours et du respect d’une distance d’au moins un mètre entre les personnes dans les grandes surfaces et les lieux publics.

Il demande aussi le respect des mesures d’hygiène corporelle, comportementale, hydrique et alimentaire (lavage des mains au savon, application des solutions hydro-alcooliques, interdiction des salutations manuelles, accolades et embrassades, interdiction stricte de la consommation de la viande de brousse) et de la fermeture des boîtes de nuit, des cinémas et des lieux de spectacle pour une période de 15 jours renouvelables à compter du 18 mars 2020 à minuit.

Ajoutez à cela l’interdiction des rassemblements de populations de plus de 50 personnes pour une période de 15 jours renouvelables et la suspension de tous les événements sportifs et culturels nationaux et internationaux pour la même période.

Il y a également l’ouverture de sites complémentaires équipés de prise en charge à Abidjan, Abengourou, Aboisso, Bondoukou, Bouaké, Bouna, Daloa, Gagnoa, Korhogo, Man, Odienné, San Pédro et Yamoussoukro, la gratuité totale du diagnostic et de la prise en charge de tous les cas, suspects et confirmés, de Covid-19, le renforcement de la sécurité sanitaire des agents, du personnel de la recherche, des forces de  défense et de sécurité et des agents des zones aéroportuaires et de la plateforme portuaire. Et, enfin, la réactivation des Comités départementaux de lutte contre les épidémies. 

Protection « Il faut se préparer à une propagation de l’épidémie », prévient Dr Guillaume Akpess, Secrétaire général du Syndicat national des cadres supérieurs de la santé de Côte d’Ivoire (SYNACASS-CI). Mais comment ? Dans les hôpitaux, on est en retard sur les mesures de protection. En témoigne le personnel de santé contaminé après être entré en contact avec un malade. « Nous ne sommes pas protégés. Nous demandons aux autorités de prendre des mesures au plus vite pour protéger le personnel soignant. Nous n’avons ni masques de protection, ni gants, ni gel désinfectant dans les hôpitaux. Si un malade arrive, dans ces conditions c’est tout le personnel soignant qui est en danger », interpelle Dr Akpess. D’après le médecin, les seules techniques de détection du coronavirus chez les patients sont les symptômes. « On ne se sert pas d’appareil ici. On observe chez le patient les signes habituels : toux, écoulement nasal, mal de gorge, fièvre. Les appareils de détection dont on parle ne servent qu’à détecter de la fièvre chez le patient et ne sont utilisés que dans les points tels que les aéroports », fait-il savoir.

En attendant que les hôpitaux ne soient dotés d’un dispositif de protection digne de ce nom, les Ivoiriens prient, tout en restant lucides. La Conférence des Évêques catholiques de Côte d’Ivoire vient de prendre à ce titre une série de mesures. Entre autres, la fermeture des séminaires pour une période de 30 jours et la suspension de la catéchèse et des pèlerinages de Carême. Les messes de requiem sont autorisées avec au maximum 50 participants et les veillées funéraires se feront en famille, avec un nombre limité à 50 proches, etc. Le Conseil supérieur des Imams, des mosquées et des affaires islamiques (COSIM) est également en alerte. Il devrait prendre des mesures comme la réduction du temps de prière au maximum à 20 minutes et l’interdiction des cérémonies réunissant plus de 50 personnes (baptêmes, mariages, etc.).

« Les prières dans les mosquées seront maintenues. Mais il faudra respecter les mesures d’hygiène et le nombre de personnes ne devra pas excéder 50 », indique Youssouf Konaté, Imam de la mosquée de la Base navale de Locodjro. Pour donner l’exemple, les prières ont été interdites au sein de sa propre mosquée. En moins d’une semaine, la Côte d’Ivoire est passée de la phase 1 à la phase 2 dans les mesures de prévention contre le nouveau coronavirus. Et, déjà, la phase 3, qui concerne le confinement, peut être envisagée en cas de dégradation de la situation. Il y a trois jours, le Directeur général de l’Institut national de l’hygiène publique (INHP), Pr Joseph Bénié Bi Vroh, parlait de traçabilité des malades. Aujourd’hui, il est beaucoup plus question de se préparer à accueillir la vague qui arrive.

Raphaël TANOH

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