Internet : Coûteux et peu net

Les opérateurs de téléphonie mobile subissent la pression des consommateurs.

Le 7 avril, les trois opérateurs de téléphonie (Orange, MTN et Moov Africa) qui se partagent le marché ivoirien ont diminué d’un commun accord, le volume de données internet, tout en maintenant leurs prix. La réaction des consommateurs ne s’est pas faite attendre. Une pétition pour que le coût de la connexion Internet soit moins cher a recueilli en moins de 48 heures plus de 50 000 signatures. Le 10 avril au soir, le ministre de la Communication et de l’économie numérique, Amadou Coulibaly, est monté au créneau sur le plateau de la Radiodiffusion télévision ivoirienne (RTI). La hausse des tarifs des données mobiles n’est plus à l’ordre du jour, mais la pression des consommateurs demeure. Mieux, ils exigent désormais une baisse des prix des connexions Internet, dont la qualité n’est pas toujours au beau fixe mais dont les coûts pèsent sur les bourses.

L’on pourra la classer dans les annales de la Côte d’Ivoire. La première lutte commune transcendant les partis politiques qui aura abouti est celle contre la réduction des volumes de données Internet. Comme un seul homme, les Ivoiriens ont su, contrairement à la lutte contre la flambée des prix des denrées alimentaires et d’autres produits, faire fi de leur appartenance politique et parvenir à faire reculer les pouvoirs publics sur une décision. Mise en cause, l’Autorité de régulation des télécommunications en Côte d’Ivoire (ARTCI) n’a pas eu d’autre choix que de produire un communiqué, le 7 avril, dans lequel elle assure n’avoir prescrit aux opérateurs aucune mesure d’augmentation tarifaire. « Le seul but  est d’assainir la concurrence entre les opérateurs, assurer la protection des consommateurs et assurer un développement pérenne du marché de la téléphonie mobile ». Mais ce communiqué s’est avéré insuffisant. Il aura fallu l’intervention du ministre de la Communication, Porte-parole du gouvernement, Amadou Coulibaly, qui a volé au secours de l’organe de régulation le 10 avril. Si cette sortie a eu pour effet de suspendre la mesure, des opérateurs comme Orange et MTN ne sont toujours pas revenus à l’ancienne grille. Le petit poucet Moov Africa a, quant à lui, mis en application les résolutions sans attendre. Conséquence, la colère des consommateurs n’a pas faibli, si bien que certains, comme l’influençeur Jean Bonin, ont lancé un appel de fonds afin d’engager un procès pour la suppression du prix plancher et pour interdire la confiscation des données data déjà payées. Selon ce dernier, plus d’un million de francs CFA avaient été déjà collectés à la date du 16 avril. Parallèlement, un boycott des opérateurs mobiles a été lancé dans la foulée par le député Assalé Tiémoko. Pour lui, « la mesure d’augmentation des coûts des data est illégale et doit être retirée (…). Elle fait augmenter de façon totalement indécente les coûts de la connexion en Côte d’Ivoire et exclut de l’accès Internet nos étudiants, nos élèves et les Ivoiriens qui sont en difficulté financière ». Ces actions, jumelées ou cumulées, pourraient mettre à mal ainsi les discussions engagées en janvier 2022 entre l’ARTCI, les opérateurs et une quinzaine d’organisations de la société civile. Désormais, d’autres acteurs entrent dans le jeu pour les intérêts des consommateurs, dans un contexte où le taux de pénétration d’Internet atteint à peine 34%.

Aux origines En 2020, l’Autorité de régulation avait enjoint les opérateurs de ramener le coût du mégaoctet à 1 franc CFA pour rester en phase avec les tarifs exigés par le marché. Sauf que ceux-ci n’entendent pas cela de la bonne oreille. Pour eux, cette donne pourrait avoir un impact sur la conservation de leurs clients. Alors, dans leur volonté de les conserver et d’en chercher davantage, ils décideront de maintenir le tarif autour de 0,5 franc CFA. Après trois ans d’exercice, les opérateurs décident, contre toute attente, en janvier 2023, de procéder à une hausse. Sauf que cette fois, l’ARTCI les engage à ramener à 0,8 franc le coût du mégaoctet au lieu d’1 franc, pour soutenir les usagers dans un contexte de cherté de la vie. La mesure était prévue pour entrer en vigueur le 6 avril 2023. Sans préavis, les trois compagnies (Orange, MTN et Moov Africa) baissent le volume des data dans les formules 4G tout en augmentant les prix, pour refléter le coût de 0,8 franc du mégaoctet.

Chasse aux avantages Selon le ministre de la Communication, il existe une « rude concurrence » entre les grands acteurs des télécommunications et une « chasse aux avantages » pour conserver et acquérir de nouveaux clients, avec des offres promotionnelles toujours plus alléchantes. Cet état de fait provoque un « désordre ». En effet, les opérateurs, pour gagner des parts de marché dans cet environnement qu’ils se partagent à trois, estiment vendre à perte les données mobiles en se rattrapant sur d’autres services, comme les appels téléphoniques. Selon l’ARTCI, c’est cette pratique qu’elle souhaiterait voir cesser. Expliquant cela selon ses chiffres, l’Autorité de régulation indique que les revenus sur le service « data » ont connu une nette croissance sur la période 2020-2021, avec 31,6% pour Orange, 21,6% pour MTN et 14,6% pour Moov. Quant à la croissance des marges dégagées, elle a été de 95% pour Orange, 39% pour MTN et 6,4% pour Moov. D’année en année, ces chiffres grandissent et les opérateurs peuvent chiffrer en milliards de francs CFA les dividendes partagés entre leurs actionnaires.

Un secteur solide Pour maintenir Côte d’Ivoire sur une trajectoire économique positive, le pays peut compter sur l’économie numérique, qui pourrait rapporter plus de 5,5 milliards de dollars d’ici 2025 et plus de 20 milliards de dollars d’ici 2050. Ces gains pourraient être plus importants si les pouvoirs publics et le secteur privé renforcent les investissements dans les cinq piliers fondamentaux du numérique que sont les infrastructures, les plateformes, les services financiers, l'entrepreneuriat et les compétences. « La place du numérique dans l’économie ivoirienne progresse rapidement. En 10 ans, le nombre d’utilisateurs d’Internet est passé de 9% à 34% de la population. Le secteur des services de télécommunications a généré un chiffre d’affaires de 1 139 milliards de francs CFA en 2021, soit près de 2 milliards de dollars, ce qui représente 3% du PIB, près de 3 000 emplois directs et plus de 100 000 emplois indirects. Le nombre de cartes SIM a doublé, pour atteindre 40 millions. Tout ceci illustre bien la montée en puissance du numérique en Côte d’Ivoire », explique Hermann Yohou, auteur principal du rapport de la Banque mondiale  intitulé  « Le secteur numérique, vecteur d’une économie émergente », publié en juin 2023.  Donc le secteur du numérique peut accélérer le progrès économique et être un vecteur de croissance inclusive et d’émergence pour la Côte d’Ivoire, tout en soutenant les traditionnels moteurs de la croissance. Mais il y a lieu de renforcer les efforts d’investissement dans ce secteur, aux énormes potentiels pour le développement économique du pays, et surtout le rendre plus accessible à la grande masse. Et là ou bât blesse, c’est que la Côte d'Ivoire a besoin de plus de 2 000 milliards de francs CFA pour réaliser son programme d'infrastructures numériques. Un investissement qui permettre la construction du Centre national de données et l’achèvement du projet de développement du Réseau national de fibre optique. Un réseau de fibre optique qui devra permettre d’apporter Internet à haut débit partout, ce qui indispensable pour l’accès aux services dématérialisés et les opportunités socioéconomiques dans tous les foyers, tout en réduisant les coûts.

À LIRE AUSSI

APPELS D'OFFRES
L’Hebdo - édition du 12/12/2024
Voir tous les Hebdos
Edito
Par KODHO

Pour les humains et pour la planète

La 27ème édition de la Conférence annuelle des Nations unies sur le Climat, la COP27, s'est ouverte il y a quelques jours à Sharm El Sheikh, en Égypte. ...


Lire la suite
JDF TV L'actualité en vidéo
Recevez toute l’actualité

Inscrivez-vous à la Newsletter du Journal d'Abidjan et recevez gratuitement toute l’actualité