MUGEFCI : La vache à lait

La bataille pour le renouvellement des instances dirigeantes de la Mutuelle générale des fonctionnaires de Côte d’Ivoire (MUGEFCI) est lancée depuis plusieurs semaines. Prévues pour se tenir en septembre prochain, ces élections font craindre une autre crise, près celle de 2012. Mais, plus que tout, c’est la gestion de cet outil qui préoccupe les Ivoiriens. Les présidents des différents syndicats se lancent dans une bataille sans merci dès que le sujet est abordé. Même les luttes syndicales sont désormais menées avec l’élection à la MUGEFCI en fond de toile. Pourquoi se bat-on pour la MUGEFCI ? Enquête.

C’est en septembre prochain que les élections pour désigner les délégués de la MUGEFCI se tiendront. Jusque-là, ces scrutins pour le renouvellement des instances dirigeantes de la mutuelle n’ont enregistrés que quatre candidats. Théodore Gnagna Zadi, président de la Plateforme nationale des organisations professionnelles du secteur public, candidat de la liste «Maturité-Unité-Renaissance (MUR)», qui jouit d’une plus grande notoriété. Dr Assétou Laurence Kamara Mam, la candidate adoubée par l’actuel PCA, Mesmin Komoé. Elle a l’avantage de pouvoir bénéficier d’une bonne partie du réseau qui a permis à M. Komoé de remporter les dernières élections. Puis, il y a Paul Gnogbo, le secrétaire général du Mouvement des instituteurs pour la défense de leurs droits (MIDD). Ex-bras droit de Mesmin Komoé, M. Gnogbo ne partage plus les mêmes visions que son ancien mentor.

Après avoir remplacé Mesmin Komoé à la tête du MIDD, il veut maintenant  son poste à la tête de la MUGEFCI.  Le nom de sa liste ? « Solidarité, santé ». À ses côtés, une forte coalition d’instituteurs, mais aussi des faîtières telles que le Syndicat national des cadres supérieurs de la santé de Côte d’Ivoire (SYNACASS-CI), le Syndicat national des enseignants du second degré de Côte d’Ivoire (SYNESCI), dirigé par Ekoun Kouassi. Sans oublier la Confédération des syndicats des fonctionnaires de Côte d’Ivoire (COSYFOCI), dirigée par Apollinaire Tapé Djédjé. La bataille pour rafler les voix des instituteurs, essentielles pour remporter cette élection, n’en sera que plus âpre. Mais, il faudra compter avec David Bli Blé, lui-même enseignant et non des moindres, qui dirige l’Intersyndicale des enseignants du primaire public de Côte d’Ivoire (ISEPPCI). Bli Blé est également à la tête de la Coordination libre des enseignants de Côte d’Ivoire (COLENCI) et c’est aussi le secrétaire général de la centrale syndicale Dignité. Intéressé mais pas encore déclaré,  Pacôme Attaby,  le président de la Coalition des syndicats du secteur public de Côte d’Ivoire (CSSP-CI) est attendu dans l’arène.  Celui qui s’est fait remarquer lors des grèves de la Coalition des syndicats du secteur éducation/formation de Côte d’Ivoire (COSEFCI), dont il était le porte-parole, en 2019, compte bien peser dans ces élections.

En sommes, c’est un scrutin qui s’annonce rude. Hélas, elle porte en elle tous les germes d’une crise postélectorale. En 2012, les élections avaient débouché sur une profonde crise, amenant le gouvernement à mettre la vieille mutuelle sous tutelle. Si le scrutin de 2013 avait été ensuite pacifique, ceux de 2017 ont frôlé le bocage, avec des dénonciations de fraude, ici et là. Mais, au dire de Tapé Djédjé, si le malaise a été évité, c’est bien parce que le gouvernement est resté en alerte, depuis l’épisode de 2012. « Le gouvernement a eu un regard sur la tenue du scrutin. Cela a toujours été ainsi. Et il faut que cela continue », explique M. Djédjé.

Comité de contrôle Lors de son assemblée générale tenue ce mardi, la MUGEFCI a établi son bilan. Le PCA sortant, Mesmin Komoé, qui ne peut se représenter conformément aux textes, y était avec sa candidate, Dr Mam Kamara, vice-présidente. Il y avait également Paul Gnogbo, qui est dans le comité de contrôle de la MUGEFCI. Une famille qui s’apprête à croiser le fer…

Qu’est-ce qui fait autant courir les candidats ? La manne financière. Le budget annuel de la MUGEFCI est de 38 milliards FCFA. La loi autorise les dirigeants à prendre jusqu’à 20% de ce budget pour le fonctionnement de la mutuelle. Soit autour de 8 milliards FCFA. Le reste étant dédié aux prestations. Et c’est la masse salariale qui engouffre l’essentiel. Ces milliards attirent forcément. 

À côté de cela, la MUGEFCI signe de nombreux contrats pour les prestations des fonctionnaires. Elle lance de nouveaux produits comme la «carte intelligente» vendue par les dirigeants actuels à 10 000 FCFA et censée permettre aux mutualistes de bénéficier de prestations de santé à l’hôpital et en pharmacie, d’accéder à des services bancaires.

«En dehors des élections politiques, aujourd’hui, l’élection qui crée le plus d’inquiétude est celle de la MUGEFCI», note  Théodore Gnagna Zadi. Ceux qui viennent à la tête de la structure, se préoccupent plus de traire la vache que de la nourrir. Malheureusement, avec l’arrimage, la mutuelle doit aujourd’hui financer la Couverture maladie universelle (CMU). Et c’est plus que jamais le moment de se préoccuper de son sort.

Selon un rapport émanant de la MUGEFCI que nous avons reçu, les charges de fonctionnement qui étaient d’un peu plus de 6, 549 miliards FCFA en 2017 sont passées à plus de 12,150 milliards de FCFA en 2020. Soit une hausse e de 85,51%. Trois éléments expliquent essentiellement cette hausse, au dire du document. D’abord, la ligne des services extérieurs. Au titre des services extérieurs, il faut savoir que ces charges concernent les frais de mission, les loyers et charges locatives, ainsi que les frais d’entretien, les dépenses de séminaires et conférences, les charges de publicité, les coûts de formation, etc. Ces charges qui étaient de 1 391 349 028 FCFA  en 2017, sont à 2 108 135 793 en 2020, indique le rapport. Soit une croissance de 51,52%.

Charges d’exploitation Ensuite, il y a les charges d’exploitation qui ont connu un bond spectaculaire. Ces charges concernent les frais de l’assemblée générale, les frais de fonctionnement du conseil d’administration et du comité de contrôle, etc. Le nombre de membres du conseil d’administration n’a pas augmenté. Et malgré l’arrimage et la diminution des ressources, les charges d’exploitation sont passées de 1 105 865 076 en 2017 à 3 409 411 439 FCFA en 2020. Ce qui fait une hausse de 208,30 %.

À noter également que les charges du personnel, au vu du rapport, sont passées de 2, 409 milliards en 2017 à 3,591 milliards de FCFA en 2020. Une croissance de 49,08 %. « Cette augmentation est due essentiellement aux recrutements plus de 100 nouveaux agents. Ce qui a fait bondir la masse salariale de près de 50% », souligne Gnagna Zadi.  Et Gnagna d’ajouter: « Le rapport du comité de contrôle est en déphasage sur plusieurs points avec celui du conseil ».  En plus de ces chiffres, d’après Gnagna Zadi, le comité de contrôle, après analyse des documents comptables, a souligné à la page 23 de son rapport de contrôle 2020, des charges de fonctionnement de 6, 306 FCFA, contrairement aux 12, 150 milliards de FCFA de charges de fonctionnement annoncées par le conseil d’administration. Quelque part dans les comptes, 5,844 milliards de FCFA se sont volatilisés.

Pour le leader de la liste MUR, c’est la preuve que l’heure de l’assainissement au sein de la Mugefci est venue. « Cela démontre que nous avons les moyens de faire ce que nous avons dit avec une gestion saine », ajoute-t-il.

Interrogé sur ces chiffres, le PCA de la Mugefci, Mesmin Komoé, nie tout en bloc. « Nous ne nous reconnaissons pas dans ces chiffres. Nous venons de terminer notre assemblée générale et les vrais chiffres ont été acheminés au ministère de l’Emploi et de la protection sociale. Comment voulez-vous que les charges de fonctionnement soient à 12 milliards alors qu’on ne cotise que 25 milliards FCFA ? », a indiqué ce mardi Mesmin Komoé. Toutefois, le PCA de la Mugefci n’a pas voulu communiquer sur les véritables chiffres des charges de fonctionnement. La hausse des charges du personnel doublée du recrutement de plus de 100 nouveaux agents ? « Ce sont des mensonges », balaie-t-il du revers de la main. Quoi qu’il en soit, la gestion au sein de la MUGEFCI n’a jamais été aussi décriée. Alors que cet outil des fonctionnaires est à l’agonie avec des prestations diminuées ces dernières années, l’intérêt des candidats doit être recentré sur sa survie.

Raphaël TANOH

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