La bataille autour des parrainages de certains candidats, tant pour les élections municipales que régionales, n’a pas été de tout repos pour les ex alliés RHDP. Après la clôture du dépôt des dossiers auprès de la Commission électorale, des duels palpitants s’annoncent. Au-delà des élections locales se joue la cartographie des élections de 2020 et se profile également un duel au sommet entre les Présidents Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié. Le vainqueur prendra à coup sûr un avantage décisif dans la marche vers 2020. Le match entre ces deux grands sera arbitré par le FPI de Pascal Affi N’Guessan et les indépendants proches de Guillaume Soro, le Président du Parlement. Une « présidentielle » avant l’heure se joue pour chacun des acteurs, qui voient en ces élections une opportunité de positionnement de leurs différents directeurs de campagne pour 2020.
Les élections couplées des conseillers municipaux et régionaux du 13 octobre s’annoncent comme un grand défi pour chaque camp. Elles seront les premières de l’après divorce entre le Rassemblement des houphouëtistes pour la paix et la démocratie (RHDP) et le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et s’imposeront comme le baromètre du poids politique de chacune de ces entités. La phase de parrainage a déjà annoncé les couleurs et même si le PDCI a perdu la première bataille autour de certains de ses cadres, il ne s’avoue pas pour autant vaincu. Il espère d’ailleurs que ses 120 candidats en lice pour les municipales et les 21 pour les régionales pourront rafler la mise face à des candidats du RHDP ou des indépendants parfois issus de ses propres rangs. Le RHDP, qui a pour principale branche le Rassemblement des républicains (RDR), présente 198 candidats pour les municipales et 31 pour les régionales. Une grande couverture nationale qui se présente comme un atout maitre pour la coalition au pouvoir.
Duels palpitants Au-delà de la course pour le maximum d’élus locaux, les ex alliés suivront de très près les élections à Cocody, entre Mathias Ngouan (RHDP, transfuge du PDCI, maire sortant) et Jean Marc Yacé, candidat du PDCI, à Attécoubé entre Paulin Danho (RHDP, maire sortant, transfuge du PDCI) et Claude Eho Djoman, de même qu’à Port Bouët entre Siandou Fofana (RHDP, transfuge du PDCI) et Sylvestre Emmou (PDCI). Ces duels ne feront nullement écran à celui du Plateau entre l’homme d’affaires Fabrice Sawegnon (RHDP) et le député Jacques Ehouo (PDCI). Un face à face entre le poulain du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly et celui de Noël Akossi Bendjo, le maire sortant, relevé de ses fonctions il y a peu pour « malversations ». Deux grosses têtes, Ibrahim Cissé Bacongo (RHDP) et Raymond N’DohiYapi (PDCI), s’affronteront à Koumassi. Un remake de 2013, où le duel avait tourné en faveur du second et où l’un crie « vengeance » et l’autre « confirmation ».
Le PDCI joue également gros à Yamoussoukro, la capitale politique, tout un symbole pour le plus ancien parti ivoirien. Le maire sortant, Jean Kouacou Gnrangbé, en plus d’affronter un candidat RHDP, Léon Loukou Kouamé, fera face à deux de ses conseillers municipaux, qui se présentent en indépendants. C’est un fief stratégique à ne pas perdre pour le PDCI RDA. Autre combat très important, celui dans le Gontougo entre Adjoumani Kobenan Kouassi (RHDP, transfuge du PDCI) et Serge Vremen Yvon (PDCI). Perdre pour Adjoumani sera synonyme de mort politique et perdre pour le PDCI sera un coup fort difficile à encaisser dans la région du Gontougo, un bastion du parti. Abandonné par le PDCI dans la région du Gôh, le Président sortant Bagnon Djédjé a décidé de se « venger » de son parti en acceptant le parrainage du RHDP. Il sera face à Bodi Théodore, un poulain de Maurice Kacou Ghuikahué, le Secrétaire exécutif du PDCI. Ces élections locales, qui apparaissent comme les premières véritablement ouvertes depuis 2011, réserveront certainement d’énormes surprises et capteront toute l’attention des observateurs politiques autour de ces grands affrontements où se jouera l’image politique des hommes d’Alassane Ouattara et d’Henri Konan Bédié. Mais aussi l’avenir politique du RHDP et du PDCI, tout comme celui de leurs cadres en compétition.
Pour l’honneur ou la survie D’autres confrontations, et non des moindres, se joueront à fond au nom de « l’honneur ». Ainsi, à Abobo, le candidat Hamed Bakayoko affrontera dans ce bastion du RDR Téhfour Koné, membre du cabinet du Président du Parlement. Le premier est censé être en territoire conquis, mais aucune élection n’étant gagnée d’avance il n’est pas à l’abri d’une grosse surprise. « Ni le RDR ni le RHDP ne peut se permettre de perdre Abobo, car cette commune représente un peu plus de 6% de l’électorat national », confie un proche du candidat Hamed Bakayako. Pareil duel se mènera un peu plus au sud-ouest entre Alain Lobognon et son ex suppléant Fulbert Tchekéré Beugrefoh, tous deux militants du RDR. Député maire, Alain Lobognon, qui est quasiment la tête de liste nationale des candidats indépendants proches de Guillaume Soro, jouera son honneur, son positionnement et celui de son mentor dans la zone. À Divo (centre-ouest), le candidat Amédée Kouakou, membre fondateur du mouvement « Sur les traces d’Houphouët », joue également son image et son honneur face au député de la circonscription Famoussa Coulibaly, candidat indépendant proche de l’Union pour la démocratie et la paix (UDPCI). La bataille s’annonce épique entre ces deux militants du RHDP. Pour Kouakou, il s’agira de démontrer à son parti, le PDCI, qu’il est encore un poids lourd dans la région du Lôh Djiboua et pour se rendre incontournable pour le RHDP dans la zone. Mais les duels ne seront pas uniquement du côté de la grande famille des houphouëtistes. Le Président officiel du Front populaire ivoirien (FPI), Pascal Affi N’Guessan, affrontera dans le Moronou (centre-est) Véronique Bra Kanon du PDCI, Présidente sortante du conseil régional. Pour rappel, lors de l’élection présidentielle Affi N’Guessan y avait battu le candidat Alassane Ouattara, avant de remporter l’élection législative dans cette circonscription. Ce qui lui donne un avantage statistique. Mais la candidate du PDCI, seule femme Présidente de conseil régional entre 2013 et 2018, mobilise déjà ses électeurs afin de conserver son fauteuil.
Arbitres Le match se jouera sous l’œil vigilant du Front populaire ivoirien (FPI), qui parraine 21 candidats pour les municipales et une vingtaine pour des « raisons de stratégie » et des candidats proches de Guillaume Soro. Selon une source proche du Président du Parlement, un peu plus de 80 candidats cooptés par ce dernier sont en course. La coordination a été confiée à Alain Lobognon, qui s’est chargé de leur recrutement. Dans cette posture d’arbitres, ces deux groupes jouent également leur avenir politique et sont soucieux de mesurer leur poids avant 2020. Leurs résultats respectifs pèseront dans la balance du jeu des alliances. « Pascal Affi N’Guessan connait plus ou moins son poids électoral et ne s’attend pas à un grand changement en sa faveur lors des élections. Il pourrait se contenter d’une poignée d’élus aux municipales et espère remporter le fauteuil de Président du conseil régional du Moronou (Est), où il part favori », explique un observateur politique. Selon ce dernier, « la grande inconnue se trouve du côté des indépendants proches de Guillaume Soro. Peu importe le résultat d’ensemble, Soro connaitra les forces et les faiblesses personnelles des hommes sur lesquels il compte pour les batailles à venir ». Selon certains observateurs, cela est déjà un exploit pour le Président du Parlement que d’avoir « suscité » plus de 80 listes de candidatures éloignées du FPI et très proches du PDCI. « S’ils obtiennent plus de communes que le PDCI, ce qui peut arriver dans le contexte actuel, ce sera alors à eux de prendre la tête d’une probable coalition pour 2020 » prévient un diplomate africain.
Ouakaltio OUATTARA