La riposte face au Covid-19 n’a pas encore porté ses fruits. Alors que le nombre de nouveaux cas grimpe dans le monde, tout comme en Côte d’Ivoire, le pays doit désormais faire face à deux autres urgences sanitaires. Le 12 août, les autorités annonçaient un premier cas de maladie à virus Ebola. Une semaine auparavant, une infection de l'influenza aviaire, hautement pathogène, de type H5N1, souche de la grippe aviaire, était déclarée dans la localité de Mondoukou, dans le département de Grand-Bassam, à 40 km au sud-est d'Abidjan, selon un arrêté préfectoral. Ainsi, en pleine période de vacances, le pays doit faire face à deux autres virus aussi dangereux que le Covid-19.
Jusque-là, les autorités ivoiriennes s’étaient félicitées d’avoir réussi à éviter le virus Ebola, apparu notamment au Liberia et en Guinée, des pays voisins. Mais les Ivoiriens ont enregistré leur premier cas le week-end dernier. Et c’est une course contre la montre qui s’est déclenchée. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), en plus du cas confirmé, il y a un cas suspect et neuf cas contacts identifiés qui sont suivis en ce moment. Le cas confirmé est bien sûr la jeune fille en provenance de Guinée qui est entrée sur le territoire national le 11 août dernier, avant d’être prise en charge au Centre de traitement des maladies hautement épidémiques du CHU de Treichville le 12 août. En plus d’elle, les autorités ivoiriennes ont détecté un autre cas suspect, selon le porte-parole de l’OMS, Tarik Jasarevic, qui attend confirmation. L’OMS se dit préoccupée, mais les autorités ivoiriennes ont déjà déployé une batterie d’actions pour circonscrire les potentiels cas contacts et débuter la vaccination. Le ministre de la Santé, de l’hygiène publique et de la couverture maladie universelle, Pierre Dimba, se veut rassurant. La situation « est sous contrôle » clame-t-il, ajoutant que le pays est préparé à cette pandémie de la maladie à virus Ebola. Selon le ministre, les cas contacts ont été isolés. Toutefois, il est demandé la collaboration des populations pour la traçabilité des potentiels autres cas. Le mardi 17 août 2021, le ministère de la Santé a lancé une phase de de vaccination contre la maladie à virus Ebola. Les points de vaccination retracent le circuit du cas confirmé. Entre autres le quartier Allakro, situé au deux Plateaux, ensuite le service des urgences du CHU de Cocody et enfin la Clinique Sainte Nancy de Marcory. Ce sont au total 700 personnes qui ont été vaccinées à ce jour, dont 200 pour la journée du lundi 16 août 2021 et 500 personnes pour celle du 17 août 2021. Pendant que les pays africains se concentrent sur la riposte à la pandémie de Covid-19, ils devraient également se préparer à faire face à d’éventuels cas de maladie à virus Ebola.
Frontières poreuses Officiellement, depuis plus d’un an les frontières terrestres entre les pays de l’Afrique de l’ouest sont fermées pour cause de Covid-19. Sauf que des voies pour contourner le dispositif frontalier existent. D’ailleurs, selon le ministre de la Santé, le premier cas « s’est servi de voies détournées ». Un aveu d’impuissance qui ouvre la voie aux spéculations sur la porosité des frontières ivoiriennes. Cette porosité est exploitée par des voyageurs de toutes catégories qui continuent de braver les mesures un an après l’avènement de la pandémie. Si nombre de mesures coercitives contre le Covid-19 ont été levées, certaines, notamment la fermeture des frontières terrestres, demeurent, au grand désarroi des personnes aux moyens limités. Une situation qui favorise le développement des voyages clandestins vers toutes les frontières ivoiriennes. Les craintes se situent donc à ce niveau et ouvrent la voie à plusieurs hypothèses. Si cette jeune fille a pu traverser la frontière, sûrement des milliers d’autres l’on fait avant et après elle. Dans le contexte ivoirien, l’autre crainte, d’après l’OMS, vient du fait que le virus a été détecté dans la capitale ivoirienne, forte de plus de cinq millions d’âmes. Il faut donc mener une véritable course contre la montre pour cartographier tous les cas contacts. Il suffirait qu’un d’entre eux passe entre les mailles du filet pour que le risque soit grand pour la population abidjanaise. Cette année, des épidémies de maladie à virus Ebola ont été notifiées en République démocratique du Congo et en Guinée, mais c’est la première fois que la maladie se déclenche dans une grande capitale comme Abidjan depuis l’épidémie qui a sévi en Afrique de l’Ouest entre 2014 et 2016. L’OMS se veut prudente. Pendant quatre mois, une épidémie de maladie à virus Ebola a sévi en Guinée et a officiellement pris fin le 19 juin 2021. Aucun élément n’indique que le cas détecté en Côte d’Ivoire est lié à la récente flambée épidémique qui a touché ce pays. Mais une enquête plus approfondie et un séquençage génomique permettront d’identifier la souche du virus et de déterminer s’il existe un lien entre les deux flambées, explique l’OMS. Pour le Dr Matshidiso Moeti, Directrice régionale de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour l’Afrique, il n’y a pas à s’alarmer, car « l’essentiel de l’expertise mondiale en matière de lutte contre la maladie à virus Ebola se trouve ici, sur le continent, et la Côte d’Ivoire peut tirer parti de cette expérience pour accélérer la riposte. Il s’agit de l’un des six pays auxquels l’OMS a récemment fourni un appui dans le but de renforcer la préparation à la lutte contre la maladie à virus Ebola et ce diagnostic rapide montre que la préparation porte ses fruits ».
En appendice La filière avicole de Côte d'Ivoire est affectée depuis 2006, 2015 et 2017 par la résurgence et la persistance du virus de la grippe aviaire. Aujourd'hui, ce sont 42 foyers qui ont été identifiés et notifiés à l'Organisation mondiale de la santé animale, avec plus de 122 700 volailles abattues. Si la grippe aviaire est rare chez l'humain, il est bon de rappeler que quand le virus l’infecte il peut causer une maladie grave et même entraîner la mort. Lorsque le virus est détecté parmi les humains, on dit qu’il a franchi la barrière des espèces. Cela signifie que le virus a subi une mutation telle qu'il peut causer la maladie chez l'humain. Étant donné que les humains n'ont pas de protection naturelle ou d'immunité contre ce virus, ils ont toutes les probabilités de devenir très rapidement malades et même de mourir des complications de la grippe aviaire, explique le Docteur Bertin Brou Koffi. En pleine vacances, période où la consommation de viande de poulet augmente, les Ivoiriens sont obligés de jouer la carte de la prudence.
Résistance L’heure est d’autant plus grave que, à l’instar des autres pays du monde, la Côte d’Ivoire fait face au Covid-19, une pandémie qui a mis l’économie mondiale au pas, en plus de provoquer mort et désolation sur son passage. D’ailleurs, après avoir été combattu, plus ou moins avec une certaine efficacité, et surtout grâce au respect des mesures barrières, le virus à couronne refait surface sous les Tropiques, dans une troisième vague dite plus meurtrière que les précédentes. Certes, contrairement aux déclarations de l’OMS qui prédisait une hécatombe en Afrique, compte tenu du manque criard de médicaments et d’hôpitaux convenablement équipés, le continent a résisté jusqu’ici aux assauts du virus. Mais jusqu’à quand durera cette résistance, surtout face aux variants violents, comme celui dit « Delta », au manque de vaccins et à la réticence des populations à se faire vacciner ? Le défi est donc devenu triple pour la Côte d’Ivoire : arrêter la progression du Covid-19 et rendre le terrain difficile pour toute explosion d’épidémie de la maladie à virus Ebola et de la grippe aviaire. Tout ceci commence à en faire un peu trop pour un pays déjà confronté au paludisme.
Yvan AFDAL