FPI : Laurent Gbagbo revient dans le jeu

À l’annonce du décès d’Abdoudramane Sangaré, le samedi 3 novembre, tous les regards étaient tournés vers Simone Ehivet Gbagbo, que l’on voyait prendre les rênes du camp FPI resté fidèle à Laurent Gbagbo, en prison depuis 2011. Elle s’était d’ailleurs dépêchée de convoquer une réunion du secrétariat général, le même jour, rencontre qui s’est terminée dans la confusion, avec un communiqué final signé à Paris. Les choses sont par la suite allées très vite, mais en sens contraire. Après avoir suspendu les activités de son parti, comme s’il voulait couper l’herbe sous les pieds de Simone, Laurent Gbagbo a décidé de mettre fin à tout intérim et d’occuper, cette fois-ci depuis sa cellule, le poste de Président du FPI, un titre que lui dispute Affi N’Guessan depuis 2015, par personne interposées.

Laurent Gbagbo ne voudrait-il pas de Simone, son épouse, pour assurer l’intérim à la tête de la frange du Front populaire ivoirien (FPI) qui lui est restée fidèle, qu’il ne s’y serait pas pris autrement. Dès les premières heures de la disparition d’Aboudrahamane Sangaré, le 3 novembre, Simone Ehivet Gbagbo n’avait pas attendu une seconde pour prendre les choses en main, comme en témoigne la convocation, le même jour, d’une réunion du secrétariat général. À Paris à cette date, le Secrétaire général Assoa Adou publiait un communiqué attribué à Laurent Gbagbo suspendant « toutes les activités du FPI jusqu’à la fin des funérailles d’Aboudrahamane Sangaré ». Face à un Assoa Adou qui a décliné l’offre d’assurer l’intérim et un à Hubert Oulaye, Président du comité de contrôle, hésitant, Laurent Gbagbo s’est décidé à « assumer la présidence », le 16 novembre. Mais pas seulement. Tout en confiant la présidence des réunions à Simone, sans la nommer expressément (le communiqué n’évoque nullement son nom), il transmet en réalité les véritables pouvoirs aux mains d’Assoa Adou, avec qui il précise être « en contact permanent ». Ce dernier aura en charge « la mise en œuvre des décisions et la gestion et l’administration du parti au quotidien ».

Profil bas Après maintes réflexions, Simone Gbagbo, qui se réfugie dans la Bible depuis bien longtemps, a fini par réagir, 72 heures plus tard, à partir d’un tweet. « Je voudrais inviter tous les militants du FPI à faire bloc derrière le Président Laurent Gbagbo. Notre chef nous appelle au rassemblement et à l’unité. Soyons mobilisés et attendons son retour parmi nous », a-t-elle lancé. Simone Ehivet Gbagbo est très consciente que même si elle demeure aujourd'hui le numéro deux du FPI, par ordre protocolaire, et qu’elle garde une forte influence à l'intérieur du parti, c’est son ex Président de la République de mari qui reste le leader charismatique du FPI. Et s’opposer à lui pourrait entrainer sa mort politique, commente l’un de ses proches. « Elle ne fera pas de bras fer, contrairement à ce qu’on entend ça et là », ajoute ce dernier. Mais pour Frank Toti, journaliste et consultant en communication, « il n’y a pas lieu de soupçonner une crise latente entre les Gbagbo. Laurent est le Président du parti, il prend des décisions. Et Simone, en tant que numéro deux par ordre protocolaire, depuis le décès de Sangaré, se doit de mettre en œuvre ces décisions ». Dans l’ombre, les mauvaises langues n’ont pas tardé à sortir l’éternel « guerre des rivales » qui s’est invitée entre Simone et Nady Bamba. Prêtant à la deuxième des immixtions récurrentes dans la gestion du FPI depuis que Laurent Gbagbo se trouve exilé à la Haye. C’est pour cela que l’analyste politique Sylvain N’Guessan estime que Laurent Gbagbo tente de se prémunir contre Simone, qui, humiliée dans sa vie privée quand Gbagbo a convolé en secondes noces avec Nady, pourrait retrouver ses réflexes de femme politique et préparer sa candidature pour 2020 si elle prenait la direction du parti. Le camp Affi N’Guessan a toujours surfé sur cette ligne (celle de la guerre des co-épousee), en remettant régulièrement en cause « les décisions qui viennent de la Haye ». Mais Simone n’empruntera pas le même chemin qu’Affi N’Guessan. Pas pour le moment. Cependant, sa nouvelle posture consistant à appeler à la paix et à la réconciliation pourrait ne plus prospérer. « La ligne du parti, c’est Gbagbo. Simone est dans un combat pour la réconciliation qui ne répond pas à la stratégie d’ensemble. Et, avec la donne actuelle, elle devra revoir sa copie » confie un cadre du FPI.

Rien sans Gbagbo Avec cette nouvelle donne, le « Gbagbo ou rien » devrait prendre tout son sens. Lancé dans une politique du tout boycott depuis 2011, cette tendance devrait se perpétuer et maintenir le parti dans une sorte d’immobilisme. Gbagbo et ses partisans sont convaincus que les portes de la prison de la Cour pénale internationale (CPI) s’ouvriront bientôt pour lui. Une chose est sûre. Pour Sylvain N’Guessan, Laurent Gbagbo ne veut plus de « plan B » pour le camp qu’il représente. Il est le premier, « Gbagbo ou rien ». Poursuivant sur cette réflexion, ce dernier rappelle que le concept intervient dans un contexte où ses initiateurs lient la vie du FPI à Laurent Gbagbo, sans qui ils suspendraient toute activité politique. « Laurent Gbagbo sortira et reviendra reprendre la lutte là où il l’a laissée », lance Laurent Akoun, quatrième Vice-président du FPI, pour lequel « l’on ne saurait l’abandonner (Gbagbo) en prison et prétendre tourner sa page alors que celle-ci demeure d’actualité ». Si Aboudrahamane Sangaré et Laurent Gbagbo ne se sont pas revus depuis 2011, ils sont restés constamment en relation, via des personnes de leur cercle restreint, dont Laurent Akoun. La ligne a toujours été claire pour lui. « Nous ne reconnaissons pas le pouvoir en place. Le FPI ne participera pas au jeu politique avec Gbagbo en prison et Pascal Affi N’Guessan est radié du parti depuis 2015 », clame-t-il. Les dernières évolutions de l’actualité au sein du FPI lui donnent raison et démontrent qu’il ne sera question de reconquête de pouvoir pour le FPI qu’avec Laurent Gbagbo. Sans lui, le parti observera la même posture qu’en 2015, le boycott.

Affi sur une pente glissante Va-t-il toujours s’accrocher à la légalité que lui confère la justice pour se maintenir à la tête du FPI ? Oui, selon ses proches. Pascal Affi N’Guessan, qui a toujours remis en cause les signatures attribuées à Laurent Gbagbo, « ne se sent pas concerné par celles qui sont succédées ces derniers jours », tranche l’un de ses proches. Mais, si mener la bataille face à un Sangaré peu charismatique était relativement aisé, affronter de face Laurent Gbagbo, même en prison, pourrait être un peu plus délicat. Pour autant, tant que Gbagbo est en prison, Affi peut se frotter les mains, car, avec une santé quelque peu fragile, Assoa Adou, tout comme Sangaré en son temps, manque de poigne et pourrait se retrouver dans une posture où il sera plus amené à canaliser ou à neutraliser Simone qu’à contrecarrer Affi. Mais Affi N’Guessan est dans une impasse certaine face à nombre de ses militants, qui, dans cette reconfiguration politique à l’interne, pourraient freiner des quatre fers dans leur élan à le soutenir. « Affi a encore du temps. Tant que Gbagbo est en prison, sa posture peut toujours prospérer. Il peut remettre en cause les communiqués attribués à Laurent Gbagbo. Mais cela pourrait l’affaiblir davantage dans l’opinion proche du FPI », pense Firmin Kouakou.

Ouakaltio OUATTARA

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